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Coups d’État en Afrique de l’Ouest / CEDEAO : le fiasco de l’extrémisme et de l’intolérance

Depuis quelques années, l’Afrique occidentale francophone, fait face à des crises diverses dont des crises politiques, électorales, doublée d’une mal gouvernance et d’une crise sécuritaire de plus en plus prégnante. Cette situation inconfortable ne pouvait que justifier dans beaucoup de pays, après le constat amer de l’échec de l’élite civile dans la gestion du pouvoir, l’intervention militaire chirurgicale qui amène la grande muette aux affaires afin d’éviter l’implosion et l’effondrement d’Etats fragiles devenus des jouets aux mains de politicards sans vision. Mais au lieu d’une analyse lucide de ce qui a pu conduire à ces situations somme toute regrettables dans une Afrique qui cherche depuis trois décennies à trouver sa voie dans la démocratie, la CEDEAO, sous injonction de la France, n’eut de solution pour réagir à de telles situations délicates que la brutalité, sans jamais faire preuve de tact pour aborder au cas par cas les différentes situations. Et depuis des années qu’elle use et abuse de sanctions méchantes et inefficaces qui ne font que détruire son image et nuire à sa réputation, cette CEDEAO est incapable de poser un regard critique plus responsable sur elle-même, espérant que le Mali puisse s’effondrer sous les effets escomptés de ses sanctions, n’ayant aucun élan de compassion pour un peuple qu’elle voudrait asphyxier, écraser même pour faire croire à la France qu’elle joue bien la servilité, qu’elle sait faire le mal contre elle-même, contre des peuples de son espace qu’elle a pourtant vocation à écouter, et elle joue le mauvais rôle pour le seul bon plaisir d’Emmanuel Macron.

D’abord cette intransigeance aveugle vis-à-vis du Mali n’a pas empêché qu’on ait d’autres coups d’Etat dans l’espace CEDEAO, notamment en Guinée et au Burkina Faso, et selon certains discours qu’on a entendus il y a quelques semaines, il en reste encore. Aussi, alors qu’elle somme les autorités maliennes de revenir sur la durée proposée pour leur transition, chez les nouveaux qui font irruption sur le champ politique pour prendre le pouvoir dans les pays que nous citons plus haut, la même CEDEAO qui fait très attention à la durée des transitions, ne peut s’empêcher d’avoir un traitement de faveur vis-à-vis des autres putschistes comme si, dans ce qui se faire dans le même espace, elle pouvait voir de bons et mauvais coups d’Etat. Ainsi, par ses partis pris, sa gestion partiale des différentes crises, la CEDEAO a gravement terni son image si bien qu’aucun Africain aujourd’hui n’écoute ses discours et ne donne de l’importance à ses décisions à travers lesquelles, dans l’espace, on ne la comprend plus. Sommet après sommet, la CEDEAO accusée d’être un syndicat au service des intérêts exclusifs des chefs d’Etat en exercice tenus de se serrer les coudes par solidarité corporatiste », ne put rien changer car sa lecture du problème est trop parcellaire, peu lucide, peu sérieuse. Il ne peut en être autrement dès lors qu’elle ne pense plus par elle-même, obligée de travailler avec la réflexion inconvenante d’un autre qui essaie de l’instrumentaliser depuis que, pour fonctionner, au lieu des seuls efforts de ses membres, elle accepte les appuis financiers de la France et de l’Union Européenne qui s’en servent à lui dicter des politiques. On peut d’ailleurs voir qu’elle n’est pas sur la même longueur d’onde avec l’UA qui, lors de son dernier sommet à Malabo, faisait une analyse plus critique et clairvoyante des crises qui secouent le continent. Elle peut d’ailleurs enfin avoir le courage de parler de là où ça fait plus mal : certains dirigeants, par leur entêtement, auront mérité ce qui leur est arrivé. Comment la CEDEAO, peut-elle être libre dans son fonctionnement, quand, financièrement, elle devrait dépendre d’un autre ? Là est tout le problème. Tant que les Africains, ne sauront pas consentir les moyens de leur fonctionnement tant au niveau des Etats que des organisations continentales et régionales, ils ne pourront jamais avoir des politiques souveraines qui visent leur plein épanouissement pour assumer leur souveraineté, leur indépendance, leur émancipation politique et économique.


L’UA, ne se fait pas d’illusion pour les problèmes politiques que vivent les Etats africains dont bon nombre sont du giron français. C’est pourquoi, abordant essentiellement deux sujets qui font l’actualité sur le continent, à savoir le terrorisme et les coups d’Etat, elle situe le problème au niveau de la responsabilité des gouvernants. Selon Moussa Faki « le terrorisme a continué à prospérer » sur le continent, « notamment parce que nous n’honorons pas nos propres engagements ». Comment ne pas le reconnaitre quand, menant une guerre difficile contre le terrorisme, des Etats, notamment le Niger, peuvent croire qu’une telle occasion leur donne la possibilité, disons la chance, de profiter du conflit et peut-être de son enlisement, pour faire des affaires ? Comment ne pas le croire encore quand, tout en revendiquant sa souveraineté, des Etats peuvent en ce 21ème siècle croire qu’ils ne peuvent s’assumer à se protéger eux-mêmes, par le seul effort de leurs armées pour croire que leur sécurité puisse dépendre d’un autre et oser la sous-traiter avec d’autres pays ? Et c’est pourquoi, parlant des deux sujets, il peut dresser le constat amer suivant : « Il n’y a pas tellement de nouveau dans les décisions prises à Malabo. Ce qui est nouveau, c’est l’aggravation de la situation sur le terrain et l’effet de contamination que cela peut produire vers les autres pays, notamment les pays de la COS [d’Afrique du Nord] et qui étaient jusqu’ici épargnés. Nous espérons qu’eu égard de la situation, ces décisions ne soient pas traitées comme des décisions d’antan, puisque déjà nous avions la convention de Lomé, nous avions la charte pour la démocratie et les droits de l’homme qui existe, mais ce sont des documents qui ne sont pas très observés. Et malheureusement, nous voyons ces coups d’État revenir dans notre continent ». Et des coups d’Etat, on en aura toujours, tant que sur des principes de démocratie, de bonne gouvernance, on ne reste pas intraitables avec ceux qui, abusant du pouvoir, voudraient torpiller la démocratie, l’orthodoxie, et braquer des élections pour prendre en otage la démocratie. Le drame de l’Afrique est là. Et nulle part ailleurs.


Pour l’UA donc, tant que certains problèmes, notamment politiques, ne sont pas traités avec sérieux et pris au sérieux, l’on ne peut pas éviter sur le contient les interruptions intempestives des expériences démocratiques. Il est impensable que des hommes qui se servent de la démocratie et des libertés qu’elle confère pour arriver au pouvoir, puissent s’y détourner dès qu’ils s’installent, pour croire qu’ils peuvent dompter la démocratie pour la gérer selon leurs humeurs et leurs égoïsmes ? Ceci dit, tant qu’on gèrera mal, tant qu’on fera de l’injustice, tant qu’on trafiquera des élections pour détourner les volontés populaires, il n’y aura ni paix, ni stabilité, ni démocratie. Les peuples de ce siècle ne sont pas ceux du siècle dernier et on ne peut vouloir traiter les deux de la même manière. Que n’a-t-on pas dit à Alpha Condé, avant que ce qui devrait lui arriver arrive, têtu à croire qu’il est puissant et invulnérable ? Quand les peuples crient, on ne les écoute pas, on ne les entend pas, on n’en fait à sa tête, fou de pouvoir. Ces autismes ne peuvent que conduire aux catastrophes du genre de ce que l’on vit et voit aujourd’hui et on comprend que lorsque cela arrive, les peuples n’en pleurent pas, pouvant même sortir pour exprimer leur soulagement et même leur soutien inébranlable aux « libérateurs » qui arrivent pour arbitrer les conflits politiques interminables quand ceux qui gouvernaient sont insensibles à leurs déclarations et à leurs manifestations de rue le plus souvent interdites pour dénier aux peuples un droit inaliénable : le droit à la liberté, et notamment la liberté de manifester et d’assumer sa différence. Les Africains sont jaloux de leur démocratie et depuis qu’ils ont goûté aux délices de la liberté, ils ne peuvent plus accepter que des prédateurs de ces libertés viennent prendre en otage leurs démocraties pour restreindre les libertés.


Cette nouvelle lecture des crises que traversent bien de pays africains, ne peut être mieux faite que par un tel regard et on peut croire qu’au sein de la CEDEAO, les lignes sont en train de bouger, laissant voir quelques divergences sur la conduite à tenir surtout quand, les mesures annoncées n’apportent pas les résultats espérés et qu’au lieu d’un autre qu’on croit cibler, ce sont les peuples qui souffrent. Il ne faut pas oublier que, depuis la réélection d’Emmanuel Macron, avec l’arrivée au Quai d’Orsay d’une nouvelle ministre française des Affaires étrangères et de l’Europe, une Chiraquienne, en France aussi un regard a dû changer et cela compte dans la nouvelle lecture pour savoir mettre de l’eau dans son vin. D’autres l’ont compris pour changer d’attitude et assoupir leur position, ce que d’autres n’ont pas compris, pour demeurer rigides sur des positions pourtant intenables, par stratégie et par pragmatisme. L’approche française des relations françafricaines quand, ce que lui dictaient Jean Yves le Drian et Florence Parly ont dramatiquement échoué, ne pouvait que changer pour prospecter de nouvelles voies diplomatiques afin de soigner et refonder les relations avec cette Afrique qui se révolte contre une certaine vieille et désuète France qui ne vit plus son temps.
Le dernier sommet de la CEDEAO en fin de semaine dernière à Accra est assez révélateur de ce nouveau malaise qui traverse la CEDEAO qui est en train de perdre son unanimisme autour de la question malienne quand les autres pays ne peuvent leur faciliter la tâche, avec là aussi, des transitions longues annoncées. L’organisation communautaire « établit de manière claire un lien entre la mal gouvernance et les coups d’État ». Les coups d’Etat, en d’autres termes, ne sont que la conséquence de la mal gouvernance. On ne saurait donc accuser des soldats qui mettent en danger leur vie, prennent des risques énormes, pour sauver ce qui reste d’un pays, de leur pays.


Il se trouve même qu’au regard du temps que prend les sanctions, certains pays et leurs dirigeants, ne manquent pas de compassion pour un pays avec lequel, depuis de longues décennies, ils ont de solides relations qu’ils ne sauraient trahir trop longtemps pour seulement faire plaisir à une France qui a sans doute compris ses erreurs et qui cherche à recadrer sa relation avec « ses » amis africains et même avec le Mali. C’est d’une nécessité historique et politique qu’il s’agit pour cette France qui a pendant des années de copinage difficile refusé d’évoluer, de changer de regard sur le continent.


Presque séparé en queue de poisson au dernier sommet sans la moindre déclaration consensuelle, les chefs d’Etats qui se découvrent enfin se sont donné rendez-vous le 2 juillet prochain pour prendre une décision à l’encontre des trois transitions devenues un casse-tête pour les dirigeants de la CEDEAO qui ne sont pas arrivés à durcir ou à assouplir les sanctions ainsi que cela était entendu, mais sans que, toujours, certaines des sanctions ne soient prévues par leurs testes.
Divisions au sein de la CEDEAO….


Comme l’indiquait sur Twitter le ministre des Affaires étrangères du Mali, Aboudlaye Diop, la rencontre d’Accra se tenait à « huis clos entre chefs d’État », ce qui n’a pas empêché d’apprendre les positions des uns et des autres relativement à la position à tenir face aux différentes transitions qui étaient au menu des discussions et notamment vis-à-vis du cas passionné du Mali qui, malgré toute la coercition, refuse de courber l’échine face à la CEDEAO, face à la France, face à l’Union Européenne, décidé à s’assumer, tenant le cap dans ses nouveaux choix stratégiques. Face à l’Histoire. Nos dirigeants qui, dans la gestion de tels problèmes où les solidarités avec les peuples s’imposent, font preuve d’un zèle inouï pour plaire à la France ou à un autre, doivent comprendre qu’il y a toujours une certaine retenue à avoir pour la postérité car un jour ou l’autre, l’on pourra avoir à répondre de ses actes et de ses paroles. N’est-ce pas que ceux qui jouent aux faucons de la CEDEAO pour se faire les plus extrémismes dans le désir criminel d’asphyxier le peuple vaillant du Mali, doivent se poser mille et une questions depuis qu’au sortir de la rencontre, quand même tenue à huis-clos, exclusivement entre présidents de l’espace, que les positions des uns et des autres avaient fuité comme pour les mettre en marge et les exposer au mépris d’Africains qui ne peuvent comprendre le comportement de certains de leurs dirigeants, surtout quand on apprend qu’il ne s’agit que d’une minorité de présidents, quelques deux ou trois. C’est dommage. Personne, y compris des journalistes, n’étaient dans la salle quand même, juste après, l’on apprend que le président du Niger, le sieur Bazoum Mohamed, le président ghanéen et celui de la Gambie constituent, l’aile dure, la ligne la plus dure qui s’oppose à tout allégement des sanctions prises à l’encontre des pays concernés et notamment à l’encontre du Mali. Les Nigériens en ont eu honte. Peuvent-ils ne pas avoir regretté leur intransigeance qui, visiblement, agace certains de leurs paires, qui, sans doute pour se faire bonne conscience vis-à-vis du peuple du Mali, pouvaient sortir de la discrétion à laquelle les astreint leur fonction, pour confier à des journalistes français qui pouvaient s’être opposés à un allègement des sanctions contre un peuple qui résiste, refusant de baisser les bras pour assumer son destin de peuple libre. Et les autorités maliennes, malgré une certaine campagne qui se mène contre elles, peuvent, aussitôt réitérer la durée de leur transition, refusant d’écouter les atermoiements d’une CEDEAO à la dérive, désormais sans âme et divisée.


Dans tout ce qui se fait contre le Mali, faut-il en vouloir à ces trois ? Tant il est vrai que par ce que l’on a appris par rapport à leur position rigide, l’on ne peut que déplorer une telle attitude de leur part quand ils ne peuvent pas savoir qu’un huis-clos, pour autant, ne les protège pas de leur extrémisme suicidaire, de leurs choix risqués aujourd’hui révélé au monde entier. C’est pour cela d’ailleurs que la décision de la même CEDEAO qui désignait l’ancien président nigérien comme facilitateur dans la crise burkinabé, pourrait ne pas être la bonne. La CEDEAO peut même avoir mal fait son choix car d’une part, dans le problème Burkinabé, le Nigérien est loin d’être neutre pour jouer à l’impartialité à laquelle son nouveau rôle le soumet car on connait ses relations avec les autorités déchues et avec un camp d’un certain Salif Diallo pour lesquels il pourrait vouloir jouer pour polir son image que l’on sait peu lice dans l’opinion du pays. Et d’autre part, il pourrait être peu crédible dans une telle crise dont il est un acteur lointain pour mériter de l’écoute dans ce pays et notamment vis-à-vis d’une certaine société civile du pays des hommes intègres qui a de bonnes raisons de douter de ses bons offices surtout parce qu’il incarne une aile dure de la communauté et aujourd’hui à travers Bazoum Mohamed qui est son continuum et qui est, quand même Camarade, son fils spirituel, qui tient aujourd’hui, dans la CEDEAO, le camp le plus intransigeant, le plus intolérant pour ne pas savoir faire des concessions dans une crise comme celle-là. On sait que sur un tel sujet, Bazoum Mohamed ne marche que dans les pas de celui qui lui a fait le bonheur de devenir président de l’Etat du Niger. Il ne faut pas aussi oublier qu’Issoufou reste l’un des dirigeants le plus soumis à la France aujourd’hui impopulaire au Sahel. Ses complicités avec la France, pourraient donc ne pas l’aider dans sa mission. Les Burkinabé finiront par le découvrir. Il ne faut donc pas se surprendre si demain, au Burkina Faso, l’on entend des voix qui récusent le rôle de médiateur de l’ancien président nigérien dans la crise du pays de Blaise Campaoré. Vous pouvez vous enfermer dans les salles climatisées aux fauteuils douillets et aux conforts rutilants, mais les peuples finiront par apprendre tout de vos paroles et de vos intentions.


Et il revient à chacun d’assumer ce qu’il fait pour en répondre aujourd’hui, demain, ou un autre jour…

ISAK