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Idées et opinions /Nomadisme politique vu du côté d’un opposant qui rejoint la majorité au pouvoir ! : Par Abdou-Malik Issoufa

 Encore appelé transhumance politique, le nomadisme politique est un phénomène très caractéristique des politiques Africaines. Il consiste dans la « migration » d’un parti politique vers un autre. On pourrait y voir a priori un simple changement de parti. Sous ce rapport, il ne soulève pas de questions spécifiques. Si l’on change de religion, pourquoi rester éternellement dans une association ? Toutefois, le « nomadisme » ou la « transhumance » politique est connoté(e). C’est le changement intempestif – et plus ou moins fracassant - de parti politique. Mal perçue, la transhumance politique est assimilée à l’inconstance. L’opinion fustige ceux qui changent fréquemment de parti politique. Car, « un transfuge est toujours un Judas ». (Philipe Alexandre)

Habituellement, on explique le nomadisme par des considérations électoralistes et financières. Certains politiciens seraient prêts à tout, pour échapper aux débâcles électorales ou obtenir des maroquins et autres postes nominatifs, grassement rémunérés. Aux deux premières explications, certains ajoutent le Syndrome de Stockholm : l’étonnante sympathie de la victime pour le bourreau. En cela, le nomadisme est encore plus intéressant, lorsqu’il s’observe chez un opposant virulent, qui rejoint la majorité au pouvoir. Changement de veste ! Volte-face ! Comment passe-t-on de pourfendeur à laudateur ? Ainsi, épuisés par les luttes politiques, dans lesquelles ils connurent la prison et l’humiliation, d’aucuns font le choix de capituler, et « collaborer » pour leur survie physique et politique.

Toutes plausibles, les trois explications ne suscitent pas moins de fortes inquiétudes. Les transhumances politiques seraient donc la conséquence d’ambitions purement personnelles, et de stratégies brutales de phagocytage. Dans les deux cas, l’intérêt général est sacrifié. Pourtant, le phénomène persiste. En Afrique particulièrement, constate Abdourahamane O. Ly la « fréquence des transhumances (…) est telle qu’à moins d’être un scrutateur attentif de la scène politique, il serait difficile d’être à jour relativement à l’appartenance politique des uns et des autres ». Le constat serait drôle, s’il n’était préoccupant.

La Constitution Nigérienne de la 7e République essaie, timidement et avec des résultats mitigés, de lutter contre le nomadisme politique. Elle prévoit que « pendant la législature, tout député qui démissionne de son parti politique perd son siège et est remplacé par son suppléant. Le député qui est exclu de son parti siège comme indépendant au sein de l’Assemblée nationale. Il ne peut, en aucun cas, s’affilier à un autre groupe parlementaire au cours de la législature ».

En complément, il serait important, d’obliger les partis à préciser leur idéologie (libéralisme, socialisme etc..). De la sorte, il sera facile d’apprécier le sérieux du politique qui change de parti. Si, par exemple, un libéral rejoint un autre parti, sa décision contiendrait en elle-même, la preuve de son inconstance. A moins qu’il n’ait changé d’idéologie. Ce qu’il ne pourrait faire indéfiniment, au risque de perdre sa crédibilité ! Il convient, également, de respecter les divergences au sein des partis. Eviter que les fondateurs se comportent en propriétaire totalitaire, réfractaire à toute opinion contraire. Bien souvent, en effet, les démissions se justifient par la caporalisation des partis politiques, par des barons, sans aucune notion de démocratie interne. Il faut, enfin, dé-professionnaliser la politique qui, d’abord, est un sacerdoce. Nul ne doit s’engager politiquement, dans l’objectif exclusif d’avoir un poste. Les formations politiques doivent former leurs militants, leur inculquer la nécessité pour chacun d’exercer un emploi, sans rien attendre de son militantisme. Les responsables des partis doivent donner l’exemple.

Abdou-Malik Issoufa