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Explosion des divorces à Niamey : Un drame silencieux

Une certaine conception du mariage voudrait qu’il tienne dans la durée, tant dans le meilleur que dans le pire. Mais, cela, c’était à une époque où le projet matrimonial était une affaire de familles, non une affaire d’amoureux qui se croisent sur les chemins de la vie, ivres de passions incontrôlées, ignorant souvent tout de son vis-à-vis que du mariage. Le mariage à l’époque était perçu alors comme un engagement de familles et de personnes pour la vie où les deux partenaires peuvent comprendre qu’on ne se marie pas que pour le meilleur et que, sur les chemins, il y avait aussi à affronter les moments les plus durs de la relations humaines, pendant lesquels, l’un et l’autre, doivent se montrer résilients à endurer justement le pire, dans l’effort de comprendre l’autre, le temps que passe l’orage car il est vrai que les problèmes de couples ne manquent jamais, et les Hommes (les femmes aussi !) font preuve de sagesse pour laisser une place même dans la douleur et la souffrance, le temps qu’une âme et qu’un coeur s’apaise, car la vie de couple est une affaire de philosophie de la vie. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas, en ces temps lointains, de divorces. Il y en avait mais peu car, en cette époque, l’autorité parentale n’était pas encore ébranlée.

C’est une telle compréhension de la vie et du mariage qui fait que l’on a l’impression de voir en certains mariés l’image du couple idéal. En vérité, il n’y a pas un seul couple qui n’ait pas de problèmes, de malentendus, de moments de crises ; il y en a qui savent les taire, les gérer dans l’intimité et les surmonter dans la discrétion. Il n’y a donc pas de couple dans lequel un homme ou une femme ne souffrirait pas. Mais, puisque les jeunes d’aujourd’hui, fous par des histoires de passions filmiques de Télénovelas, croient comme cela est arrivé à Madame Bovary, que l’amour, dans sa construction livresque idéalisée, pouvait se vivre toujours dans ces frasques épiques, faites de tendresse infinies et de désirs inassouvis, de romantisme extravagant. Oui, c’est cela l’amour tel qu’on le vit dans les représentations, dans l’imaginaire, mais il reste que cette image faite de folies et de passions démesurées et irrationnelles, conduit toujours à de graves chocs souvent difficiles à endurer. Le problème est que dans nos sociétés, l’on ne parle que très rarement du mariage, souvent jamais d’ailleurs, à la fille comme au garçon, avant qu’ils n’y entrent pour vivre dans les premiers jours ses dorures éphémères avant de découvrir ses vraies couleurs, de rentrer dans des zones de turbulences, n’ayant pour boussole que ce que les livres et les filmes tissent d’armatures fausses et trompeuses du mariage.

Au Niger, depuis que les filles et les garçons – c’est peut-être normal – ont arraché aux familles cette liberté de choisir leur conjoint, le mariage, malgré qu’il soit « attaché » par les cordes pourtant solides de sourates du Noble Coran, ne résiste plus aux intempéries de la vie, et s’effondre très vite car bâti sur des passions aveugles, si ce n’est sur des calculs qui, très vite, débouchent sur le désenchantement. La situation est grave et cela fait des années qu’on en parle, sans que notre société n’en mesure l’ampleur pour penser le mariage tel qu’il se fait aujourd’hui dans notre société. Et, pourtant, Dieu sait ce que l’on dépense – tant la famille de la jeune mariée que celle du jeune marié – pour un mariage dans notre société, des fortunes dont on ne peut jamais déterminer la hauteur, tant l’on accepte de dépenser sans compter, hélas pour un mariage qui ne doit pas durer tout le temps. C’est un drame, une tragédie même quand, ce faisant, l’on est arrivé à dégoûter tant d’hommes et de femmes, souvent jeunes, du mariage pour vivre les bonheurs des libertés que donne le célibat mais pour lequel l’on n’a jamais le respect social auquel donne droit le statut matrimonial.

Quelques chiffres effrayants….

Certains chiffres donnent froid au dos, et ces statistiques bouleversantes font dire pourquoi tant de mariages dans notre société, si ce n’est que pour aboutir à ces terribles séparations qui laissent, entre des divorcés, souvent des enfants qui ne peuvent plus avoir de repères familiaux, vivant la séparation de parents comme un drame insurmontable, comme une blessure qui ne se cicatrise jamais dans la vie d’enfants issus de mariages hasardeux. Sans compter ces mariages qui se cassent dans l’insouciance de la conformité civile qui oblige d’aller devant le Juge ou devant les marabouts qui ont « attaché » le mariage, l’on apprend de sources officielles que les mariages connaissent énormément de naufrages dans la capitale, devenue le miroir que tout le Niger voudrait regarder comme un modèle.

A Niamey seulement, les statistiques rendent compte du drame social pour une société qui ne sait plus sacraliser le mariage comme fait social qui sert de fondation à toute la société. Pendant les vacances, à l’approche du Ramadan ou de la Tabaski, à l’occasion des vacances des premier et deuxième trimestres de l’année scolaire, l’on peut voir à quel point la ville vibre de mariages, de faste et de grand bruit. Il y en a d’autant plus que, au lieu du samedi, les mariages se sont étalés sur tout le week-end, avec d’abord le dimanche et le vendredi pour éviter des embouteillages pour des familles qui ne savent où donner de la tête pour répondre à une invitation ou à une autre. C’est à croire que les mariages ne se font que pour les noces, non pour la vie, tant ils ne durent pas !

Ainsi, l’on apprend qu’en 2018, dans la seule ville de Niamey, l’on a compté quelques 962 divorces, en 2019, 905 divorces ; en 2020, 905 divorces ; en 2021 plus de 3000 divorces et, en 2022, 600 divorces au 5ème mois de l’année seulement ! Tant de vies brisées et échouées, effraient les jeunes de notre époque du mariage, surtout quand, en plus, un ou des enfants(s) en sont issus pour partager avec des parents qui n’ont pas su considérer leur responsabilité à aider une progéniture, si fragile, à se construire à leur ombre, pour avoir confiance en euxmêmes et en la vie, se laissent aller à des humeurs, guidés par leurs affects. On peut par exemple remarquer que, pour l’année 2021, qui a été une année particulièrement difficile pour les ménages nigériens, l’on a compté plus de 3000 divorces. C’est trop, convenons-en. Et cette situation gravissime impose que l’on questionne aujourd’hui notre société pour répondre à un tel problème de société pour lequel nous aurons tort d’afficher les mêmes indifférences coupables.

Mais qu’est-ce qui peut expliquer ces dérapages ?

Avec les coeurs fougueux de nos jeunes qui rentrent dans le mariage pour n’y espérer que du bonheur, sans aucun esprit de tolérance, l’on ne peut que s’attendre à de tels désastres sociaux. Indépendamment du fait que la plupart des jeunes se marient sans se connaitre, quand l’une et l’autre, avant le mariage, ne se disent jamais la vérité, construisant tout sur le mensonge et un paraitre trompeur, il est évident que, découvrant les caractères dissimulés pour rentrer dans le mariage, les couples ne sachent plus se supporter car, en vérité, ils se trompaient avant de rentrer dans le mariage plus pour le meilleur qui n’existe jamais exclusivement dans aucun mariage. Les quelques furtifs conseils donnés le jour du mariage n’y peuvent rien et vite les mariages se cassent. Mais, entre autres raisons officiellement annoncées pour justifier cet état de fait, on peut citer trois essentiellement. Il s’agit d’abord du matérialisme qui, aujourd’hui, faut-il le souligner, n’est plus qu’un défaut de femme car, au fil des âges, les hommes sont devenus plus calculateurs, à l’heure de ce qu’il est convenu d’appeler les « Grandes Familles », pour ne rentrer que les « bonnes familles » pour aller y chercher femme. Et, comme on le dit, dès que le besoin rentre dans la maison où vit la précarité, l’amour, par les portes, fout le camp, et les couples se séparent, irréconciliables avec des discours antagoniques. Puis, l’on annonce comme autre raison, l’insincérité car les aspirants au mariage ne se disent jamais la vérité, l’un mentant à l’autre, et vice versa, le but étant pour tous d’arriver n’importe comment au mariage. La dernière raison est l’adultère qui pose aujourd’hui, un vrai problème de phénomène de société. Beaucoup d’hommes et de femmes, vont dans le mariage par des choix qui sont plus de calcul, non de coeur, et finissent par ne pas vivre à la fin, le bonheur de l’amour auquel ils aspirent. Et on arrive, lorsqu’on a l’occasion, de tricher avec l’ex, se justifiant d’un mariage qu’on n’aura pas eu le choix de faire. L’Association islamique qui donnait ces chiffres, indexe dans la plupart des cas, le téléphone qui a révélé des infidélités de la femme et de l’homme pour finir sur des brutalités et des séparations.

Les pouvoirs publics et les Ulémas sont interpellés pour réfléchir à cette situation afin de réconcilier l’institution mariage avec une jeunesse que les films et les livres ont perdue sur la compréhension qu’il faut en avoir. En entrant dans le mariage, chacun doit comprendre que le mariage ne peut être synonyme de bonheur. Il n’est qu’un moyen qui peut permettre, dans un esprit de tolérance mutuelle, de se créer, même dans les orages de la vie, quelques oasis de bonheur, de joies partagées. Réfléchissons-y…

Mairiga