Le Nigérien de la semaine : M. Albert Chaibou
Bonjour M. Albert Chaibou Comment voudriez-vous, vous présenter aux internautes de Nigerdiaspora ?
Je suis journaliste nigérien mais aussi un communicateur spécialisé en Communication sociale pour le changement de comportement. Marié, père de trois enfants, Je vis à Niamey où je suis chargé de communication dans un programme sur le Droit à l’alimentation piloté par Alternative Espaces Citoyens avec le soutien de SOS Faim et Swiss Aid.
Parlez-nous de votre carrière de journaliste.
Ce sont les aboiements d’un « chien philosophe » qui m’ont conduit au journalisme. (Rires) Vers fin 1992, lorsque Moustapha Diop avait lancé le Paon Africain, le premier satirique nigérien, il y avait une rubrique dans le journal intitulé « Sity le chien philosophe ». Et comme j’étais un grand lecteur des journaux satiriques comme le Canard enchaîné français j’étais devenu du coup un abonné du Paon Africain où j’envoyais des courriers pour répondre aux propos du « chien philosophe ». Ma plume satirique et pleine d’humour va intéresser le Directeur de Publication du journal qui fera appel à moi pour étoffer son équipe de rédacteurs (c’est ce que Moustapha Diop me dira plus tard). Ce sera alors le déclic d’une longue et fructueuse collaboration et mon entrée avec fracas dans le monde du journalisme dont je rêvais tant. Après 25ans de carrière, je peux me réjouir de ce métier qui m’a fait découvrir le monde et une diversité des peuples, qui m’a permis d’avoir un carnet d’adresses assez fourni et surtout de me former et de me spécialiser dans le journalisme d’investigation, le journalisme sensible aux conflits et sur les questions migratoires qui sont d’une brûlante actualité. A mon tour, je forme aujourd’hui de jeunes journalistes. Il y’a quelques jours encore j’étais à Diffa où sévit Boko Haram, pour former des animateurs des radios communautaires sur le traitement de l’info en période de conflit, la conception d’émissions radiophoniques, l’écriture radio, leur rappeler les règles d’éthique et de déontologie du métier de journaliste etc.
Pouvez-vous nous parler de vos actions nationales et internationales ?
Au niveau national, j’ai exercé mon métier de journaliste en collectant, traitant et diffusant l’information. J’ai eu la chance de parcourir le Niger dans tous les sens. De Téra aux confins du désert du Ténéré, j’ai été au contact des réalités de ce pays. J’ai fait des reportages, participé à la réalisation de films documentaires etc. Pour un journaliste, c’est une belle expérience. Je n’aime pas le journalisme de bureau, j’aime être sur le terrain, être libre, dire sans déformer ce que je vois !
Sur un tout autre plan, j’ai eu à coordonner un projet de deux ans financé par l’Union Européenne portant sur la « promotion de l’éthique et le contrôle citoyen des médias au Niger »
J’ai représenté aussi avec mon ami et confrère Boubacar Diallo, la presse indépendante au Conseil consultatif, l’organe législatif de la transition politique que le Niger a connu en 2011.
Autres actions, c’est sans doute au sein des réseaux de journalistes et au sein de la Maison de la Presse où nous avions défendu la liberté de la presse et contribué à la formation des journalistes.
Au niveau international, mon action s’inscrit dans le cadre des organisations de médias ou des organisations de défense des droits humains auxquelles j’appartiens ou celles qui m’ont demandé mes services en tant qu’expert. Je crois que ce n’est la peine de citer toutes ces actions ici.
Vous avez été rédacteur en chef du journal Alternative et ancien directeur de la radio Alternative, que pensez-vous de la situation actuelle de la presse au Niger.
La situation de la presse nigérienne n’a pas beaucoup évolué. Les médias continuent à exister malgré un environnement économique qui leur est défavorable. De 1990 avec la naissance de Haské, le premier journal indépendant, à nos jours, on peut dire qu’il n’y a pas de véritables entreprises de presse au Niger. C’est vrai il y’a une floraison de titres, de radios, de chaînes de télévision mais tous ces organes n’ont pas de base financière solide. Ils restent fragiles dans leur existence mais aussi fragiles dans leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique et d’autres. Dans nombre d’organes de presse, les journalistes n’ont pas de contrat de travail et ne sont pas déclarés à la caisse de sécurité sociale. La plupart sont mal payés et végètent dans la précarité. Je ne veux pas noircir à dessein le tableau. Même dans cet environnement difficile et précaire, il y’a toujours certains qui sortent la tête de l’eau pour informer le public. C’est grâce à la presse indépendante que beaucoup d’affaires de corruption , de détournement de deniers publics, de népotisme ou de trafics de personnes sont portées au grand jour. Il y’a lieu de leur tirer un coup de chapeau !
En revanche, il y’a aussi des médias qui sont manipulés par les politiciens de tout bord. D’abord la presse publique, elle, est complètement sous la coupe du pouvoir en place en devenant l’écho amplificateur du discours officiel. A part la courte période de la première transition démocratique post conférence nationale où nous avions remarqué dans la presse publique, une liberté de ton avec parfois, des mouvements de grève de journalistes contre la censure, tous ceux qui se sont succédés à la tête du pays se sont accaparés de la presse publique en nommant des responsables issus souvent de leurs partis et en les utilisant comme des outils servant leur propagande politique. Cela est inacceptable pour des gens issus des urnes et qui se disent démocrates. Hier à l’opposition, ils revendiquaient le respect de la pluralité des opinions et dénonçaient l’embrigadement des médias publics par le pouvoir en place. Il faut que tous ceux qui aspirent à être des dirigeants de ce pays, respectent la presse, sa liberté, son indépendance et arrêtent de la manipuler ou de l’acheter.
La presse privée aussi n’échappe pas à cette manipulation des politiciens. Il y’a aujourd’hui au Niger, des organes de la presse privée qui sont entretenus par le pouvoir pour faire ses éloges et jouer les mercenaires de la plume tout comme il y’a d’autres qui sont servis à la mangeoire de l’opposition qui guide leur ligne éditoriale. Cette bipolarisation de notre presse n’est pas de nature à assurer le citoyen qui a droit à une information juste, crédible et vérifiée. Je pense que les promoteurs des organes de presse ont tout intérêt à mutualiser leurs moyens et leurs ressources pour aller vers des jumelages qui pourraient être à mon sens un puissant levier pour bâtir de véritables entreprises de presse, plus libres, indépendantes et moins fragiles.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes nigériens qui aimeraient se lancer dans des études journalistiques ?
Il faut aimer ce métier avant même de l’exercer. Puis, respecter les règles d’éthique et de déontologie dans tout ce que vous faites. Veillez à l’exactitude des faits rapportés, être intègre, respecter la vie privée des gens, refuser la diffamation, l’injure, la calomnie bref avoir toujours à l’esprit que ce métier repose sur des piliers que vous devez de respecter. Le journaliste a une responsabilité sociale. Il a donc un devoir d’imputabilité, de reddition de comptes vis-à-vis du public.
Avez-vous des projets journalistiques pour le Niger ?
Mes projets sont principalement des projets d’écriture. Ecrire sur le cinéma nigérien, la presse nigérienne et d’autres sujets d’actualité me taraudent l’esprit.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Nigériens qui voient en vous un modèle?
Je ne sais pas si je suis un modèle mais les conseils que je peux donner aux jeunes Nigériens c’est de se battre dans la vie sans se décourager, de se soustraire de l’emprise et de la manipulation des « vieux loups » de la politique pour prendre leur destin en main. La jeunesse nigérienne ne peut et ne doit pas continuer à être la victime du chômage, de la pauvreté, de l’exclusion des instances décisionnelles, du terrorisme … Il faut que les jeunes se battent pour qu’il y ait dans ce pays une alternance générationnelle en mettant fin à tous ces comportements et pratiques obscurantistes aux antipodes des valeurs de la démocratie, de l’état de droit et de la bonne gouvernance.
Votre mot de la fin.
C’est de vous remercier de m’avoir honoré en me désignant comme le Nigérien de la semaine. Merci Boubacar pour cette marque de confiance. Je dois aussi saluer le travail que vous faites à travers Nigerdiaspora. Vous donnez une visibilité au pays, vous informez votre public sur ce qui se passe au Niger et vous maintenez vivace le lien entre la diaspora et le pays. Bravo et pleins succès à vous !
M. Albert Chaibou
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Tél : +227 969 72 941
Réalisée par Boubacar Guédé
02 août 2018
Source : https://nigerdiaspora.net/