Non-lieu pour les prisonniers politiques : les dessous d’une libération inattendue
C’est à la surprise générale que la libération des militants du MODEN FA Lumana est intervenue le vendredi 24 mars 2017, en début de soirée. Surprise même pour les prisonniers et leurs avocats. Quelques heures plus tôt, personne n’était au courant ni ne s’attendait à une telle issue dans un avenir si proche. D’où l’inévitable interrogation : pourquoi maintenant ?
D’abord, les accusés sont « pris » depuis 15 mois, précisément à la veille des élections générales de février-mars 2016. Puis, ils avaient introduits moult demandes de mise en liberté provisoire. Sans succès. Aussi, leur « prise » fait suite à un message à la nation dans lequel le président de la République Issoufou Mahamadou s’est dit avoir été victime d’un coup d’Etat avorté qui visait à bombarder – au moyens de matériels aériens – le Palais présidentiel.
Ensuite, ce fut au tour du ministre de la Défense nationale Karidjo Mamadou à l’époque, de monter au créneau pour affirmer que certains accusés étaient passés aux aveux. Mais avant, le régime avait annoncé détenir des preuves constituées de SMS que les putschistes se seraient envoyés et qui auraient atterrit, on ne sait par quel miracle, entre les mains des autorités. Bref, à l’époque, la tentative de putsch ne faisait l’ombre d’aucun doute ou du moins pour la camarilla au pouvoir. Au fil des jours, des semaines et des mois, rien. Un tribunal militaire est mis en place. Une instruction judiciaire ouverte. Malgré tout, rien. Aucun procès n’a pu avoir lieu, les supposées « preuves » sont retirées du dossier. La seule preuve matérielle de l’existence de ce coup d’Etat manqué était alors la détention de plusieurs personnes militaires et civiles. Concernant ces derniers, tous, en dehors du fils de Bala Dan Sani du MNSD-Nassara, sont des présidents de coordinations du MODEN FA Lumana africa de Hama Amadou.
Quinze mois après, paf ! Quatorze personnes sont libérées sans qu’ils n’aient introduit la moindre demande de liberté provisoire. Et tenez-vous bien, le juge prononce un Non-lieu ! Extraordinaire, n’est-ce pas ? On ne peut donc s’empêcher de demander si c’est une eau douce ou des vagues qui ont coulé sous le pont de Niamey.
Trois faits retiennent notre attention. Premièrement, le président de l’Assemblée nationale de France effectue une visite officielle de trois jours dans notre pays les 20, 21 et 22 mars 2017. Le 21 mars, Claude Bartolone était au parlement Nigérien où l’opposition politique avait exhibé des photographies de ses militants-députés présentés comme prisonniers politiques du régime et incarcérés à cause du vrai-faux coup d’Etat.
Deuxièmement, Claude Bartolone quitte le Niger, poursuivant son périple africain. Il était en principe au le Burkina Faso, à quelques 570 km de Niamey lorsque le 24 mars, les militants de Lumana sont libérés sans qu’ils n’aient demandé quoi que ce soit.
Et troisièmement, le 25 mars, le président Issoufou s’envole pour la France de Claude Bartolone.
A la lumière de ces trois faits, faut-il déduire que les désormais anciens prisonniers de l’opposition ont recouvré la liberté à cause la magnanimité du président de l’Assemblée française ? En tout cas, le singe ressemble bien à l’Homme. Et c’est connu de tous : le régime du président Issoufou ne peut rien refuser à la France et à ses enfants.
Ibrahim A. YERO
28 mars 2017
Source : Le Canard en Furie