Crises universitaires : Issoufou, le médecin après la mort !
L’opinion a suivi, sur les différentes chaînes de télévision, la rencontre entre le président de la République et le Comité directeur de l’USN, Union des scolaires nigériens le samedi 15 avril 2017. Cette entrevue qui intervient quatre jours après les douloureux évènements unanimement condamné par les structures organisées vient un peu en retard. D’ailleurs, son objectif ne sert, visiblement, qu’à calmer les tensions, à éviter une escalade de la violence. Pourtant, il y a eu mort d’Hommes, blessés graves, destructions et vols de biens publics et privés. C’est grave. Plus grave, le président Issoufou et son gouvernement n’ont rien fait pour prévenir ce drame national. Au contraire, ils semblent mieux indiqués pour en être les instigateurs. L’audience avec le CD USN s’apparente, dès lors, à une simple manœuvre de communication. Pour le reste, le président de la République n’a manifesté aucun regret, aucun remords. C’est sans doute pour cela qu’il n’a d’ailleurs pas daigné s’exprimer sur la question. Dans un premier temps, ce sont ses ministres qui s’étaient succédés dans un ballet médiatique pitoyable. Puis, le président Issoufou pousse les scolaires eux-mêmes à exprimer sa propre position (celle d’Issoufou) sur la situation. Ainsi, en bon politicien, le chef de l’Etat se met à l’abri de toute éventualité de non-respect de ses engagements, qu’il n’a, du reste, pas dit à haute et intelligible voix. Personne ne l’a entendu, personne ne le jugera le moment venu. La jeunesse et l’inexpérience des membres du CD/USN – qui viennent d’être élu – ont joué en leur défaveur face à un politicien aguerri qu’est le président Issoufou. N’oublions pas non plus toute la pesanteur morale et psychologique que représente, pour ces jeunes étudiants,un face à face direct avec le premier magistrat. Les pauvres doivent se demander, pendant l’audience, comment ils seront « remerciés » à la fin. Toutes les conditions étaient donc réunies pour que le premier des Nigériens arrive à ses fins devant des interlocuteurs« fragiles » à tous points de vue.
Pas de remords ni regret parce que les membres du gouvernement à l’origine de ce qu’on pourrait appeler « le drame de Harobanda » comme les français avaient nommé la mort d’un de leurs officiers « drame de Dankori » pendant la colonisation, sont toujours en place. Aucun remaniement, aucune mesure, même conservatoire, n’est prise à l’encontre d’aucun ministre. En dehors d’un communiqué sans entête prétendument signé du Directeur général de la police nationale circulant sur les réseaux sociaux fait état du placement en garde à vue de trois policiers soupçonnés d’être à l’origine de traitement dégradant, humiliant et torture sur un étudiant qui était pourtant entre leurs mains sans défense ni résistance aucune. Même si c’était vrai, nous sommes là, en bas de l’échelle. Or, les véritables sanctions devaient décroître du haut vers le bas, c’est-à-dire, ceux qui ont donné les ordres manifestement illégaux et leurs exécutants.
A la lumière de cette analyse, la rencontre Issoufou Mahamadou / CD USN n’est qu’une diversion du premier pour amadouer le second. La vie humaine est sacrée et on ne devait pas pouvoir, dans un État de droit – de surcroît à majorité de confession musulmane – l’ôter sans subir les rigueurs de la loi si tant est que « force reste à la loi » comme l’ont chanté les ministre Ben Omar et Assoumana Mallam Issa.
En réalité, le régime du président Issoufou ne veut pas sanctionner de peur que demain, d’autres refusent de faire le sale boulot. D’ailleurs, la sauvagerie policière dont ont fait montre les forces de l’ordre n’est pas étrangère à leur formation et aux ordres reçus. Si ces agents déchaînés n’avaient pas tirer à balles réelles c’est bien parce qu’il n’en ont pas reçu l’ordre et donc craignent les représailles qui en découleraient.
Le président de la République Issoufou Mahamadou a donc délibérément joué au médecin après la mort pour d’une part, calmer les tensions mais surtout suite aux réactions en cascades, et d’autre part donner une bonne leçon à tous ceux qui seraient tentés de manifester contre son régime maintenant et dans la perspective d’un éventuel Tazartché. Gare aux imprudents !
19 avril 2017
Source : Le Canard en Furie