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mardi, 17 janvier 2017 14:13

Amères vérités

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Amere verites Canard FuriePour la majorité écrasante de nos compatriotes, le Niger vit sans aucun doute la période la plus noire de son histoire politique depuis 26 ans de démocratie et d’Etat de droit. Et pour cause ? Le vendredi 13 janvier 2017, le Tribunal de première instance de Niamey a conforté Assane Seïdou, le président du conseil de ville de Niamey dont la presse, rien que la semaine dernière, a encore fait cas de ses malversations criminelles, dans l’exécution de basses besognes purement politiciennes dont il a été investi. Il a signé un arrêté interdisant toute marche ou meeting qui se tiendrait un jour ouvrable.

Un droit constitutionnel qu’aucun amendement n’a pourtant remis en cause à ce jour mais qui a reçu l’onction d’un juge qui a estimé que le sieur Assane Seïdou est parfaitement dans ses droits. Lesquels ? Nul ne nous le dit mais on a parfaitement compris. En voyant les moyens de répression éventuelle déployés dans Tout Niamey, on n’a pas besoin d’une grande explication. Le message est clair et c’est probablement pour ne pas laisser la moindre ambiguïté dans leur détermination à mater la manifestation populaire, prévue ce jour-là, que le "gouvernement satanique", pour reprendre le mot cher à Seïni Oumarou, a déployé jusqu’à des moyens militaires que l’on peine à voir pourtant sur certains théâtres d’opération, notamment à Diffa où les Forces de défense et de sécurité en ont grandement besoin. Barricades avancées de quelques centaines de mètres surla voie menant au Palais présidentiel, gardes présidentiels armés jusqu’aux dents, véhicules blindés stationnés, on eut dit que Niamey était sur le pied de guerre, face à des forces armées ennemies. Bref, ce vendredi saint, Mahamadou Issoufou a donné une ultime raison à de très nombreux citoyens nigériens de se battre, au péril de leurs libertés et peut-être de leurs vies, contre sa gouvernance à tous points de vue scabreuse. En déployant jusqu’à des éléments armés de la façon dont on a pu le voir, appuyés par des véhicules blindés, veut-on nous faire croire qu’aucune hésitation ne serait observée dans l’utilisation de ces armements contre le peuple pour défendre la survie de ce pouvoir qui a perpétré un hold-up électoral ? Veut-on nous faire comprendre que des balles réelles, voire des projectiles de gros calibre, pourraient éventuellement être utilisées contre des citoyens qui ne font que manifester leur mécontentement et leur désaccord contre la ruine du Niger alors qu’à l’Est du pays, des terroristes soi-disant repentis sont accueillis avec des gerbes et des promesses d’accompagnement financier pour une réinsertion dans la société ? N’est-ce pas aberrant d’étouffer ainsi son peuple alors que des terroristes avérés comme ce Moustapha Goni Omar, qui, selon Mahamadou Issoufou, est venu avec ses camarades, nuitamment dans son village de Chétima Wangou, région de Diffa, dans la nuit du 25 au 26 mai 2014, égorger son père, ont bénéficié spontanément et sans discernement, d’une amnistie ?

N’est-pas une belle prime au crime et au terrorisme ? Eh bien, c’est dans ce Niger où on accorde une prime au terrorisme qui a coûté la vie à des centaines de nos compatriotes et plongé des milliers d’autres dans une errance sans fin qui les a transformés en véritables réfugiés sur leurs propres terres, que l’on empêche à des citoyens libres de manifester selon le jour et l’itinéraire qui leur conviennent. C’est tout simplement scandaleux !

Lorsque de telles décisions émanent de prédateurs de deniers publics et de libertés publiques comme Assane Seïdou, cela ne surprend personne, encore moins choquer qui que ce soit. Mais, lorsqu’une telle décision est confortée par une décision de justice, ça devient réellement inquiétant et c’est bien légitime si les Nigériens se disent frustrés et choqués de voir la justice encourager de tels errements qui mettent en danger la démocratie et les libertés publiques. Aucune loi du Niger, y compris la Constitution, ne donne la latitude à un gouvernant de déterminer le jour et l’itinéraire indiqués pour manifester. Alors, d’où vient la motivation de la décision d’imposer à la société civile un jour, une heure et un itinéraire ? Lorsqu’on examine ladite décision à l’aune du jugement du Tribunal de première instance de Niamey, on est forcément pris de frissons. Beaucoup de Nigériens estiment qu’au-delà de la décision devant laquelle les organisateurs de la marche se sont humblement inclinés, il y a lieu de s’interroger sur la façon dont elle a été rendue. Attendue à 15 heures 30 minutes, alors que la manifestation est prévue pour cette même heure depuis deux bonnes semaines, la délibération du juge n’est tombée qu’à 17 heures 20 minutes. Pour, enfin de compte, confirmer que la restriction des libertés publiques, telle que décidée par Assane Seïdou, est justifiée. Justifiée par quoi ? On ne nous le dit pas. Or, si le juge a rendu un verdict auquel les citoyens, par respect de la justice et de ce qu’elle représente dans un Etat de droit, se soumettent, il serait manifestement trompeur de croire que cela a suffi à asphyxier le mouvement de protestation. Au contraire, il faut faire attention que la volonté systématique d’atomiser tout regain de protestation citoyenne ne produise un effet inattendu et catastrophique. Et le fait d’avoir aujourd’hui réussi à émousser cet élan réellement populaire ne veut nullement dire que les citoyens respecteront toujours une décision de justice comme celle du 13 janvier dernier alors que de très nombreux acteurs de la gouvernance actuelle, auteurs de violations multiples de la loi et de malversations portant sur des milliards, semblent bénéficier d’une immunité totale.

Cette décision de justice, pour ainsi dire, a été mal vécue par les Nigériens qui spéculent énormément sur les arguments de droit sur lesquels le juge s’est appuyé pour conforter Assane Seïdou dans cette restriction manifeste des libertés publiques. N’est-ce pas tout simplement dommage pour la démocratie nigérienne, déjà pointée à l’extérieur comme la plaie puante au sein de la CEDEAO et qu’un certain Yahya Jammeh aurait brandi comme argument de défense face aux chefs d’Etat qui étaient partis le rencontrer ?

BONKANO.

17 janvier 2017
Source : Le Canard en Furie

Dernière modification le mardi, 17 janvier 2017 19:22

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