Car ça peut arriver à tout le monde, comme on dit. Cette lettre est individuelle, mais elle est valable pour toutes les filles et tous les fils de toutes ces respectables personnalités qui ont tout donné à leur pays et qui en retour se trouvent en prison de la manière la plus injuste possible, sur la base de la délation, la calomnie et la haine. Lisez cette lettre comme le cri de coeur de tout enfant dont le père est injustement emprisonné.
25 décembre 2015 - 25 décembre 2016. Cela fait un an que mon père est injustement emprisonné, nous privant de son affection. Oui, il a été enlevé il y a de cela un an par des hommes cagoulés sous les yeux de mon petit frère et de ma jeune soeur qui, effrayés, avaient passé des heures à pleurer.
Ma jeune soeur, particulièrement traumatisée, était inconsolable parce que ne cessant d'imaginer que la scène était digne des films hollywoodiens, qu'elle n'allait plus revoir papa, car les bandits allaient le tuer. Ma mère, quant à elle, se contentait de nous dire qu'il allait bientôt rentrer à la maison et que ce n'était juste qu'une erreur, etc.
Jeunes et coupés du monde politique, nous ne comprenions rien alors de ce qui se passait jusqu'au moment où nous apprîmes à travers les réseaux sociaux que mon père et d'autres personnes avaient été arrêtés dans le cadre d'une tentative de coup d'Etat annoncée quelques jours plutôt à la téléviAsion par le Président de la République. C'est en consultant son discours sur internet que j'ai pu lire et retenir ce passage du message du Président de la République : " Le Gouvernement vient de déjouer une tentative malheureuse de déstabilisation. L'objectif de ces individus, animés par je ne sais quelle motivation, était de renverser le pouvoir démocratiquement élu… ".
Donc, mon père ferait partie de ces individus qui avaient tenté de renverser le pouvoir démocratiquement élu ! Du n'importe quoi. Je n'y avais pas cru un seul instant, moi qui voyais en cette période notre papa s'investir pleinement et activement dans la préparation des élections législatives auxquelles il voulait tant se présenter. En ce moment là, il n'avait du temps que pour ces élections qu'il considérait comme étant un défi pour lui en particulier et pour son parti politique en général. Il ne dormait pratiquement plus à cause de ces élections recevant jour et nuit ses militants et amis politiques.
D'ailleurs, il avait été arrêté pendant que les tontons Almoustapha Garba et Ousseini Salatou étaient venus lui rendre visite à la maison. La politique n'est pas faite pour les enfants mais cependant, je connais très bien mon père. Mieux, à mon âge je peux tout de même comprendre certaines choses en politique. Mon père ne peut se donner aussi à fond, investir tant de son temps aux élections qui étaient toutes proches et en même temps être dans un projet contraire : celui du renversement du pouvoir démocratique ! Mon père ne fait que ce à quoi il croit profondément et il nous a toujours éduqué dans ce sens. C'était absurde. J'en arrivai donc à la conclusion que c'était faux. Alors je suis allée partager cette réflexion avec ma maman qui, visiblement étonnée par ce raisonnement, finissait par me dire qu'en vérité s'il y avait eu un projet de déstabilisation contre la démocratie, c'était plutôt le pouvoir qui venait de l'asséner aux partis d'opposition en vue de fausser les résultats des futures compétitions électorales. Le temps l'a si bien démontré.
Ainsi donc mon père et ses camarades avaient été arrêtés simplement parce le Président Issoufou Mahamadou se voyait perdre les élections dans une compétition loyale et régulière. C'est vraiment lamentable. Depuis, je suis écoeurée à chaque fois que j'entends le mot démocratie dans les discours de ces responsables politiques qui, dans la réalité, ne respectent rien lorsqu'il s'agit de garantir les libertés et les droits civiques de certains citoyens. Ces gens font tout à fait le contraire de tout ce que l'on a appris à l'école. Ils vont à l'encontre des valeurs que nos parents nous ont inculquées.
Sinon Comment :
"Des hommes armés et cagoulés peuvent-ils faire brutalement irruption dans une maison et en présence de ses enfants impuissants, enlever le père de famille sans aucune explication ? Cela me rappelle nos cours d'histoires sur les régimes totalitaires et fascistes en Europe avant la 2° guerre mondiale.
"Dans un pays qui se dit véritablement démocratique, l'on pouvait ordonner d'arrêter des citoyens sans aucun mandat délivré par un juge ?
"Dans un régime démocratique, peut-on arrêter quelqu'un et chercher les preuves ensuite ? "Peut-on maintenir en prison pendant un an des pères de famille sans aucune preuve sur ce qu'on leur reproche ? "Peut-on ordonner le transfèrement des prévenus d'une prison à une autre sans même que le juge qui gère le dossier ne soit au courant ?
"Peut-on tricher aussi grossièrement et parler de compétitions électorales libres et transparentes ?
Ce n'est pas de cette démocratie et de ces valeurs là que nous voulons hériter de nos aînés. Pour nous enfants, ces aînés sont disqualifiés pour être les repères de certaines vertus et valeurs telles que la loyauté, la démocratie et la justice. A présent, je comprends parfaitement une citation qu'un de mes professeurs aime si bien évoquer comme un refrain : "Il ne faut retourner certaines vertus, leurs envers est plus laid que bien des vices". Le drame pour moi, c'est d'apprendre que ces personnes qui tordent ainsi le coup à ces valeurs démocratiques sont les amis de François Hollande, Président de la France le pays de la liberté et des droits de l'Homme. Comment cela peutil se faire ? Mais un jour, le Niger aussi se libérera plaise à Dieu. La marche réussie du 21 décembre 2016 n'en est qu'une prémisse.
Je suis heureuse de constater qu'en prison, mon père est resté fièrement digne, fidèle à ses principes politiques et à son Président Hama Amadou. Il a refusé la compromission et l'achat de sa conscience. Nous, ses enfants, en sommes fiers de lui. Il est et restera à jamais un exemple pour nous.
Joyeuses fêtes de fin d'années à tous les enfants et toutes les familles des prisonniers politiques. Bon Courage à nos pères victimes de l'injustice et de l'arbitraire.
Sakiratou Issaka Issoufou
Hautes Etudes Commerciales
de Rabat (Maroc)
19 janvier 2017
Source : Le Courrier