Un compatriote choqué s’est demandé sur quels critères Transparency International sur qui vous vous appuyez sans cesse se fonde-t-elle et selon quelles modalités a-t-elle octroyé au Niger ces performances abracadabrantes ? Octroyé ! C’est bien le mot qu’il a utilisé et j’ai immédiatement compris qu’il ne croyait nullement au bien fondé de ces performances et il s’en est parfaitement expliqué. C’est à peine s’il ne soupçonne pas Transparency International de manigances. J’étais d’autant plus attentionné qu’une question m’a toujours taraudé l’esprit : les notes complaisantes existeraient-elles dans ce domaine pour des chefs d’Etat décidés à mettre le prix ? J’étais perplexe. Il y a quelques semaines, me dit-il, MamaneWada de Transparency Niger s’était aventuré si loin de ses sphères de compétence que beaucoup de Nigériens s’étaient dit qu’il y a forcément anguille sous roche. Sans aucun égard pour son rôle classique d’observateur, MamaneWada s’est cru devoir jouer un autre rôle qui lui donnerait le droit d’exiger la tête d’une personnalité politique nigérienne au point où il a suscité plein d’interrogations chez la plupart de nos compatriotes. Depuis quand Transparency International a remplacé la Halcia, voire, carrément, le bureau du procureur de la République ? Qui a investi Transparency International de cette croisade contre les délinquants économiques au Niger ? Comment Transparencypeut-elle s’ingérer dans les affaires nigériennes au point de revendiquer qu’un ancien président de l’Assemblée nationale [Ndlr : Amadou Salifou] rende compte de sa gestion ? Et puis, entre nous, si le bonhomme de Transparency International n’est pas dans une sordide mission aux contours sélectifs, pourquoi s’accrocherait-t-il uniquement au cas Amadou Salifou alors que les affaires pullulent comme têtards dans un étang ?
Monsieur Issoufou, depuis presque six ans, le Nigera connu tellement de scandales financiers liés à la corruption et aux infractions assimilées que les propos de Boureima Issoufou de la Halcia sont ressentis comme une insulte au peuple nigérien. Il cite des performances que le Niger aurait enregistrées alors que le tissu socioéconomique n’a jamais été autant miné par la corruption. Selon mon ami, Transparency derrière lequel vous vous abritez systématiquement pour revendiquer des succès que vous êtes, avec Boureima Issoufou et d’autres obligés, les seuls à constater, n’a rien de transparent et de sérieux. Il s’est dit choqué par ces comportements qui frisent la manipulation outrancière et la connivence manifeste et je dois, à mon corps défendant, admettre qu’il a été imbattable dans son argumentaire. Transparency International, a soutenu cet ami, a pour mission l’observation des politiques gouvernementales aux fins d’émettre des avis lorsque celles-ci favorisent ou au contraire limitent la lutte contre la corruption et plus généralement la démocratie. Pourtant, elle ne voit rien depuis six ans que de belles choses, des progrès incroyables alors que nous sommes par terre. Elle ne voit rien de tous ces scandales jamais égalés, n’entend rien de tout ce vacarme et ne sent rien de toute cette puanteur. L’explication, a-t-il ajouté, est qu’en réalité il n’y a aucune raison d’accorder tant de crédit aux classements de Transparency International. Car, bien que l’indice de perception de la corruption (IPC) qu’elle publie depuis 1995 ait un succès notable, notamment auprès des médias, ses résultats sont souvent controversés car présentant un risque de subjectivité liés au fait qu’il est entièrement basé sur des sondages de personnalités telles que des hommes d’État, des entrepreneurs ou des universitaires qui peuvent être liés aux gouvernements en place. J’ai alors tout de suite compris la source de ces prétendus progrès qui auraient été régulièrement accomplis en matière de lutte contre la corruption au Niger. C’est comme ces fameuses 15 000 salles de classe construites en matériaux définitifs en un an.
Dois-je vous dire que j’ai écouté cet ami jusqu’au bout, découvrant avec lui une véritable machine à concasser, non pas des partis politiques, mais des contrevérités flagrantes. Voici, pour votre gouverne, quelques questions qu’il a convoquées pour appuyer ses dires :
Où était-il, pendant tout ce temps, ce cher Wada lorsque, récemment, des personnalités de tout premier rang ont été dénoncées dans la presse comme étant les commanditaires des fraudes au concours d’entrée à la Fonction publique au titre du ministère de la Santé ?
N’est-ce pas des infractions assimilées à la corruption ?
Où était-il lorsque la scabreuse affaire de l’achat de l’avion présidentiel a éclaté, avec en toile de fond des transactions obscures aux îles Caïman, dans un paradis fiscal (tout ce qu’il y a de pratiques corruptives) ?
Où était-il lorsque des trafiquants ont été appréhendés par la douane nigérienne à l’aéroport Diori Hamani de Niamey, avec par devers eux, des devises étrangères d’une valeur de près de neuf milliards de francs CFA ?
Où était-il lorsque, les révélations ont été faites sur ces obscurs transferts de fonds publics nigérians dans deux banques de la place, nommément citées, avec en sus les références desdits transferts ainsi que l’homme d’affaire mis en cause ?
Où était-il lorsque Mahamadou Issoufou a signé un accord de prêt de 50 milliards de nos francs auprès du Congo sans en référer à l’Assemblée nationale ?
Où était-il lorsque des officiers des Forces de défense et de sécurité ainsi que des adversaires politiques ont été embastillés et jetés en prison au nom d’une tentative de coup d’Etat qui n’a jamais eu lieu ?
Où était-il lorsque le 20 mars 2016, Mahamadou Issoufou a perpétré un ignoble hold-up électoral dans ce pays ?
Bref, on mettrait sans doute des journées entières à étaler les sales affaires qui montrent que MamaneWada a certainement d’autres motivations dans cette affaire d’Amadou Salifou. N’aurait-il pas dû garder son clapet fermé comme il l’a fait en d’autres circonstances ? Car, l’ouvrir comme il l’a fait, histoire de faire en sorte, comme il dit, que le Niger rentre dans ses droits, c’est étaler à la face du monde qu’il roule bien pour quelqu’un d’autre que Transparency International et qu’il poursuit tout autre objectif que la lutte contre la corruption au Niger. Alors, qu’il se taise ou qu’il avoue la nature de sa mission, les motivations réelles qui la sous-tendent ainsi que le ou les véritables commanditaires qui sont derrière. Avec lui, tous ceux qui n’arrêtent pas de nous rabâcher les oreilles avec ces places qui pourraient avoir été complaisamment données.
Monsieur Issoufou, votre homonyme de la Halcia a, donc, tenu un discours surréaliste et à le lire, tout Nigérien de bonne foi se demanderaitforcément de quel Niger parle-t-il. Et manifestement, il n’a pas appris ou gardé en tête qu’on ne change pas la société par décret. Car, il semble soutenir que la Halcia sera d’autant plus efficace désormais qu’elle est régie par une loi. Or, il n’y a rien de plus faux que ça. C’est à la limite ridicule de penser que l’adoption d’une loi va changer le visage de la lutte contre la corruption sous votre magistère.
Il ne se rend même pas compte que même la Constitution, loi fondamentale du pays, a été si régulièrement violée depuis six ans que les constitutionnalistes se sont finalement lassés de compter le nombre de fois. Boureima Issoufou fait sourire, mais c’est dramatique car il ne le fait pas par naïveté, mais dans le but de donner écho à un discours officiel qui ne trompe plus personne, y compris les partenaires extérieurs. Vous avez mis ce disque tant de fois qu’il est rayé. Il prétend que vous faites de la lutte contre la corruption une préoccupation majeure. Cependant, récemment, vous avez promu IssakaAssoumane, ancien directeur général des Douanes, au rang de conseiller avec rang de ministre alors qu’il est soupçonné par la même Halcia d’être impliqué dans le détournement des 495 containers de la Soraz. N’est-ce pas un démenti formel que vous apportez vous-même à ses allégations ? Que dire lorsqu’il va jusqu’à exposer les deux axes prioritaires de cette lutte alors qu’ils traduisent mieux que tout autre chose l’échec cuisant de votre gouvernance. Il a parlé de rétablissement du monopole fiscal de l’État et de l’efficacité de la dépense publique. C’est à peine que je n’ose pas croire qu’il a voulu se moquer, tant les fraudes fiscales et douanières qui ont plombé la mobilisation des ressources internes sont connues de tout le monde. En définitive, il aurait dû continuer à garder le silence et se contenter de vibrer au rythme de ce Niger qui croule dangereusement sous le poids de la politique de l’autruche.
Monsieur Issoufou, la question de la prétendue lutte contre la corruption étant résolue, je voudrais vérifier auprès de vous une information qui, si elle est vérifiée, donnerait probablement à la Fitna que dénonçait Salou Gobi, une nouvelle ampleur et je me demande bien ce que vous y gagneriez. J’aurai ainsi appris que lors de récentes réunions de la MRN [Ndlr : Mouvance présidentielle], de grandes gueules se seraient élevées pour promettre qu’en février prochain, le 13 précisément, selon nos sources, Hama Amadou serait à nouveau sur la sellette à propos de ce misérable et scandaleux dossier judiciaire avec lequel on veut à tout prix le liquider. Qu’il serait jugé et condamné et qu’un mandat d’arrêt international serait lancé contre lui ? Est-ce vrai qu’il y aurait des juges qui seraient prêts à faire le sale boulot, c’est à dire à le juger et à le condamner au pénal ? Ces juges ne savent-ils pas qu’en matière de supposition d’enfants, on ne peut juger au pénal sans avoir préalablement vidé le civil ? Ignorent-ils qu’en le faisant, ils violeraient, et leur serment et le droit ? La mi-février, c’est pour bientôt et il n’est pas difficile d’attendre. J’espère que cette histoire est totalement fausse et que vous vous concentrerez plutôt sur ces dossiers brûlants de sécheresse financière, de fraudes fiscales et douanières, de malversations diverses, de corruption, de déficit démocratique, d’abus de pouvoir, d’incarcérations arbitraires, d’assistance alimentaire dont ont besoin des milliers de Nigériens ou encore de cette épineuse question de ventes de terres nigériennes dont l’opinion nationale vous soupçonne au profit de l’Arabie Saoudite. J’espère que vous vous occuperez plutôt de trouver rapidement une solution amiable avec Africard pour mettre fin à la descente aux enfers et éviter au Niger la catastrophe de perdre ses biens immobiliers en France et aux Etats Unis. J’espère, enfin, que vous ne donnerez pas au monde entier l’occasion ultime de croire que vous êtes à la base de la Fitna au Niger.
Mallami Boucar
26 janvier 2017
Source : Le Monde d'Aujourdhui