Voici ce que Mahamadou Issoufou a affirmé dans son bilan officiel des cinq ans de : « Au plan des ressources humaines, le gouvernement a intégré 10.350 enseignants contractuels à la Fonction Publique et recruté 4.500 agents auxiliaires. Il a aussi engagé 24.000 nouveaux enseignants contractuels et pour améliorer l’encadrement pédagogique, 1.040 formateurs nationaux et régionaux ont été formés en ingénierie de la formation, inspecteurs et conseillers pédagogiques. Pour rehausser la qualité de l’enseignement, le Gouvernement a introduit l’informatique dans les écoles primaires. À cet effet, un programme dit «Projet numérique» a été mis en place. Ce programme vise à améliorer les résultats scolaires à travers une méthode d’enseignement ludique par les technologies de l’information et de la communication. C’est dans ce cadre qu’une convention a été signée avec la Fondation Orange, pour la confection et la mise à disposition de 1.800 tablettes aux élèves ».
Ce n’est pas terminé. Car, si l’on se fonde sur les chiffres officiels, la « renaissance » a particulièrement fait beaucoup pour l’amélioration de la qualité de l’éducation mais le résultat est paradoxalement catastrophique. Tenez-vous bien : « Dans le domaine de la formation initiale, 29.562 nouveaux enseignants ont été formés dans les ENI et 28.940 enseignants contractuels sans formation initiale ont bénéficié d’une formation de 30 à 45 jours. De même. Dans le domaine de la formation continue, 3 757 cadres et enseignants ont bénéficié de divers renforcements de capacités et 132.762 enseignants, dont des enseignants des écoles à risque, ont été formés au cours des sessions de CAPED. À cela, s’ajoute la formation à distance de 500 enseignants sans formation initiale des régions de Maradi et Tillabéry ».
Par delà les interrogations que suscitent ces chiffres époustouflants que dément aujourd’hui une réalité lancinante que Daouda Mamadou Marthe a cru devoir dénoncer, une observation s’impose : avec un tel investissement dans la formation des enseignants, il est surprenant, voire, scandaleux, que le ministre des Enseignements primaires dise que 11,5% des enseignants, craie en main, pensons-nous, ne savent pas qu’une minute est composée de 60 minutes.
À moins de vouloir casser du Daouda, l’on est obligé de reconnaître que le ministère dont il a la charge a recruté du tout venant pour servir d’enseignant. Et personne, y compris dans les rangs des syndicalistes, ne peut prétendre qu’il n’y a pas péril en la demeure. Dans ce registre, les anecdotes sont légion et elles font nécessairement froid dans le dos. Mais, vérité pour vérité, il serait hypocrite de ne pas constater qu’il s’est pratiquement tiré une balle dans les pattes en affirmant que parmi ces enseignants qui n’ont même pas le minimum pour être dans une classe, il se trouverait des directeurs d’école. N’est-ce pas, lui, le ministre qui nomme ces directeurs d’école ? S’il était conséquent, il devrait, aussitôt qu’il a reçu notification des résultats des études auxquelles il a fait allusion, décharger tous les directeurs d’école concernés. C’était la première mesure à prendre et ce n’était pas hors de ses cordes. Il ne l’a pas fait.
Première vérité : si l’on concède à Daouda la véracité des chiffres qu’il avance, il faut alors admettre qu’il y a 90% de chance pour que la "racaille" [Ndlr : le mot est de la rédaction] qui infecte le corps enseignant ait été recrutée sous Mahamadou Issoufou, uniquement guidé dans ce domaine par la quantité. Car, 25 000 ou 24 000 enseignants contractuels, ça fait un peu plus de 34% des effectifs concernés (dans le cas où c’est Daouda Mamadou Marthe qui dit vrai) ou un peu plus de 33% si l’on se fie aux chiffres de Mahamadou Issoufou. Or, Daouda Mamadou Marthe a affirmé que la "racaille" atteint 11,5% des 72.000 enseignants. Autrement dit, en concédant une marge de 15% — Reconnaissez que c’est énorme — cela ferait toujours 26,5% de racaille et c’est nettement moins que ce qui a été recruté sous Mahamadou Issoufou. Conclusions partielle, s’il y a, aujourd’hui, 11,5% des 72.000 enseignants — encore qu’il ne dit pas si ces 72 000 enseignants dont il parle sont uniquement ceux qui sont dits craie en main — qui ne savent pas qu’en retranchant 12 de 30, on obtient 18 ou qu’une heure de temps fait 60 minutes, c’est la faute entière d’un gouvernement auquel Daouda Mamadou Marthe a apporté, cinq ans durant, un soutien ferme et aveugle en sa qualité de parlementaire. Un gouvernement auquel il appartient désormais. Par extension, c’est la responsabilité directe de Mahamadou Issoufou qui se trouve pleinement engagée, le bilan dont il se targue étant, selon Daouda Mamadou Marthe, une catastrophe pour le Niger puisqu’ayant "inoculé" dans le système d’enseignement un redoutable virus de destruction massive. C’est un autre scandale qui risque de dévoiler ses laideurs.
En tout état de cause, que ce soit Mahamadou Issoufou qui soit dans le vrai ou que ce soit Daouda Mamadou Marthe qui est porteur des vrais chiffres, le résultat est le même : soit, les bilans sont totalement faux, et là, il y a de légitimes interrogations qui s’imposent sur la destination réelle des fonds publics dits investis ; soit, ils sont réels et là, l’on est obligé de dire à Daouda Mamadou Marthe qu’en plus d’avoir démenti Mahamadou Issoufou, il a parlé de la façon dont n’importe quel homme de la rue aurait présenté la situation de l’école nigérienne. Car, entre le langage du chercheur qui ne s’embarrasse pas de fioritures pour rapporte des résultats et le discours d’un ministre, qui appartient au corps, il y a un écart auquel doit s’obliger le second. On ne jette pas le bébé avec l’eau du bain. Or, Daouda a commis l’excès d’avoir jeté le discrédit sur le corps enseignant. Il aurait dû se contenter de dire que le niveau de la qualité des enseignements est inquiétant et qu’en tant que premier responsable concerné, il est de son devoir d’y apporter des mesures correctives, soient-elles douloureuses ; que ces réalités, sur lesquelles tout le monde convient, ont été corroborées par des études et des enquêtes (encore qu’il n’a pas précisé quelles sont ces études et ces enquêtes, par qui ont-elles été menées et quand) et que son département ministériel approcherait tous les acteurs et partenaires concernés afin de trouver la solution la plus profitable à l’école nigérienne. En sachant que personne ne l’obligerait à garder dans une classe un enseignant ou une enseignante qui ne sait qu’en retranchant 12 de 30, il lui resterait 18.
BONKANO.
07 février 2017
Source : Le Canard En Furie