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mardi, 14 février 2017 15:20

Le Président de la République Mahamadou Issoufou doit sortir de son mutisme et prononcer un discours sur l’État de la Nation

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Salou Gobi 01Journaliste –Ecrivain et Professionnel de la CommunicationUne fois encore, l’on ne pourra pas échapper à la tentation de noircir lespages de papier. Se soustraire à la réflexion peut paraître une veulerie, voire une démission, tant les équations que suscite le Niger en mouvement semblent peser comme une apostrophe de la conscience nationale.
Les événements, ces jours ci, s’imposent en nous et se répètent comme une boucle sans fin. Quoi de plus normal, semblent se dire les hommes politiques, car la démocratie est avant tout faite de débat et d’agitation dans un régime politique où le peuple souverain dispose de la légitimité du pouvoir. La souveraineté s’entend ici, d’une part,comme autorité légitime, et d’autre part, comme pouvoir qu’a tout peuple indépendant de régler ses propres affaires intérieures sans interférence extérieure.

Notre pays est dans cette dynamique. En attestent les marches de protestation drainant un nombre impressionnant de citoyens qui marquent ainsi leur volonté de s’exprimer librement sur la gestion de la cité. Il en est de même de la création par certains partis de la Mouvance Présidentielle de nouveaux regroupements politiques comme l’Alliance pour la Paix et la République, signes avant-coureurs d’un séisme qui sonne le glas de la pensée unique, une sonnerie annonçant l’agonie de l’unanimisme de façade autour du régime.
La présence massive de certains partis politiques de la MRN à la rentrée politique du Rassemblement pour la Démocratie et la République-RDR –Tchandji, qui s’est officiellement affiché à l’opposition, est une preuve supplémentaire qui corrobore cette hypothèse, une véritable alerte d’une tempête politiqueen perspective.
Les vraies raisonsdu tsunami en vue sont connues : pour les uns, trop de griefs à l’encontre de la conduite des affaires publiques ; et pour les autres, notamment certains membres du PNDS-Tarrayya, des enjeux liés à l’après Mahamadou Issoufou, enjeux quidivisent en multiples clans le camp du principal parti au pouvoir.
Le tenant réel du pouvoir n’est pas dupe. Il affine ses armes de destruction massive et l’opération boulala, au-delà de la réorientation du débat politique et l’occupation de la scène politique, vise en réalitéà tenir en respect les clans rivaux de son parti ainsi que les membres des partis « pique-à assiette » qui osent se repentir au détriment du régime en place. Le Chef n’a pas dit son dernier mot et agite violemment la chicotte.
L’annonce fracassante sur l’énormité dunombre des présumés coupables est une épée de Damoclès, un danger qui plane au-dessus des têtes des récalcitrants. Pour montrer sa détermination à anéantir toute rébellion, le pouvoir déclenche alors ladite opération; en interpellant et en mettant aux arrêts un groupe de personnes, le souci étant de privilégier des cas ayant des ramifications susceptibles de remonter à des grosses pointures  dont le soutien est indispensable à la stabilité du régime. C’est ce qui explique le silence complice de tous les partis membres de la Mouvance Présidentielle dont la plupart désapprouve au fond de la gorgela gestion catastrophique des affaires publiques. Ils sont tous conscients que la Présidence de la République veille à ce qu’ils se tiennent tranquilles, car au besoin,  elle peut se constituer en un véritable rouleau compresseur et broyertout sur son passage, les repentis en premier lieu.
Pour brandir la menace, elle innove en permanence en matière de stratégie, en vue d’anticiper sur les événements, pour ensuite les dominer. Attirer l’adversaire sur son propre terrain de combat présente assurément des avantages pour l’anéantir.
A priori,au vu du succès de la marche de la société civile le 21 décembre 2016, le parti du Président de la République sait pertinemment que la riposte consistant à descendre aussi dans la rue à l’échelle nationale est une mauvaise approche dans la forme, car un pouvoir qui bat le pavé relève en effet du ridicule, mais dans le fond,cette approche règle deux problèmes : cultiver et maintenir l’unanimisme de façade et obliger tous ceux qui ont profité et qui profitent encore des dividendes du pouvoir à le soutenir, ainsi que ceux qui trainent des casseroles, membres de la cinquantaine des partis de la MRN et leurs appendicespromus au sein de l’administration publique ; ensuite, réorienter le débat politique en ayant comme objectif de fragiliser la prééminence qu’a suscitée la prise de conscience de la société civile, en organisant la marche citoyenne historique du 21 décembre 2016.
L’on se rappelle du satisfécit affiché par le Président du PNDS Bazoum Mohamed, à l’issue de la marche suivie de meeting que le régime a organisée. Pari réussi de façon éphémère pour ce parti, car les esprits se sont momentanément focalisés sur sa riposte plutôt que sur l’évènement créé par la société civile. Tous les journaux télévisés ainsi que la presse écrite ont titré à la une et traité largement les marches organisées par le gouvernement durant des semaines, reléguant au second rang la marche citoyenne de la société civile.
Tel est l’objectif recherché par le pouvoir. Mais la société civile semble avoir « les reins solides » et elle reste par conséquent imperturbable, car c’est le peuple souverain qui s’est approprié de la lutte qu’elle a engagée, un peuple prêt à se sacrifier pour défendre les valeurs démocratiques et républicaines et animé de la volonté de vaincre les dérives totalitaires du régime en place. C’est le Président Mahamadou Issoufou lui-même qui a reconnu cette volonté au peuple nigérien, lui qui a affirmé que « …les partis politiques, les syndicats et les autres organisations de la société ont eu le temps d’effectuer au sein du peuple, un travail de sensibilisation, d’éducation en profondeur. Pour cette raison, l’aspiration à la démocratie, très forte au sein du peuple est aussi présente chez certains militaires… ». C’était dans une interview de décembre 2010, accordée à la revue Défense, rappelée par le bihebdomadaire –L’Evénement- dans son numéro 933 du 6 février 2017.
La deuxième sortie de la société civile, le 4 février 2017,  assortie d’un vadémécum adressé aux gouvernants,ressasse les multiples préoccupations auxquelles est injustement confronté le peuple nigérien. Une situation liée à la mauvaise qualité de la gouvernance.
Comme pour donner raison à la société civile qui a fustigé, entre autres, la situation dramatique dans laquelle est plongée l’éducation, le ministre de l’enseignement primaire s’est cru en devoir de dresser un réquisitoire décevant, en feignant d’ignorer que la situation est due à la gestion du pouvoir actuel.
Mais pour couronner le tout, et selon les procès-verbaux que le journal « Jeune Afrique » a pu consulter, des biens de l’État du Nigersont saisis à l’étranger par la justice en France et à New York, à la demande de la société Africard pour  une valeur estimée à environ cent cinquante (150) millions d’euros.Tout cela prouve à suffisance que le Niger va mal, vraiment mal.
A l’instar du ministre de l’enseignement primaire, ses collègues doivent en faire autant, dans la mesure où tous les secteurs de la vie de la nation en sont concernés, car gangrenés par la mauvaise gouvernance. Ceci permettra de créer un boulevard pour le Magistrat Suprême du pays, Monsieur Mahamadou Issoufou, lui permettant de sortir de son mutisme et de se justifier auprès de ses compatriote sà travers un discours sur l’État de la Nation.
Un tel message à la nation devraits’articuler autour des attentes du peuple nigérien. Il devrait par ailleurs passer en revue la gestion des affaires publiques six (6) ans durant, tout en faisant une rétrospective sur la gestion de la transition politique du Général Salou Djibo, les prétendues tentatives de coup d’État et les conditions dans lesquelles les résultats des élections générales de 2011 et de 2016 ont été proclamés.
Un point d’honneur devrait être réservé aux perspectives visant l’ancrage de la démocratie, la restauration de l’autorité de l’État, le renforcement de l’unité nationale et de la cohésion sociale et politique. Le choix des axes de la politique extérieure devrait également être justifié, de même que son adéquation avec la politique intérieure. Devant l’aveu d’échec et les perspectives éventuelles d’une gouvernance saine et impartiale, le peuple souverain, tolérant par nature, saurait peut-être pardonner les errements du passé.
Salou GOBI
Journaliste –Ecrivain et Professionnel de la Communication

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Dernière modification le mardi, 14 février 2017 15:52

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