Qu'est-ce qui a amené la Côte-d'Ivoire, qui est beaucoup plus connu comme un pays producteur de cacao et de café, à se doter d'un tel outil en matière de mines et pétrole ?
Tout est parti d'une volonté politique des différentes autorités de la Côte-d'Ivoire de doter le pays en propre d'un outil performant en matière d'analyses et de recherches géologiques. La situation en Côte-d'Ivoire était, dès le départ, avantageuse parce qu'il y avait déjà une Société américaine, Philips Petroleum Company, qui opérait dans le pays et qui possédait son propre laboratoire de recherche ; et c'est cette société qui avait formé la crème des agents de la Société nationale d'opérations pétrolières de Côte-d'Ivoire (PETROCI) dont dépend le CAR. Les missions et objectifs dès lors assignés au CAR sont d'assurer une meilleure connaissance de la géologie et de la stratigraphie du bassin de Côte-d'Ivoire à partir d'études sédimentologiques, bio stratigraphiques et géochimiques; assurer la conservation et la gestion du patrimoine du bassin sédimentaire ivoirien par la mise en place d'une cartothèque à gestion informatisée ; réduire le coût excessif des analyses effectuées à l'étranger ; effectuer les études bio stratigraphiques, sédimentologiques et géochimiques sollicitées par les opérateurs pétroliers travaillant dans le bassin ivoirien ; valoriser les compétences nationales en développant une expertise certaine dans le domaine des analyses géologiques diverses et aussi mettre nos équipements, infrastructures et notre expertise à la disposition des partenaires locaux et internationaux (sociétés pétrolières, instituts de recherches, universités etc,).

Depuis sa création en 1986 comme simple division avec deux unités de recherche, le CAR a connu un développement à travers la même vision partagée à la fois par les dirigeants de PETROCI et la hiérarchie ministérielle qui était de le développer davantage et d'en faire une référence en Afrique. Certes, en Côte-d'Ivoire, il y a en abondance le café et le cacao, mais la Côte-d'Ivoire produit aussi du pétrole. Nous possédons aussi une grande raffinerie. Mais dès le départ, les dirigeants ivoiriens, notamment le père de la nation Houphouet Boigny, disaient qu'il faut produire le pétrole à petite dose, qu'il ne faut pas l'avoir brutalement et ressembler à quelqu'un qui gagne d'un coup à la loterie 1 milliard alors qu'il ne possédait pas cinq mille francs au début. Cela va le rendre fou au point qu'il ne saura pas quoi en faire qui lui sera meilleur. Donc, la Côte-d'Ivoire est producteur depuis les premières découvertes faites par ESSO, puis progressivement cette production s'est accrue avec la Société UMIC puis la CNEA qui a développé un champ sur lequel était précédemment une autre compagnie. Donc, nous ne produisons pas beaucoup, mais nous produisons un pétrole de qualité en faible volume, de telle sorte que pour faire tourner la raffinerie que nous possédons, il nous faut importer le complément du brut du Nigeria. Donc, à côté du cacao et du café, nous produisons du pétrole à un niveau qui ne fait pas de la Côte-d'Ivoire un grand producteur de pétrole comme le Nigeria.

Et le secteur minier, se porte-t-il bien en Côte-d'Ivoire ?
Oui, les minerais aussi sont là, il suffit de continuer à prospecter et à les chercher dans le bassin de Côte-d'Ivoire. Vous savez bien qu'à côté de nous, se trouve la Guinée, que certains qualifient de scandale géologique. De notre côté, en Côte-d'Ivoire, il y a une volonté de redéployer les efforts pour prospecter davantage. Cette volonté a été illustrée par le récent remaniement ministériel qui a donné la gestion exclusive des mines à un département ministériel à part entière, avec l'objectif de le développer indépendamment de la gestion de l'énergie et du pétrole, et la personne à qui ce portefeuille a été confié a toutes les qualités pour réussir cette mission.

Votre présence à cette 16ème Conférence OILGASMIN et à l'exposition signifie-t-elle qu'au-delà de la Côte-d'Ivoire, le CAR-PETROCI est déterminé et disposé à mettre en partage son expertise dans le domaine, avec les autres pays de la sous-région?
Absolument ! Je vous dis que depuis une trentaine d'années que nous sommes dans notre bassin, nous étudions les échantillons que les partenaires nous donnent pour analyse, mais souvent, cela n'a pas été facile. Entre nous pays africains, il y a souvent la suspicion, genre : ''est-ce qu'ils ont vraiment la compétence pour le faire? Leurs résultats sont-ils fiables?''. Plus grave, même les compagnies installées en Côte-d'Ivoire ont entretenu cet état d'esprit en envoyant, à partir de la Côte-d'Ivoire, leurs échantillons pour analyse dans les laboratoires étrangers. Mais cela ne nous a jamais découragés, nous avons continué notre bonhomme de chemin au point qu'au fil du temps et des réunions techniques, ces mêmes sociétés se sont rendues compte que nous possédons valablement des compétences locales, et de la valeur de notre expertise. Elles ont commencé à nous donner une partie de leurs échantillons et à envoyer l'autre partie à l'extérieur pour comparer finalement les résultats. Et aujourd'hui, une bonne partie de ces sociétés nous confient l'entièreté de leurs échantillons pour l'analyse bio stratigraphique et biochimique. Cela a été un long chemin. C'est finalement ces mêmes sociétés partenaires qui nous ont reproché l'absence de notre expertise dans les pays de la sous-région, alors même que notre expertise et nos performances nous disposent à y être. Nous-mêmes, nous nous sommes finalement rendus compte qu'en mettant en partage notre expertise avec les pays de la sous-région, nous participons activement à l'intégration, mais aussi comme nous l'avons fait en Côte-d'Ivoire, nous participons à la réduction des coûts de production des sociétés de la sous-région qui ne seront plus dans une position d'envoyer les échantillons pour analyse dans les laboratoires européens, avec tout ce que cela comporte en termes de délais, de billets d'avion et de frais de missions pour les ingénieurs qui accompagnent ces échantillons à analyser, et le plus souvent pour aboutir aux mêmes résultats que nous. C'est donc ce qui explique nos différentes sorties à plusieurs occasions dans différents pays de la sous-région, parce que nous investiguons à la fois la sédimentologie, la géochimie, la bio-stratigraphie ; nous avons un laboratoire ultra performant et bien équipé dans l'analyse des produits pétroliers. Bien sûr, la balle est dans le camp des autres pays africains qui doivent nous tester, comme l'a fait le Sénégal à travers une de ses sociétés d'envergure, en ayant confiance à notre expertise. Cette société sénégalaise nous a confié l'analyse de ses échantillons ; elle a été tellement satisfaite qu'elle nous a envoyé d'autres échantillons dont nous avons fini l'analyse il y a une semaine. Nous sommes également en partenariat avec le Congo Brazzaville dans l'exploitation d'un champ avec la signature, il y a 4 jours, d'un contrat de prestations de services. C'est ce partage, cette vision, qui doivent animer les Africains dans leur recherche de créer et développer un secteur minier au service de l'intégration sous régionale et africaine. Notre présence ici à Niamey, à l'occasion de cette 16ème conférence, nous a permis par exemple de rencontrer et d'échanger avec quelqu'un, un Nigérien du nom de Lawal Gaya dont nous avons trouvé la vision extraordinaire en matière d'intégration de toutes les expertises. C'est du reste l'intérêt et l'opportunité de telles rencontres, car elles permettent le brassage des idées et l'enrichissement mutuel, et donc d'avancer ensemble.
Mahaman Bako

22 novembre 2013
Publié le 22 novembre 2013
Source : http://www.lesahel.org

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