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vendredi, 29 novembre 2013 15:16

Invité : M. Almoustapha Boubacar, Directeur général de l'Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) : «Le but principal de l'opération d'identification des abonnés, c'est surtout de savoir qui se cache derrière chaque numéro»

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Almoustapha BoubacarMonsieur le directeur général, l'ARTP a annoncé la fin de l'opération d'identification des abonnés des services de téléphonie mobile. Pouvez-vous nous rappeler les objectifs poursuivis à travers cette opération ?


Merci de cette opportunité que vous m'offrez de revenir sur ce processus qui, il faut le préciser, a commencé en réalité depuis 2008. Et de cette date au 04 octobre 2012, on était dans un concept d'identification qui n'avait pas de réels tenants et aboutissants. Les opérateurs se plaignent que le Nigériens ne sont pas en grand nombre détenteurs de pièces d'identité, et de l'autre côté, nous aussi avions des problèmes, car comme vous le savez, le téléphone est un moyen de communication qui fait le lien social entre les membres de groupes sociaux (parents et amis). Il a une fonction sociale professionnelle, il est l'auxiliaire de l'administration; les hommes d'affaires l'utilisent comme moyen adéquat pour faire leurs affaires. Le téléphone a aussi une fonction psychothérapique. Bref, le téléphone est aujourd'hui un moyen indispensable utilisé dans l'établissement et l'échange de toute forme de communication. Beaucoup de Nigériens se sont abonnés aux services du mobile, mais contrairement au téléphone fixe, les gens s'abonnaient sans qu'on ne sache avec exactitude qui est derrière le numéro. Cela a fait que souvent, l'abonné, parce qu'il n'est pas connu, se permet de faire des appels malveillants à l'endroit non seulement d'autorités, mais aussi à l'endroit de ses collègues et du citoyen lambda. La police a énormément intervenu dans ce genre d'affaires, sans qu'on ne trouve une solution réelle au problème. Cet état de fait a fait que le Niger a jugé utile d'identifier chaque détenteur d'un numéro de téléphone mobile. Mais jusqu'en 2011, on n'avait pas atteint les résultats escomptés. Les objectifs de cette opération est de savoir qui est derrière chaque numéro, chaque puce.

Comment cette opération s'est–elle déroulée ?
De 2008 à 2011, quand on a fait la synthèse, il y avait moins de 50% des abonnés mobiles qui étaient identifiés. En octobre 2012, le gouvernement a pris soin de relancer l'identification des abonnés. Cette opération a mobilisé l'ensemble des opérateurs des réseaux mobiles et l'Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste qui, auparavant, s'appelait ARM, et les organisations des consommateurs. L'opération a réellement commencé après la prise de l'arrêté d'application du décret instituant cette identification. Et cet arrêté a pris en compte le problème des pièces d'identité qui sévissait avec acuité depuis 2008. On a donc ajouté à la carte d'identité, le passeport, le permis de conduire, la carte familiale, la carte scolaire et la carte d'étudiant. Chacun de ces documents est signé par un responsable susceptible de dire qui est derrière ce numéro enregistré.

Et quels sont les résultats auxquels vous êtes parvenus au terme de cette opération ?
Il faut savoir que dans le domaine de la téléphonie mobile, il y a deux types d'abonnés: les abonnés passifs (ou dormants) et les abonnés actifs. Nos opérateurs d'ici disent que l'abonné est considéré comme actif quand dans les trois (3) derniers mois, il a établi une communication en émettant ou en recevant un appel, en a envoyant ou en recevant un SMS. Maintenant, il y a l'abonné passif. C'est celui qui est là, qui n'utilise plus son téléphone, peut-être parce qu'il est en panne, peut-être parce qu'il n'a plus de crédit pour l'utiliser, etc. Et même dans ce cas, quand vous n'appelez pas, vous êtes appelés. On met dans cette catégorie les gens qui, en venant pour une mission au Niger, achètent une puce qu'ils utilisent puis retournent chez eux. Il y a aussi ceux qui perdent carrément leur mobile et qui, au lieu d'aller faire greffer la puce, s'achètent directement un nouveau portable et une nouvelle puce. Il y a aussi ceux qui, pour une raison ou une autre, achètent une nouvelle puce et mettent l'autre puce en attente. Souvent, il y en a qui se retrouvent avec deux ou trois puces. Et tant qu'il y a un peu de crédit, les opérateurs ne peuvent pas désactiver leurs puces, parce que c'est un bien financier.
Ainsi, à la date 24 octobre à minuit, on avait 5 millions 098 mille 254 abonnés actifs qui devraient être identifiés. Sur ce stock, 4 millions 670 mille 189 de ces abonnés actifs ont été effectivement identifiés à la date du 24 novembre 2013, au soir, soit 91, 60%. Seuls 8,40% n'ont pas été identifiés.
S'agissant des abonnés passifs ou dormants, on a un ensemble de 2 millions 074 mille 772 abonnés qui sont dans cette situation. Parmi eux, 526 mille 298 se sont fait identifier. C'est dire que 74,63% des abonnés passifs ne se sont pas fait identifier. Et c'est eux qui constituent le plus grand nombre d'abonnés qui ont été coupés. Or, quand vous regardez, de 2008 à 2013, cela fait quand même un bon bout de temps où, s'il y avait réellement de la volonté, l'abonné aurait dû se faire enregistrer absolument !

Une certaine opinion fait croire que les récentes interruptions des lignes téléphoniques, liées justement à cette opération d'identification, seraient uniquement liées à des raisons sécuritaires. Qu'en est-il réellement ?
Il y a certes des raisons sécuritaires ; mais, ça n'a rien à voir avec les affaires du terrorisme. En fait le but essentiel de l'opération d'identification des abonnés, c'est surtout de savoir qui se cache derrière chaque numéro. Quand vous refusez de vous faire identifier, c'est que vous vous reprochez quelque chose. C'est pourquoi on a interrompu ces lignes en attendant de savoir qui est derrière chaque numéro. Et même si l'abonné s'identifie, son numéro ancien ne lui sera plus octroyé. Mais de là à dire qu'on identifie les numéros pour écouter les gens, c'est trop exagéré. Nous avons 5 millions 098 mille 250 abonnés ! Qui peut les écouter ? Avec quel type d'appareil ? Beaucoup de pays au monde ont fait la même chose, nous ne sommes pas les seuls. Il s'agit de faire du secteur des télécommunications un réseau sécurisé. Et mieux vaut être un réseau sécurisé que de ne pas l'être. Je soutiens qu'il y a un aspect de la sécurité de l'Etat. Mais, il ne s'agit absolument pas d'écouter qui que ce soit. Du reste, le cahier des charges des opérateurs leur fait obligation d'assurer la sécurité des consommateurs, tout en respectant la confidentialité des communications.

Y avait-il eu des comportements réels ou des actes concrets délictueux posés par le moyen des services de téléphonie dans notre pays ?
Absolument, il y en a eu ! Tous les matins, les gens portent plainte à la police. La police, l'ARM et les opérateurs, sont tous les matins sollicités pour aller chercher qui court derrière un numéro qui a appelé pour insulter quelqu'un. C'est des multitudes de plaintes qu'on a à la police. Je pense que c'est terminé à partir du 24 novembre 2013, puisqu'avec l'ensemble des opérateurs, nous avons tenu une réunion, et lors du point de presse que nous avons animé, avant-hier, nous avons dit qu'on ne saurait désormais vendre une puce qui n'est pas identifiée. Et que si le problème revient, les opérateurs subiront les rigueurs des textes législatifs et réglementaires en matière de sanction. Il faut savoir s'assumer et prendre ses responsabilités.

Le Niger est-il le seul pays, à identifier sur son territoire, les usagers des services de la téléphonie, sinon qu'est-ce qui se fait dans les autres pays de la sous-région ?
Ici à côté, vous avez l'exemple du Ghana qui, au moment du processus d'identification, quand ils sont arrivés au même stade que nous, ils ont coupé 4 à 5 millions de lignes. Ces abonnés sont venus après pour se faire identifier. Pratiquement, chaque pays africain est en train d'identifier ses abonnées mobiles. L'erreur qu'il y a eu au départ, c'est que le boom du mobile a fait que les gens achetaient les puces sans se faire identifier. Or avec le téléphone fixe, l'abonné adressait une demande écrite, il fournit la copie de sa pièce d'identité, il donne la localisation exacte de sa résidence. Ce qui n'a pas été le cas avec le mobile. Les opérateurs ont omis d'enregistrer les personnes à qui ils vendaient leurs puces. Cette opération intervient pour réparer cette faute. Et tous les pays africains sont dans la même situation. Les 16 pays de la zone CEDEAO sont tous en train d'identifier leurs abonnées. Il n'y a pas longtemps que le Burkina Faso a terminé. Ils sont aussi arrivés à la situation de résilier carrément les numéros qui ne se sont pas fait identifier.

Ailleurs, en Europe et en Amérique, vous ne pouvez pas vous abonner au service de téléphonie mobile sans vous faire identifier. Je peux parier aujourd'hui que vous ne trouverez pas en France un seul abonné qui utilise un numéro mobile sans avoir été identifié. Ça n'existe pas. En Europe, partout, aux Etats Unis, c'est la même chose. Le complexe et le problème, c'est en Afrique, en Asie et au Moyen Orient. Mais même là bas, les gens sont en train de se faire identifier. Il ne faudrait pas que ce moyen de communication soit utilisé pour troubler l'ordre et la quiétude sociale.
Quelles sont les dispositions prises pour que de nouvelles cartes SIM non identifiées ne se retrouvent pas encore dans les mains des usagers ?
Comme je l'ai dit, les opérateurs sont avisés. On leur a dit en réunion et on l'a dit au point de presse. Et d'ailleurs, c'est le lieu de vous remercier, vous les médias, de l'apport que vous amenez à cet effet. Je rappelle aux opérateurs qu'à partir du 24 novembre 2013, aucune puce non identifiée ne saurait être utilisée. Si l'opérateur le fait ou que nous menions nos enquêtes au niveau des vendeurs ambulants et que nous achetions des puces sans nous faire identifier, l'opérateur subira les rigueurs de la loi en matière de sanction.

Siradji Sanda et M.S. Abandé Moctar

29 novembre 2013
Publié le 29 novembre 2013
Source :  http://www.lesahel.org/

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