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lundi, 12 janvier 2015 21:24

Entretien : Pour le président du Niger, « il faut une riposte internationale » face au danger du terrorisme

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Issou Hollande Paris 01Mahamadou Issoufou, président du Niger depuis 2011, était l’un des six chefs d’Etat d’Afrique subsaharienne présents à la marche qui s’est tenue dimanche 11 janvier à Paris. Le Niger est confronté au terrorisme islamiste et M. Issoufou, qui est un proche de François Hollande, plaide depuis plusieurs mois pour une intervention militaire en Libye, « source de la déstabilisation de l’ensemble du Sahel ».

 


Pourquoi êtes-vous venu à Paris participer à cette marche, et reprendriez-vous à votre compte le slogan « Je suis Charlie » ?
Oui, nous sommes tous Charlie et je suis venu avec une forte délégation, composée notamment des principaux chefs religieux du Niger, ce qui prouve qu’il existe dans notre pays une coexistence pacifique entre religions. Je suis venu pour rendre hommage aux victimes de Charlie et aux autres victimes lâchement assassinées et je suis venu transmettre la solidarité du gouvernement du Niger au gouvernement et au peuple français.

Le Maroc n’était pas représenté, officiellement en raison de la présence dans le cortège de caricatures du prophète jugées blasphématoires. Est-ce que vous même vous acceptez ces caricatures ?
La liberté d’expression existe, mais elle doit être accompagnée de responsabilités. Ce qui s’est passé ne peut pas justifier les actes posés. L’islam est une religion de pardon et le prophète a toujours dit que le pardon est préférable à la vengeance. Vous ne pouvez pas savoir le nombre de fois où les musulmans prononcent le mot paix dans une journée. La religion musulmane est une religion de tolérance et exige beaucoup de connaissances. Pour être un bon musulman, il ne faut pas être un ignorant. Le prophète a toujours dit qu’il faut apprendre du berceau à la tombe et qu’il fallait aller chercher la connaissance jusqu’en Chine.

Pourriez-vous autoriser la parution de telles caricatures au Niger ?
Chaque pays a ses spécificités. Cette question ne se pose pas ainsi au Niger.

Le Niger est en proie à de régulières attaques djihadistes. Faites-vous le lien entre les attentats en France et la situation au Sahel ?
Le lien est évident. Les terroristes ont fait eux-mêmes le lien avec ce qui se passe au Yémen, en Syrie, en Irak. Il existe aujourd’hui une internationale terroriste. Les gens de Boko Haram au Nigeria, d’Aqmi (Al Qaida au Maghreb islamique) au Sahel, les Shebab en Somalie et tous les autres Al-Qaida sont reliés entre eux. Face au danger mondial du terrorisme, il faut une riposte internationale.

Vous demandez depuis plusieurs mois une intervention internationale en Libye. Les derniers événements en France, la mobilisation internationale affichée à Paris, vont-ils selon vous appuyer votre requête ?
Cela peut peser en faveur d’une intervention. Dimanche, il y a eu un rejet du terrorisme, une démonstration de force qui montre que l’immense majorité de l’humanité est attachée à la liberté et donc partout où le terrorisme tente de prendre pied il faut l’en déloger. Par rapport à la Libye, il faut que l’on nous écoute un peu plus. Au début de la crise libyenne, personne n’a entendu notre voix.

En 2011, au G8 de Deauville, j’avais prévenu que la solution ne devait pas être pire que le mal, qu’en renversant Kadhafi la Libye tombe dans le chaos, que le pouvoir tombe entre les mains de terroristes. On n’a pas été entendus mais, cette fois-ci, il le faut car la situation est extrêmement grave en Libye. C’est le chaos et ce pays est la source de la déstabilisation de l’ensemble du Sahel. Nous sommes partisans d’une intervention internationale pour neutraliser les milices qui sévissent en Libye. C’est un préalable pour réconcilier les Libyens, y compris les kadhafistes, mettre en place un processus de transition au bout duquel on pourra permettre au peuple libyen d’élire démocratiquement ses dirigeants.

Vous demandez donc une intervention sur l’ensemble du territoire et pas seulement sur le sud du pays, frontalier du Niger ?
Le sud est devenu un sanctuaire pour les terroristes qui ont été chassés du Mali mais on trouve également des organisations terroristes en Cyrénaïque. Il faut donc une intervention sur l’ensemble du pays.

Boko Haram multiplie les exactions au Nigeria et gagne du terrain près de vos frontières. N’êtes-vous pas en train de perdre la lutte sur ce front-ci ?
La lutte contre le terrorisme ne peut pas être perdue. Il doit être vaincu quel que soit le temps que cela prendra. Il est vrai cependant que la situation sur notre flanc sud, au Nigeria, s’est dégradée avec l’activisme de Boko Haram qui occupe le nord-est du Nigeria. Nous sommes très préoccupés dans la sous-région, nous essayons de riposter en mutualisant nos moyens de renseignement, nos capacités opérationnelles, mais aussi en demandant le soutien de pays amis comme la France.
Mais lors de la prise de Baga, qui est une base de la force régionale, les militaires des pays voisins du Nigeria avaient abandonné les lieux…

C’est vrai, mais nous sommes en train de mettre en place une résolution aux Nations unies. Pour nos pays, il est très risqué d’intervenir au Nigeria. Il faut donc que nos soldats soient juridiquement couverts par une résolution internationale qui est en préparation au Conseil de sécurité.

Boko Haram a perpétré des massacres, des enlèvements. Pourquoi cela ne suscite-t-il pas une mobilisation de grande ampleur en Afrique, ou au moins au Nigeria et dans les pays proches ?
Chacun a ses méthodes de lutte. Même si nous n’avons pas de tradition de marches et de meetings chez nous, nous avons dans nos pays d’autres formes de résistance et de combat.

12 janvier 2015
Source : http://www.lemonde.fr/

Dernière modification le lundi, 12 janvier 2015 23:18

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