Alors selon l’opposition, après le premier tour, la Cour constitutionnelle n’a pas respecté les délais de recours qui sont de deux semaines ? Est-ce qu’elle n’a pas raison ?
Elle n’a pas raison parce que cette loi à laquelle ils font allusion, c’est une loi de 2014 qui aurait dû être retoquée parce que tout simplement, justement elle n’est pas compatible avec les dispositions de l’article 48 de la Constitution.
Donc quand l’opposition dit que la Cour constitutionnelle doit respecter un délai de recours de deux semaines, la loi de 2014 lui donne raison ?
La loi de 2014 est en porte-à-faux avec la Constitution. Et lorsqu’il y a une contradiction entre une loi mineure et la loi des lois, c’est la Constitution qui prime.
Mais pourquoi avez-vous attendu le 21 février pour organiser le premier tour ? Pourquoi ne l’avez-vous pas fait un mois plus tôt, ce qui vous aurait permis de mettre la loi de 2014 en conformité avec la Constitution ?
Ce n’est pas possible parce que justement notre Constitution nous fait obligation d’organiser l’élection du président de la République 40 jours avant le terme de son mandat. Et nous avons fait les 40 jours, c’est-à-dire le délai supérieur que nous avons en vertu de la Constitution. Il n’était pas possible d’organiser cette élection avant le 21 février. Le 21 février, c’était le premier jour à partir duquel nous pouvions organiser cette élection.
Donc en fait, il y a contradiction dans la loi du Niger ?
Il y a contradiction entre cette loi qui a été faite dans le cadre du Conseil national de dialogue politique [CNDP]. La Cour constitutionnelle aurait dû retoquer cette loi, mais parce qu’elle provient du CNDP, elle est donc consensuelle et on a l’habitude de ce genre de situation. Toutes les élections que nous avons organisées depuis 1993, nous les avons faites dans les mêmes conditions et sur la base des mêmes lois. Mais à l’époque, nous qui étions dans l’opposition, nous n’avons jamais rien fait de l’ordre de ce qu’eux sont en train de faire aujourd’hui.
L’opposition suspend sa participation, mais elle ne se retire pas définitivement. Elle est prête au dialogue. Vu qu’il y a contradiction dans la loi de votre pays, un arrangement est-il possible ?
Aucun arrangement n’est possible avec la Constitution. On obéit à la Constitution.
Face au président sortant Mahamadou Issoufou, le candidat du deuxième tour, c’est Hama Amadou qui est actuellement en prison pour une affaire présumée de trafics d’enfants. Est-ce que dans le cadre d’un apaisement possible avant le second tour, il ne serait pas utile que Hama Amadou soit remis en liberté provisoire ?
Si c’était possible, pourquoi pas. Mais ça ne relève pas des prérogatives du président de la République, pas d’avantage que de moi. Et ce n’est pas en s’agitant de cette façon-là qu’ils peuvent aboutir à cet objectif.
Oui, mais tout de même. Un candidat en liberté, l’autre en prison, c’est du jamais vu au second tour d’une élection présidentielle. Est-ce qu’il n’y a pas rupture d’égalité entre les deux candidats ?
Est-ce que vous n’avez jamais vu quelqu’un accusé et convaincu de trafics d’enfants être candidat à la présidence de la République ? C’est ça la question aussi.
Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux pour la démocratie nigérienne que les deux finalistes se battent à armes égales ?
Certainement, je vous dis, mais encore une fois nous sommes dans un régime de séparation des pouvoirs. Laissons la justice faire son travail.
Est-ce que pour l’image du Niger, il ne serait pas mieux que le candidat Hama Amadou soit remis en liberté provisoire la semaine prochaine ?
Si telle devait être la décision de la justice, moi je ne vois aucun inconvénient.
Qu’est-ce que vous allez faire d’ici le 20 mars si l’opposition maintient son retrait du second tour ?
C’est une situation que prévoit l’article 48 de notre Constitution. Et c’est une situation qui a été vécue au Bénin, en 2001 lorsque le deuxième et le troisième se sont désistés. C’était le quatrième qui était allé contre le président Mathieu Kérékou. C’était Bruno Amoussou, souvenez-vous.
Voulez-vous dire qu’à ce moment-là, ce serait soit le numéro 3 Seyni Oumarou, soit le numéro 4 Mahamane Ousmane, soit le numéro 5 Ibrahim Yacouba, qui pourrait se présenter face au président sortant ?
C’est ce que prévoit l’article 48 de notre Constitution. Ce n’est pas une situation qui n’était pas prévue.
Mais a priori, vous savez bien que le deuxième, le troisième et le quatrième sont alliés dans la Copa 2016 [Coalition pour l'alternance politique au Niger]. Ni le troisième Seyni Oumarou ni le quatrième Mahamane Ousmane n’accepteront de se présenter à la place de Hama Amadou…
C’est leur affaire. Si, ils en sont tentés parce que Hama Amadou est un mauvais candidat de deuxième tour. Ils ont fait pression sur lui pour qu’il se désiste au profit de Seyni Oumarou. Souvenez-vous que monsieur Hama Amadou était troisième et aurait dû soutenir Seyni Oumarou en 2011 parce qu’ils étaient dans une même alliance. Il ne l’avait pas fait. Il avait soutenu Issoufou. C’est ça tout le dilemme de l’opposition. Et leur travail pendant toute cette semaine a été de le convaincre de se désister au profit de Seyni Oumarou, ce qu’il a refusé. Voilà pourquoi je pense qu’il ne se désistera même pas maintenant, malgré cette surenchère qu’ils viennent de faire aujourd’hui.
Donc vous pariez sur un deuxième tour Mahamadou Issoufou, numéro 1, contre Seyni Oumarou, numéro 3 ?
Non, je parie plutôt sur un deuxième tour avec Hama Amadou tout simplement.
Vous espérez encore qu’il va revenir sur sa décision ?
Parce que vous avez entendu son directeur de campagne se défendre de n’avoir jamais renoncé. Ils ont juste suspendu, disent-ils. C’est une surenchère qu’ils font parce qu’ils en attendent je ne sais quels résultats.
Par Christophe Boisbouvier
10 mars 2016
Source : http://www.rfi.fr/