Docteur, quelle est aujourd’hui l’ampleur du paludisme au Niger ?
Le paludisme au Niger, c’est vraiment la première cause de morbidité et la première cause de mortalité, même si ces trois dernières années, nous constatons qu’il y a une diminution du nombre de cas et une amélioration de la prise en charge au niveau de nos formations sanitaires. Nous sommes passés de 4 millions 288 mille cas présumés en 2013, à 2 millions 800 mille cas confirmés en 2014. Actuellement, nous ne parlons plus de cas présumés, nous parlons de cas confirmés. Pourquoi ? Parce que le Gouvernement et ses partenaires ont amélioré le dépistage en mettant à la disposition des formations sanitaires ce que nous appelons des tests de dépistage rapide pour confirmer les cas.
Avant, on voyait plus des cas cliniques; le patient se présente dans une formation sanitaire, et au vu des symptômes, le diagnostic est posé comme étant un cas présumé de paludisme. Donc, cela fait qu’on avait des chiffres astronomiques de 4 millions ou 5 millions de cas. Mais en fait, ces cas n’étaient pas seulement des cas de paludisme. Il y avait d’autres pathologies. Actuellement, depuis deux à trois ans, le fait de mettre à la disposition des formations sanitaires ces tests de dépistage rapide fait que nous avons de vrais cas de paludisme, nous avons environ 2 millions et quelque cas par an, qui sont correctement pris en charge dans les formations sanitaires, ce qui fait que le nombre de décès qu’on enregistrait chez les enfants a également chuté ces deux dernières années. Ceci se traduit par le fait que, de moins en moins, le paludisme n’est plus la première cause de décès chez les enfants, mais il vient en deuxième position. Cela veut dire que des efforts assez importants sont en train d’être faits.
Des efforts importants sont quotidiennement déployés par l’Etat et ses partenaires comme vous l’avez souligné tantôt, dans la lutte contre le paludisme. Peut-on savoir ce que vous faites dans le cadre de cette même lutte ?
En matière de prévention d’abord, le Gouvernement et ses partenaires ont, depuis 2014, commencé la distribution gratuite de masse en raison d’une moustiquaire pour deux personnes; donc la distribution gratuite de moustiquaires imprégnées au niveau des populations. Nous avons commencé par la région de Tillabéri; nous avons enchainé avec Maradi, Zinder et Tahoua, et nous allons, à partir du 18 mai, continuer avec la région de Niamey. Ce n’est pas moins de 8 millions de moustiquaires qui seront distribuées. A peu près 6 millions 400 mille ont déjà été distribuées. Pour Niamey, nous allons distribuer environ 600 mille à 700 mille moustiquaires. Nous allons faire la région de Dosso, et probablement celle de Diffa en fin d’année. Nous n’avons pas uniquement les moustiquaires comme moyen de prévention, nous avons ce que nous appelons la chimio prévention du paludisme saisonnier chez les enfants de 3 à 59 mois. C’est une nouvelle stratégie.
Le Niger est un des premiers pays à mettre en œuvre cette stratégie. Elle consiste à donner aux enfants de cette tranche d’âge des médicaments pendant la saison des pluies. Ce qui fait que dans les districts où nous avions mis en œuvre cette stratégie depuis deux ans, nous enregistrons une diminution d’environ 5% du nombre de cas de paludisme qu’on rencontrait. Lorsque vous interrogez les mères, elles vous diront que les enfants, pendant la saison des pluies, contrairement aux années précédentes, ont moins de paludisme, et il y a moins de décès enregistrés. Nous avons aussi le projet cher au Président de la République, avec la coopération cubaine, qui va incessamment commencer. Ce n’est pas moins de 4 milliards de FCFA qui seront injectés dans tout ce qui est lutte anti larvaire grâce à la coopération cubaine. Il s’agira pour nous de répandre des bio-larvicides au niveau de toutes les étendues d’eau qui sont favorables à la prolifération des moustiques. Nous avons aussi des conventions que nous signons avec certaines mairies pour la démoustication des villes.
Nous intervenons au niveau des rassemblements des populations pour démoustiquer les endroits. Il y a aussi la prévention que nous faisons chez les femmes enceintes. Il y a des médicaments que nous donnons lors de la consultation prénatale pour la prévention du paludisme chez ces femmes. Il y a bien sûr tout ce qui est séance de sensibilisation et information pour un changement de comportement à l’endroit des populations, pour qu’elles prennent conscience du danger du paludisme, et qu’elles comprennent les moyens de prévention contre cette maladie. Beaucoup de gens font l’amalgame entre les caniveaux, les saletés, les ordures et la prolifération des moustiques.
Les gens doivent faire extrêmement attention à toutes ces eaux qui stagnent dans les concessions; toutes ces maisons qui sont mal aérées, et mal éclairées. C’est là que se trouvent les nids des moustiques. L’anophèle a une particularité : c’est un insecte qui aime la propreté, et qui aime l’obscurité. Donc, quand vous rentrez dans les concessions où il y a juste de l’eau qui stagne dans un canaris, dans un pneu, ou dans une brique, c’est là qu’il peut y avoir la prolifération des moustiques qui donnent le paludisme. Ceux qui sont dans les caniveaux, ce sont les culex. Ce ne sont pas eux qui transmettent le paludisme. Mais, c’est vrai qu’il faut améliorer l’environnement malsain et insalubre dans lequel nous vivons surtout au niveau des villes.
L’édition 2016 de la journée internationale de lutte contre le paludisme a pour thème : ‘’Mettre fin une fois pour toutes au paludisme’’. Pensez-vous que cet objectif peut être atteint par nos Etats ?
Je pense sincèrement que cet objectif peut être atteint. Il peut être atteint pourquoi ? Lorsque vous regardez entre 2000 et 2015, nous avons plus de 57 pays qui ont réduit de plus de 75% l’incidence du paludisme. Et plus de 60% de ces pays ont réduit le taux de mortalité. Donc il n’y a pas de raison à ce que ces efforts ne continuent pas et que les résultats ne soient pas améliorés si toutefois toutes les conditions sont réunies. Et les conditions c’est quoi ? Il faut que tout le monde s’y mette.
Le Gouvernement seul ne peut pas faire en sorte que le paludisme recule. Aussi, les populations, le Gouvernement, les partenaires, les communes, bref, tout le monde doit s’y mettre. Si tout le monde y mettait du sien, et en même temps, dans la lutte contre le paludisme, il y a longtemps que la maladie aurait disparu. C’est nous, les femmes, qui sommes responsables de la salubrité chez nous. Et c’est vous, les hommes, qui êtes responsables de la salubrité devant chez vous. Donc, évitez de laisser des eaux qui stagnent. Et lorsque vous voyez des eaux qui stagnent devant vos portes pendant la saison des pluies, essayez de remblayer.
Mettons nous tous ensemble pour améliorer la salubrité de notre environnement. Les communes suivront. Une fois que le ménage est fait à l’intérieur des maisons, cela donnera le courage aux communes pour qu’elles s’y mettent afin d’améliorer la salubrité dans les villes. L’Etat met aussi à la disposition des populations des moyens de traitement. Depuis trois ans, nous n’enregistrons pas de rupture de médicaments dans nos formations sanitaires. La prise en charge est gratuite pour les enfants de 0 à 5 ans, et il y a la disponibilité aussi bien pour la prise en charge des cas simples que des cas graves.
Si tout le monde va dans le même sens, nous pensons que l’objectif de la journée ‘’Eliminer le paludisme une fois pour toutes’’, que nous avons fixé pour 2025, sera forcément atteint. Il y a des maladies qui sont beaucoup plus graves et plus contagieuses que le paludisme ; et pourtant, la communauté internationale est arrivée à bout de ces maladies. Donc, il n’y a pas de raison à ce qu’on ne puisse pas éliminer le paludisme qui est, dans une certaine mesure, une maladie comportementale.
Oumarou Moussa(onep)
28 avril 2016
Source : http://lesahel.org/