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In ’Gall :  La grande  fête annuelle  des éleveurs nomades du Niger

Comme pendant les années antérieures, ce sont des milliers d’éleveurs, venus d’horizons divers, qui se retrouvent sur les terres salées de In’gall pour cette importante manifestation du monde rural.

La petite palmeraie  de In’ Gall, lieu de rassemblement annuel de la Cure Salée ou Tinekert, est située à 160 km au sud-ouest d’Agadez. À mi-chemin entre Agadez et Tahoua, elle se trouve dans la dépression périphérique  de la falaise de Tiguidit.

Dans cette zone, le  temps a fait son œuvre et sous des climats  pluvieux, des alluvions se sont déposés aujourd'hui pour devenir des argiles colorées qui font la beauté de plaines aux horizons infinis. Entre ces reliefs s'étend une immense  plaine parsemée d’îlots, avancée des falaises de grès du Tégama, de Tiguidda  et de la montagne d'Azuza qui se trouve au-delà de l'Irhazer. Dans l'îlot central, moins élevé, le grès apparait à nu, et les sources, profitant de ces cassures, émergent des creux des rochers de Tiguidda, Gélelé et Azelik. C'est aussi le début de l'ancienne vallée fossile de l'Azawak, qui serpente jusque dans le Dallol Bosso.

In ‘Gall est une terre  de contrastes entre les koris, les lits de sable et  les plaines  où le vent arrache une fine poussière qui souvent  tourbillonne en se déplaçant rapidement à la verticale  vers  le ciel jusqu’à 150 mètres de hauteur. Cette  poussière et ce vent caractéristiques des milieux sahariens secouent les arbres avant de s’échouer sur les montagnes environnantes avec moins de violence d’une grande marée ou  d’une tempête. À la croisée des grandes routes caravanières, In’ Gall, tel un mirage surgi  des grands espaces désertiques, a été  bâtie en contrebas de la colline Awalawal. Aujourd’hui, la perle de l’Irhazer wan-n- Agadez tente de donner un sens à son destin.

 La ville des Inghallawas ne semble pas oublier un passé qu’on évoque  assez souvent comme si le temps s’est arrêté  à une époque récente de son apogée. Blottie entre une palmeraie et une ceinture verte, la cité d’In’ Gall se laisse découvrir dans toute sa splendeur et ses mystères. Grâce au florissant commerce caravanier, In’Gall fut une plaque tournante des activités socio-économiques de Tahoua, Agadez  d’une part, et Assamaka, Tamanrasset et Arlit d’autre part. Le commerce des dattes, de sel et des produits pastoraux  a été florissant à un moment donné de l’histoire.

La ville d’In’ Gall est animée  et ses ruelles invitent les visiteurs à la découverte. Comme si le village s'est organisé dans une unité solidaire, pour  se protéger des razzias d’une époque révolue, le vieux noyau urbain conserve ses concessions  étroitement serrées, ses ruelles étroites qui forment un véritable labyrinthe  difficilement accessible aux visiteurs dans les anciens quartiers de Agafaye, Akoubla, Agazirbéré, Tazaikoyo, Iguiwantalak, Bourgou, Langoussoun Bené, Ataram, Téguef Koyo, etc. 

Les populations locales parlent le Tasawaq, très spécifique à base de Songhay, Arabe et Tamasheq (Nicolaï). Dans ces contrées où beaucoup de mouvements de population ont eu lieu, le Songhay, ou un proto-songhay, était sans doute une langue véhiculaire, mais peut-être pas seule, car l'Aïr occupé par des Gobirawa et le site de Maranda (falaises de Tiguidit) étaient plus vraisemblablement hausaphones. Des traditions orales Hausa les font même remonter jusqu'au massif de Teleginit, non loin d’Azelik.

Toujours est-il que l'Ighazer paraît être à la fois la limite orientale d'un véhiculaire songhay, et la limite septentrionale d'une influence Hausa, dans un espace-temps qui peut être compris entre le VIè et le XVIèsiècle. Ce pourrait donc être suite à la destruction de Azelik-Takedda que le Tasawaq serait né et devenu une langue vernaculaire pour des populations "réfugiées" à Agadez et Ingall, leur conférant ainsi une identité nouvelle dans une zone d'influence toujours mouvante, au milieu du XVIè siècle.(Michael J. Rueck &Niels Christiansen – 1998 in ‘’Les langues du Songhay septentrional au Mali et au Niger‘’).

Le marché local  rassemble  de nombreux  éleveurs peulhs et touaregs  autour de quelques commerçants arabes  et haoussas et des populations résidentes. On y trouve de beaux harnachements de chameaux, des tissus indigo qu’affectionnent les Touaregs, des bijoux, des fanfreluches, de selles de méhari confectionnées avec art etc.

En effet,  la localité d’In’ Gall est très riche en produits artisanaux notamment la  croix d'Ingall ou Tanfuk tan' Azref  ( Azref  en Tamasheq signifie argent » apparue, vers le milieu du XXè siècle et  qui figure de nos jours au nombre  des croix des régions touarègues du Niger  comme celle d’Agadez ou Teneghelt qui depuis le début du siècle connait une grande notoriété.

Très particulière dans la tradition des Touaregs de l'Aïr et de l'Azawak du Niger la Teneghelt  tan’ Agadez dénommée par les européens « croix d'Agadez ».est l'un des plus anciens bijoux parmi ceux  connus actuellement et pendant de nombreuses années le seul, à être appelé ainsi et qui a gardé son nom jusqu'à aujourd'hui.

L’artisanat d’art utilitaire, riche et varié  a  acquit une notoriété pas des moindre au plan national et international et s’impose sur le site  de la palmeraie de In’ Gall. Devant la tribune officielle construite en matériaux définitifs, le tendé résonne, frénétique, et les  peulhs  bororos ou waddabés animent le guéréwol, la grande fête de la beauté,  qui donne l’occasion à des mariages bororos.

Pendant la curée salée, la fête ne s'arrête pas aux seuls portes de In’ Gall. Le tendé se fait entendre jusque dans les campements mélancoliques où des crêtes l’on

n’est toujours pas surpris de voir de belles  silhouettes des méharées  touaregs et  peulhs surgir  des plaines  et des horizons  sans fin qui  frémissent en mirages où l'on voit se refléter le moindre arbuste ou le chameau de passage, dont les lignes verticales prennent des dimensions sans proportion avec la réalité.

La cure salée, est née de l’expansion des pasteurs touaregs  vers le sud nigérien où ils avaient établis  des relations multiséculaires  et qui  chaque année, perpétuent la remontée  vers le sud pour revigorer leurs animaux  avec la cure  dans les pâturages salés de l’Irhazer. Ce grand mouvement de la transhumance  pastorale en direction des zones  salées est plutôt  un mouvement progressif  des pasteurs nomades qui s’opère dès les premières pluies et jusqu’à la fin de l’hivernage pour libérer les zones agricoles du sud et exploiter les pâturages  du nord.

Le bétail y trouve l’amcheken, plante caractéristique de cette plaine  et boit l’eau  salée aux sources de Tiguidan Tessoum, de Gélélé, d’Azelik, d’In’abangarit et  de Fagoshia.Le secteur de l’élevage constitue la principale activité économique et la source essentielle de revenus des populations de la commune d’In’ Gall, voire du département.

Autrefois, la cure salée était pour les nomades,  l’occasion de préparer les transactions  avec la Taghlam (caravane de sel), mais surtout  de s’entretenir et de traiter avec d’autres caravaniers  venus d’horizons nord africains.Des siècles durant    le rassemblement des éleveurs  avait servi de cadre non seulement  de retrouvailles et d’échanges, mais surtout de règlement des conflits.

L’autre richesse de  In’ Gall c’est  la palmeraie   établie sur les terrasses du lit d'un kori (oued) issu de la falaise de grès toute proche. La variété des dattes qui font la notoriété de In’ Gall dénommée  El medina appréciées,  consistantes et d’un goût sucré a été rapportée de Médine par les Isherifen, qui seraient fondateurs  d'In Gall.

In’gall a été créée au milieu du XVIè siècle et la période coloniale à  commencé avec l'installation d'un poste administratif par le Lieutenant Jean en septembre 1904.  La construction du fort commença en 1917 et servit de fort militaire jusqu'en 1941 avant de devenir successivement  école coloniale,  école publique à l'indépendance en 1960 .Cette école fut abandonnée vers 1976 et aujourd’hui sert de  Musée d’ossements de dinosaures , qui  par  manque de financement malgré les richesses archéologiques  de la région, n'a aucune renommée. 

Par Abdoulaye Harouna (onep)

17 septembre 2021
Source : http://www.lesahel.org/