Niger : Le foncier et l’immobilier, loge de la corruption et de l’enrichissement illicite
C’est de l’impunité que se nourrit la corruption », a confié un haut responsable de la police ayant requis l’anonymat. Il n’a sans doute pas tort, aucun de l’énorme monticule de scandales financiers ayant jalonné la vie de la 7e République n’ayant encore trouvé le moindre début de procès. Pourtant, les raisons sont plus que suffisantes pour arrêter la descente aux enfers. Une descente aux enfers dont les manifestations sont durement ressenties sous la transition actuelle, les conséquences des méfaits et crimes non punis ayant enlevé à l’Etat les moyens de sa politique. Selon un ancien gendarme, il suffit d’enquêter sur le foncier et l’immobilier à Niamey et dans les grands centres urbains du pays pour se convaincre du mal. À Niamey en particulier, les terrains de superficies interminables et immeubles féériques sont aussi nombreux que têtards dans un étang.
Les immeubles modernes de grand standing sont à chaque détour, notamment dans les nouveaux quartiers où les propriétaires, des fonctionnaires de l’État, souvent, se font une rude concurrence quant à celui qui dressera le plus bel immeuble. La clientèle est surtout politique. Mais, dans la majorité des cas, les intéressés ne peuvent pas justifier la saine provenance des fonds ayant servi à construire ces châteaux de rêve qu’ils ont d’ailleurs du mal à entretenir, une fois débarqués de leur piédestal. Le budget moyen investi dans ces immeubles dépasse la centaine de millions. Or, des immeubles de ce standing, il y en a, selon des sources policières crédibles, qui en ont trois, cinq, voire une dizaine.
Que dire de ces immeubles haut de gamme à usage administratif qui sont dressés un peu partout dans la ville de Niamey et dont on attribue la paternité à des hommes politiques ou à des hommes d’affaires dont les noms sont cités dans certains dossiers sulfureux. Par-delà, donc, des chiffres mirobolants dont l’opinion publique a eu connaissance consécutivement à la révélation d’innombrables scandales financiers et les rapports de la Cour des comptes sous la 7e République, la manifestation première de la corruption et de l’impunité se trouve probablement dans le foncier et l’immobilier. Toujours selon des sources policières, les propriétaires de ces immeubles à usage d’habitation comme à usage administratif sont connus au sommet de l’État. Tant que ces dossiers, de plusieurs centaines milliards de francs CFA détournés, ne sont pas jugés et vidés, de façon équitable et transparente, sans a priori et sans interventionnisme quelconque, l’enrichissement illicite aura encore de beaux jours devant.
L’affaire récente des lotissements frauduleux montre que la justice peut boucler en un temps-record n’importe quel dossier.
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Selon les témoignages des sentinelles sur la question, le niveau de corruption est tel que l’on n’a pas besoin d’un temps fou pour mettre en épingle des affaires judiciaires ; de la même façon qu’en un temps-record, l’affaire récente sur les lotissements frauduleux a été bouclée par la police judiciaire. Englué dans des problèmes financiers d’une extrême gravité, l’État est dans une passe difficile et le Président Tiani n’a pas d’autre choix que de faire preuve de fermeté pour lui apporter l’oxygène nécessaire en traquant sans faiblesse ceux qui se sont enrichis avec les ressources publiques.
Le rapport 2022 de la Cour des Comptes du Niger qui a dénoncé de nombreuses tares dans la gestion financière et administrative sous la 7e République est pleine de pistes pour la police judiciaire qui en sait certainement bien plus que ce qui est publié. Bien que l’on puisse douter sérieusement de l’estimation des biens déclarés par les différentes personnalités, les Nigériens ont été scandalisés de constater que des individus sont devenus milliardaires du jour au lendemain en assumant des fonctions publiques.L’explication réside sans doute dans ces nombreuses affaires scandaleuses au bout desquelles l’État a perdu des centaines de milliards sans que les auteurs aient eu à répondre de leurs actes devant la justice. Pourtant, dans une large mesure, de nombreux faits assimilés à des crimes par la loi pénale nigérienne. Il ne tient qu’au Cnsp de reprendre l’argent de l’État des mains dans lesquelles il se trouve. Illégalement !
Que dire de l’affaire de l’aide alimentaire pakistanaise où des individus, abusant de leurs fonctions, ont détourné et vendu à leurs profits personnels 15 000 tonnes de riz d’une aide alimentaire offerte par le Pakistan pendantdes millions de Nigériens, en proie aux exactions de Boko Haram, étaientdans l’attente d’une assistance alimentaire et nutritionnelle. Des pistes pareilles foisonnent comme têtards dans un étang. Il ne tient qu’au Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) de reprendre l’argent de l’Etat des mains dans lesquelles il se trouve. Illégalement !
Laboukoye (Le Courrier)