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Editorial : Evitons tout repli identitaire - Par Pr Boureima ALPHA GADO

Pr Boureima Alpha Gado Pr Emérite Boureima ALPHA GADO, Historien et écrivainEn dépit du contexte sécuritaire préoccupant, les organisateurs de la « Rencontre culturelle internationale sur la langue et les peuples de culture songhay- zarma-dandi » ont décidé de maintenir la manifestation. Une annulation aurait été perçue par les observateurs nationaux et internationaux comme un double échec : encore un revers, dira-t-on pour les organisateurs qui ont été contraints de la reporter plusieurs fois depuis la rencontre de Ouagadougou, en 2019 ; reporter l’événement paraitrait également comme une victoire pour tous ceux qui s’interrogent sur la pertinence même d’une telle rencontre dans un tel contexte. Toutefois, on est en droit de se demander si ce public hétéroclite venant des quatre coins du monde, ces acteurs sociaux d’origines socio-anthropologiques diverses partagent la même perception en ce qui concerne les objectifs visés par la rencontre. C’est pourquoi, dans de telles rencontres, il ne faut pas perdre de vue que l’objectif final, à long terme c’est la construction d’une nation multiculturelle.

Faut-il le rappeler, l’espace nigérien a connu, dans son histoire, l’émergence et le développement de deux grands empires médiévaux dont les extensions territoriales et les splendeurs n’ont de comparable que la célébrité des souverains à l’origine de leur immense prospérité. Il s’agit, d’un côté, de l’Empire Songhay qui atteignit son âge d’or sous l’Askia Mohamed à la fin du XVème siècle et au début du XVIème siècle et, de l’autre, du Kanem Bornou avec le règne d’Idriss Alaoma qui régna de la fin du XVIe siècle au début du XVIIe siècle. C’est lui qui conduisit l’empire à son apogée. Ces deux grandes figures furent parmi les souverains les plus puissants du continent. Mais, au-delà de ces deux Etats précoloniaux, l’espace nigérien a vu se développer, également, d’autres Etats ayant joué un rôle économique majeur dans le cadre du commerce transsaharien. Il s’agit des Etats haoussa, au centre, entre le XIIIème et le XVIème siècle et le sultanat de l’Air, au nord, créé au début du 15ème siècle.

Nos lieux de mémoire, nos langues, nos accoutrements vestimentaires, nos musiques, nos danses, nos habitudes alimentaires reflètent ainsi des influences géographiques, socio culturelles et historiques diverses résultant de notre appartenance à ces quatre ensembles.

Forger une identité nationale implique forcement des liens avec d’autres cultures. La diversité culturelle est une richesse. L’identité culturelle nationale n’est pas une addition, encore moins une juxtaposition de cultures. Il s’agit d’une synthèse de valeurs culturelles en partage. On a coutume de dire qu’un peuple qui ne connait pas son passé et sa culture est un bateau sans gouvernail. La connaissance des lieux de mémoire, les personnalités historiques, acteurs et témoins des événements marquants de notre histoire, participent au répertoire de notre identité culturelle car elle renforce notre sentiment d’appartenance à une communauté.

Pr Emérite Boureima ALPHA GADO, Historien et écrivain