Kano-Maradi : la voie ferrée qui relie histoire, commerce et avenir au cœur du Sahel
Le projet ferroviaire reliant la ville de Kano, au nord du Nigeria, à Maradi, deuxième plus grande agglomération du Niger, s’impose aujourd’hui comme l’une des initiatives les plus stratégiques pour l’intégration économique et le désenclavement du Sahel. Bien plus qu’une simple ligne de chemin de fer, ce corridor symbolise la volonté de bâtir un avenir commun autour du commerce, du transport moderne et du renforcement des liens historiques entre deux pôles marchands majeurs d’Afrique de l’Ouest.
Long de 284 kilomètres, ce ruban d’acier traverse plaines, villages et postes frontières, redessinant la carte des échanges régionaux. Il est conçu selon les standards internationaux, avec une voie normale de 1435 mm, adaptée au transport mixte de passagers et de marchandises. Sa vitesse d’exploitation, estimée à 150 km/h, promet une fluidité inédite pour les flux de biens essentiels, des céréales aux produits manufacturés.
Dans un contexte où le Niger, pays enclavé, reste tributaire du transport routier, la ligne Kano-Maradi se présente comme une réponse concrète à la saturation des routes et à l’augmentation continue des coûts logistiques. Reliant Maradi au réseau ferroviaire nigérian, lui-même connecté aux grands ports du Golfe de Guinée, ce corridor devient un pont vers l’océan pour un pays jusqu’alors privé d’accès direct.
Depuis son approbation en 2020, le projet a mobilisé un financement colossal, estimé à près de deux milliards de dollars américains. La majorité des fonds est portée par le consortium chinois China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC), aux côtés de la Banque Africaine de Développement, d’Afreximbank et du gouvernement fédéral nigérian. Sa réalisation est confiée à Mota-Engil Africa, garantissant la qualité et la conformité aux normes environnementales et techniques en vigueur.
Si le projet répond à des enjeux logistiques majeurs, il puise également sa force dans l’histoire prestigieuse des villes qu’il relie. Kano, fondée il y a plus de mille ans, est une métropole au passé glorieux. Elle fut un carrefour incontournable du commerce transsaharien, reliant l’Afrique subsaharienne aux cités marchandes du Nord grâce à ses caravanes transportant peaux, coton, gomme arabique et étoffes vers Tripoli et Le Caire. Aujourd’hui encore, ses marchés, à l’image du légendaire Kurmi Market, témoignent de ce dynamisme séculaire.
De l’autre côté de la frontière, Maradi porte le surnom de « capitale économique » du Niger. Cette ville fertile est réputée pour ses productions agricoles, notamment le mil, le sorgho, l’arachide et le niébé, qui approvisionnent une bonne partie du pays et alimentent les échanges avec le Nigeria voisin. Maradi a de tout temps joué un rôle de plaque tournante pour les éleveurs, agriculteurs et commerçants qui trouvent en Kano un débouché privilégié pour écouler leurs produits.
L’ouverture de cette ligne ferroviaire ne fera donc que raviver une tradition commerciale déjà solidement ancrée, tout en la projetant dans la modernité. Les perspectives de retombées socio-économiques sont immenses : création d’emplois directs et indirects, valorisation des terres, dynamisation des échanges intercommunautaires et, à long terme, contribution à la réduction de la pauvreté grâce à une meilleure circulation des richesses.
À l’échelle régionale, la ligne Kano-Maradi s’inscrit dans une vision plus large : celle de relier le cœur du Sahel aux ports de l’Atlantique par un réseau ferroviaire moderne, compétitif et durable. Elle contribue ainsi à renforcer la compétitivité des économies sahéliennes, tout en matérialisant les ambitions de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf).
En fin de compte, le chemin de fer Kano-Maradi n’est pas qu’un projet d’infrastructure ; il incarne la capacité de deux nations frères à conjuguer leur héritage historique, leur potentiel agricole et leur vision de l’avenir pour poser les bases d’un Sahel plus connecté, plus prospère et plus résilient face aux défis de demain.
Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)