Tourgourou au Niger : quand les tresses deviennent symbole d’amour et d’humour
Au détour des rues animées de Niamey, une scène familière mêle vivacité féminine et charme traditionnel : celle des tresseuses ou des jeunes filles en train de se faire coiffer, qui, le sourire en coin, interpellent les hommes en lançant : « Donnez le Tourgourou ! ». Si, pour certains, cela peut ressembler à un simple jeu de rue, ce geste puise pourtant ses racines dans une tradition bien plus ancienne et symbolique.
Tour et Gourou : une signification d’hier à aujourd’hui
D’après des témoignages recueillis, notamment auprès de figures familiales telles que Tantie Ramatou, Tour signifie tresse, tandis que Gourou renvoie à d’anciennes pièces de monnaie qu’on offrait autrefois, à une époque où la monnaie moderne n’existait pas encore. Offrir un Tourgourou, c’était alors manifester un attachement fort, une marque d’estime et d’amour profond envers une amie ou une bien-aimée. La valeur du geste allait bien au-delà de l’aspect matériel : c’était une preuve d’affection, un symbole d’incontournabilité.
Aujourd’hui, si la pratique a pris des accents plus légers et ludiques, elle conserve, dans certains cercles, cette charge affective traditionnelle.
Une tradition urbaine vivante et taquine
Dans des villes comme Niamey, Tillabéri, Téra ou Say, le Tourgourou est devenu un jeu social, un clin d’œil au lien entre beauté, humour et interaction. Pendant qu’elle est en train de tresser une amie, une sœur ou une cliente, la tresseuse peut gentiment aborder un homme, membre de la famille, voisin, passant ou parfois même inconnu, pour lui réclamer le fameux Tourgourou. Le ton est taquin, la scène souvent ponctuée de rires.
Il ne s’agit ni de mendicité, ni d’une demande sérieuse. Le Tourgourou est une forme d’expression sociale et féminine, une manière de jouer avec les codes de la galanterie et de renverser, l’espace d’un instant, les rôles traditionnels.
Un jeu de séduction, d’amitié… ou de complicité moqueuse
Face à cette sollicitation bon enfant, les hommes réagissent avec amusement :
- En offrant quelques pièces, voire des billets, comme un clin d’œil à la tradition ;
- En entamant la conversation, parfois le véritable objectif du geste ;
- Ou simplement en riant et en déclinant avec humour.
Reflet d’une culture féminine pleine de finesse
Le Tourgourou n’est pas qu’un simple divertissement. Il révèle plusieurs dimensions fondamentales de la société nigérienne :
- La place centrale de la coiffure dans l’identité, l’élégance et la beauté féminine ;
- Le rôle de la parole, de l’humour et du jeu dans les interactions sociales, en particulier entre femmes et hommes ;
- La continuité d’une culture, entre héritage ancestral et expressions contemporaines.
Un héritage en mouvement
Aujourd’hui encore, la tradition du Tourgourou traverse les générations. Elle se réinvente, circule dans les zones rurales comme urbaines, au sein des familles comme dans les groupes de jeunes, avec un même esprit : célébrer la beauté, la malice et le lien social à travers un geste aussi simple qu’empreint de sens.
Boubé G. (Nigerdiaspora)