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La Nigérienne de la semaine : Madame Hama Ramatou

Hama Ramatou 04Publié initialement le 18 mai 2014 — Mis à jour le 22 septembre 2025
(Entretien réalisé en 2014. Les titres et fonctions mentionnés correspondent à la situation d’alors.)
Très modeste et réservée, elle s’est pourtant ouverte à nous. Suivez notre entretien exclusif avec Madame Hama Ramatou, une battante pour la promotion d’une éducation de qualité au Niger.


« Je totalise trente-six ans de carrière dans l’enseignement »



Hama Ramatou 001Nigerdiaspora. Vous êtes éducatrice de formation, vous avez été administratrice déléguée de la commune de Say, et membre de plusieurs associations féminines. Pouvez-vous nous donner quelques détails sur ce parcours professionnel ?
Hama Ramatou. Merci pour l’honneur que vous me faites de parler de moi. C’est un exercice auquel je ne suis pas habituée ; je laisse volontiers aux autres le soin d’apprécier ce que je fais.
Je suis éducatrice. Ma carrière a débuté en octobre 1978 dans une école de la périphérie de Niamey. J’ai tenu la craie pendant douze ans avant qu’on ne me confie la gestion d’écoles. Depuis, j’exerce la fonction de directrice d’écoles, doublée de celle de responsable de cellule pédagogique. À ce jour, je totalise trente-six (36) ans de carrière dans l’enseignement.
Pour résumer mon état de services : l’École Amitié de Niamey m’a accueillie pendant dix-huit ans, période durant laquelle j’ai travaillé avec plusieurs partenaires intervenant dans l’éducation et l’environnement : l’Association française des volontaires du progrès (AFVP), The Globe Program, la JICA, la Fédération internationale des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation actives (FICEMEA), le Centre Africa Obota (CAO), etc. Ces partenariats nous ont valu des formations et stages pédagogiques au Japon, en France et à Bruxelles.
Forte de ces expériences, j’ai créé l’École Décroly du Niger en 2008, où nous expérimentons la pédagogie du professeur Ovide Décroly, découverte à l’École Décroly de Bruxelles. Cette méthode s’adapte parfaitement à notre contexte, elle demande peu de moyens et convient à d’autres pays en développement.
En dehors de ma carrière d’enseignante, un imprévu est survenu dans mon parcours : ma nomination au poste d’administratrice déléguée de la commune urbaine de Say en 2010. Ce fut une parenthèse intéressante. Mon expérience de responsable d’écoles m’a aidée à conduire à terme la mission qui m’a été confiée, dans une entente cordiale avec mes collaborateurs et les administrés. Nous avons réalisé de nombreux projets dans l’éducation, la promotion de la femme, l’hygiène et l’assainissement.

Hama Ramatou 5Vous avez été distinguée lors de la 5ᵉ édition du TIFAA (Trophée International de la Femme Active d’Afrique). Quel sentiment vous anime ?
Ce n’est pas ma première distinction ; j’en compte plusieurs. J’ai reçu des témoignages de satisfaction, notamment du ministère de l’Éducation nationale pour bonne manière de servir. J’en ai également reçu de la part des maires qui se sont succédé à la tête du 3ᵉ arrondissement communal de Niamey (ex-Commune 3), sans oublier une distinction du président national de l’Association des parents d’élèves (APE).
En 2003, j’ai été décorée dans l’ordre des Palmes académiques du Niger par le président de la République. Je suis aussi lauréate du Prix Makaranta de la meilleure école du Niger.
La 5ᵉ édition du TIFAA, tenue en mars, a confirmé ces reconnaissances en me comptant parmi ses lauréates. J’en suis heureuse : « La consécration est au bout de l’effort ».

Hama Ramatou 02Nigerdiaspora. Vous dirigez aujourd’hui l’École communautaire Décroly de Niamey. Parlez-nous de cette expérience.
L’idée est née après un stage pédagogique à l’École Décroly de Bruxelles. Elle a mûri cinq ans, à travers l’introduction de principes décrolyens à l’École Amitié. Un premier travail a été présenté au colloque international sur les pédagogies actives tenu à Bruxelles en 2007, lors duquel nous avons débattu : « Comment créer une école Décroly au Niger ? ».
En 2008, après plusieurs contacts avec les autorités du ministère de l’Éducation et du 3ᵉ arrondissement de Niamey, ainsi qu’avec l’appui de bonnes volontés belges , notamment l’École Décroly de Bruxelles, nous avons ouvert les premières classes du préscolaire et du primaire. La visite au Niger de Marcel Clarinval pour rencontrer les autorités et la présence de M. Pierre Décroly à l’inauguration ont marqué l’histoire de cette création.
Depuis, des clauses de partenariat lient les écoles Décroly de Bruxelles et de Niamey : échanges pédagogiques, stages, formations. Je prépare également un séjour au CED de Bruxelles pour renforcer mes compétences en suivi/évaluation de la pédagogie Décroly et la prise en charge des enfants à besoins éducatifs spécifiques.
Hama Ramatou 03Je salue l’implication des autorités du Ministère de l’Enseignement primaire, de l’Alphabétisation, de la Promotion des langues nationales et de l’Instruction civique, celles du 3ᵉ arrondissement communal de Niamey, ainsi que les communautés qui accompagnent cette expérience.
Je souligne aussi les efforts de la Coopération technique belge (CTB/Enabel), soutien constant de l’École communautaire Décroly (logistique, manuels, matériels d’activités). C’est la CTB qui m’a octroyé la bourse en 2002 pour découvrir la pédagogie décrolyenne ; elle a semé la graine qui a donné naissance à l’École Décroly de Niamey.

Quelles sont vos ambitions pour l’école ?

 Une telle œuvre doit être encouragée et poursuivie. La méthode Décroly, de faible coût, s’adapte à l’enfant dans son milieu et le place au centre de son apprentissage. Elle se déploie en trois phases : observation, association, expression. Elle demande peu de moyens, mais beaucoup de volonté et de passion.
Après l’évaluation finale de la première phase d’expérimentation — déjà saluée par les partenaires et les communautés — nous envisageons la création d’une école de type décrolyen par région, ainsi que l’ouverture d’un secondaire à Niamey pour assurer la continuité pédagogique.


« On ne peut réussir le développement sans passer par l’éducation »



Hama Ramatou 3Un journal a évoqué vos « mains magiques » qui transforment tout en vernis. Quel est votre secret ?
S’il y a un secret, il tient à ma conviction : on ne peut réussir le développement sans passer par l’éducation. Ce n’est ni théorie ni idéologie, c’est du pragmatique : seule une société éduquée peut se développer. Dans une famille où la bonne éducation est donnée germent les nobles vertus : sens du travail bien fait, intégrité, probité, droiture, respect de l’autre et de la différence.
J’appelle mes collègues à œuvrer avec passion pour l’éducation, et les autorités à améliorer les conditions de vie et de travail des maîtres et des élèves.

Mot de la fin
 Je remercie encore Nigerdiaspora pour l’attention portée à ma modeste personne. Nigerdiaspora est un espace d’échanges où diaspora et compatriotes du pays se côtoient et fraternisent. Que cette initiative dure. Le Dr Ovide Décroly disait : « L’homme vaut par ce qu’il fait et non par ce qu’il sait. »
Mes félicitations donc au promoteur de Nigerdiaspora pour ce qu’il fait. À la diaspora nigérienne qui porte loin l’image du pays, je demande de persévérer pour rehausser encore plus haut l’image du Niger.
Je dédie cette école à toute la diaspora nigérienne vivant en Europe, berceau de la pédagogie décrolyenne, et l’invite à accompagner cette première expérience en Afrique, afin de faire de nos enfants et petits-enfants de véritables acteurs du développement.

Contact : Madame Hama Ramatou - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Entretien réalisé par : Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)

Initialement publié le 18 mai 2014 sur Nigerdiaspora. Mise à jour éditoriale le 22 septembre 2025