Diminution des frais de scolarité dans les écoles privées au NIger : Une mesure largement en deçà des attentes
Depuis que l’on en parlait, longtemps attendue par les nigériens, la nouvelle est enfin tombée et la mesure sur la diminution des frais de scolarité dans les écoles privées prise par le Chef de l’Etat. L’article premier du Décret n°2025-391/PRN/PM/ME/F/MEN/A/PL/ME/FT/P/MS/HP/MES/R/IT/MC/I/MJ/S/MFP/T/E du 18 juillet 2025 portant réduction des frais de scolarité applicables dans les Etablissements et Institutions de formation privés stipule que ‘’il est institué une réduction de 20% sur les frais annuels de scolarité appliqués durant l’année scolaire 2024-2025 dans tous les Etablissements d’enseignement et les Institutions de formation privés du Niger’’.
Mais, le texte prévoit une somme minimale pour ne pas pénaliser ces établissements qui sont aussi des entreprises commerciales où des promoteurs ont investi un capital qu’ils comptent fructifier pour en tirer un bénéfice. Qui plus est quand le paradigme économique est le libre marché, il est difficile de forcer un opérateur économique à appliquer tel ou tel prix. Car, les prix sont déterminés librement par l’offre et la demande. C’est ainsi que le même article précise que ‘’cette réduction ne peut pas avoir pour effet de ramener ces frais à un montant inférieur à cinquante mille (50 000) francs CFA’’. Et, comme au Niger, il y a toujours des petits malins et des esprits tordus pour contourner la loi, le texte prévoit la fermeture pure et simple de l’établissement en cas de non-respect des dispositions du décret et aussi une évaluation en cas de mise en oeuvre. Certains promoteurs peuvent être tentés de majorer les frais d’inscription pour ne pas avoir à respecter la diminution des 20%. Ce à quoi le législateur a déjà pensé en indiquant que la réduction se fait sur la base des ‘’frais d’inscription appliqués durant l’année scolaire 2024-2025’’. Comme souvent, les autorités de la transition ont écouté les plaintes et complaintes du peuple nigérien qui a pendant longtemps réclamé que les frais d’inscription dans les institutions privées de formation soient recadrés par les autorités. Et, si de plus en plus les nigériens en parlent, c’est pour des raisons précises. Il y a d’abord les frais de scolarité que beaucoup trouvent exorbitants, non pas parce que ça ne leur permet pas d’inscrire leurs enfants dans ces établissements et institutions de formation, mais c’est bien parce qu’ils doutent de la provenance des fonds destinés à l’inscription des enfants, en plus de ceux ayant permis même l’ouverture de ces écoles, quand on voit les infrastructures qui fleurissent dans certaines de ces écoles. Car, il est difficile pour des fonctionnaires de l’Etat de justifier les millions qu’ils arrivent à mettre de côté, en dehors de toutes les dépenses incompressibles de la famille, pour permettre à leurs enfants d’étudier dans des écoles où les frais annuels de scolarité atteignent, ou dépassent, des fois le million. Bien de fonds destinés à ces inscriptions à tour de bras dans ces écoles très chères seraient d’origine douteuse et c’est ce qui fait jaser. Au fond, en décriant cette pratique, c’est l’impunité que les nigériens décrient. Car beaucoup de ceux qui se donnent le luxe d’amener leurs progénitures dans des écoles privées inaccessibles utiliseraient leur position de pouvoir pour s’enrichir illicitement. Et, une fois dégagés des positions occupées, beaucoup ramènent, la boite de Pandore étant désormais fermée, les mêmes enfants dans des écoles beaucoup plus ‘’raisonnables’’. En plus, si les écoles privées font l’objet de vives contestations, surtout par les techniciens, c’est bien par que certains promoteur ne respectent pas les normes techniques et environnementales auxquelles doivent obéir les écoles : les classes, la cour, la présence de certaines infrastructures comme le terrain de sports ou autres aires de jeux, les autorisations d’ouverture et d’enseigner. Et c’est au niveau de ce dernier élément que le bât blesse : le niveau ou la qualification des enseignants employés dans certaines de ces écoles laisse à désirer. Beaucoup d’entre eux, s’ils ne sont pas du public et y interviennent comme vacataires, n’ont pas le diplôme requis pour enseigner. Raison pour laquelle, les parents sont obligés dans la plupart des cas de prendre des répétiteurs pour suivre les enfants à la maison. Parfois, ce sont les enseignants qui les tiennent à l’école qui se proposent, ce qui pose un problème d’éthique et de déontologie. Car, certains, pour justifier leur travail de répétiteur, ramènent en classe, au cours des évaluations, les mêmes exercices qu’ils ont traités avec leurs pupilles à la maison. Donnant aux parents l’illusion que leurs enfants apprennent et développent les compétences qu’il faut, tout en biaisant l’évaluation qui doit être juste, en mettant les élèves dans les mêmes conditions pour leur donner les mêmes chances. Quant au respect du programme d’enseignement, beaucoup d’écoles privées ne font qu’à leur tête, faisant enseigner ce que veulent les promoteurs, en snobant le programme national, pour ne pas dire qu’il y est enseigné du n’importe quoi. L’Etat doit mettre de l’ordre dans toute cette pagaille, car il s’agit des enfants nigériens à qui un type précis d’enseignement doit être dispensé en fonction des finalités assignées au système éducatif nigérien. C’est la raison pour laquelle beaucoup estiment, au vu des défis qui assaillent ce milieu depuis des décennies, que la mesure est insuffisante et qu’elle doit être étendue à d’autres aspects des Etablissements et Institutions privées de formation. Si les autorités actuelles ont eu le mérite de se pencher sur la question que beaucoup de leurs prédécesseurs ont éludée, il y a à reconnaitre néanmoins qu’elles peuvent mieux faire.
Bisso. (Le Courrier)