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Niger - Formation professionnelle : comment transformer les défis en réussites ?

niger formation professionnelle comment transformer les defis en reussitesLes systèmes de formation professionnelle font face à d’importants défis de modernisation malgré des investissements significatifs. Une analyse constructive des réformes révèle des axes d’amélioration clés concernant l’adaptation aux contextes locaux, le renforcement de la gouvernance et la dynamisation des partenariats.

L’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) sont unanimement reconnus comme un levier de développement essentiel pour l’emploi des jeunes et la croissance économique. Chaque année, des gouvernements, avec l’appui de partenaires internationaux, initient d’ambitieuses réformes. Cependant, l’alignement entre les compétences offertes et les besoins du marché du travail reste un défi majeur. Cet article propose une réflexion sur les pistes à explorer pour optimiser l’impact de ces réformes, en s’appuyant sur une analyse des enjeux structurels et opérationnels.

L’enjeu de l’adaptation des réformes aux contextes locaux
Un premier axe de réflexion concerne l’importance d’adapter les modèles de réforme aux réalités spécifiques de chaque pays. S’inspirer de pratiques internationales éprouvées est une démarche pertinente, mais leur transposition nécessite une contextualisation approfondie.

Par exemple, les stratégies de partenariat public-privé, très efficaces dans des économies fortement structurées, demandent à être réinventées pour intégrer la dynamique du secteur informel, qui représente souvent une part majoritaire de l’économie. Une meilleure prise en compte des facteurs culturels et sociaux permettrait de concevoir des stratégies plus organiques et, par conséquent, plus efficaces.

Renforcer la gouvernance pour un pilotage stratégique
Un second défi réside dans le renforcement des capacités de gouvernance du système. Un pilotage efficace de l’EFTP repose sur des institutions solides, dotées de ressources humaines compétentes et stables.

Il apparaît essentiel de promouvoir une gestion basée sur les compétences et la performance, soutenue par des mécanismes clairs de suivi et d’évaluation. Par ailleurs, la prise de décision gagnerait à être davantage éclairée par des données fiables et actualisées sur le marché du travail. Investir dans la collecte et l’analyse de ces données est une condition nécessaire pour orienter stratégiquement l’offre de formation.

Dynamiser le partenariat avec le secteur privé
Le partenariat avec le secteur privé est au cœur de la réussite de toute réforme de l’EFTP. Pour qu’il soit pleinement opérationnel, il convient de bâtir un climat de confiance et de définir des objectifs partagés.

Cela implique de structurer le dialogue entre les institutions de formation et les entreprises, notamment à travers des organisations professionnelles représentatives et dynamiques.

Encourager les entreprises à s’investir dans la formation, par exemple via des mécanismes incitatifs, et valoriser leur rôle de co-formateur, est une piste prometteuse pour garantir l’adéquation des compétences développées avec les réalités du monde du travail.

Vers une meilleure coordination de l’aide internationale
L’appui des partenaires techniques et financiers est précieux, mais son efficacité peut être optimisée. Une coordination accrue, sous le leadership des autorités nationales, permettrait d’assurer une meilleure cohérence des interventions et d’éviter la dispersion des efforts.

Il est souhaitable que l’agenda de développement des compétences soit clairement défini par le pays lui-même, afin que l’aide internationale vienne appuyer une vision nationale partagée. Faciliter l’accès des acteurs locaux aux financements, en adaptant les procédures, contribuerait également à renforcer l’appropriation des projets.

Pistes de réflexion pour une action concertée

Pour les décideurs politiques :

  • Favoriser des politiques conçues sur la base d’analyses fines des contextes locaux, en valorisant les atouts endogènes.
  • Promouvoir une culture de la gestion axée sur les résultats et la méritocratie au sein des institutions publiques.
  • Assurer un cadre réglementaire clair, stable et appliqué, propice au développement d’une offre de formation de qualité.
  • Affirmer le leadership national dans la coordination de l’aide internationale pour une efficacité accrue.

Pour les établissements et les formateurs :

  • S’engager dans une démarche de formation continue pour renforcer les compétences en ingénierie pédagogique et en gestion.
  • Cultiver un environnement de travail basé sur la confiance et la reconnaissance des contributions de chacun.

Pour le secteur privé :

  • Participer activement à la définition des référentiels de compétences et à la gouvernance des dispositifs de formation.
  • Considérer l’investissement dans la formation comme un levier stratégique de compétitivité et de croissance.

Conclusion : bâtir l’avenir sur une vision partagée

La transformation d’un système de formation est un processus complexe qui requiert du temps et l’engagement de tous. Plutôt que de chercher des solutions clés en main, la réussite réside dans une approche collaborative et progressive, qui s’appuie sur les forces vives du pays.

Le renforcement des capacités locales, le courage d’innover et la construction d’une confiance mutuelle entre tous les acteurs sont les fondations sur lesquelles bâtir un système d’EFTP performant, au service de la jeunesse et du développement durable.

Résumé des 5 points clés à retenir

  1. Adaptation des modèles : il est crucial d’adapter les modèles de réforme internationaux aux contextes socio-économiques locaux pour en assurer la pertinence et l’efficacité.
  2. Renforcement de la gouvernance : une gouvernance basée sur la compétence, la stabilité du personnel et des données fiables est essentielle pour un pilotage stratégique du système.
  3. Partenariat public-privé à consolider : la collaboration avec le secteur privé doit être renforcée par un dialogue structuré et un climat de confiance mutuelle.
  4. Coordination de l’aide internationale : une meilleure coordination des partenaires financiers, sous un leadership national fort, est nécessaire pour optimiser l’impact de l’aide.
  5. Importance des données probantes : la planification et la prise de décision stratégique doivent s’appuyer sur des données sur l’emploi qui soient à la fois fiables et actualisées.

Liste de 10 actions concrètes par type d’acteur

Décideurs politiques et institutionnels :

  1. Initier des études de faisabilité approfondies pour contextualiser chaque projet de réforme.
  2. Mettre en place des outils de suivi et d’évaluation de la performance pour les gestionnaires du secteur.
  3. Baser les nominations aux postes de direction sur des critères objectifs de compétence et de mérite.
  4. Veiller à l’application concertée des textes réglementaires pour garantir un environnement de qualité.
  5. Organiser des cadres de concertation réguliers pour aligner les interventions des partenaires sur les priorités nationales.

Établissements d’enseignement et formateurs :

  1. Participer à des programmes de développement professionnel axés sur la gestion par les résultats.
  2. Favoriser le transfert de compétences et le mentorat entre experts internationaux et nationaux.

Secteur privé et organisations professionnelles :

  1. Professionnaliser le fonctionnement des organisations patronales pour en faire des interlocuteurs efficaces.
  2. Développer des mécanismes incitatifs pour encourager l’investissement des entreprises dans la formation.

Apprenants et société civile :

  1. Promouvoir l’éducation à la citoyenneté pour encourager une culture de l’intégrité et de la responsabilité partagée.

Par Jean-Luc Marcellin