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Niamey face à l’héritage symbolique de ses écoles : repenser leur nomination

Avenue Djibo BakariDans les rues de Niamey, au détour d’un panneau ou d’un portail d’école, subsistent des noms venus d’une autre époque : Jules Ferry, Montesquieu, Voltaire… Des figures marquantes de l’histoire intellectuelle européenne, mais dont certaines idées ou positions sont aujourd’hui perçues comme en décalage avec les aspirations contemporaines du Niger. Ce constat, relayé dans les colonnes du Nouveau Républicain, renforce une volonté de plus en plus affirmée : engager une révision symbolique de l’espace public, en particulier dans le domaine éducatif.

L’école : un lieu d’apprentissage ou de domination ?
L’héritage des noms d’établissements scolaires issus de l’époque coloniale continue de soulever des interrogations. Certains noms encore visibles dans l’espace éducatif nigérien renvoient à des figures dont les prises de position et les écrits, bien que valorisés dans l’histoire européenne, sont aujourd’hui jugés incompatibles avec les valeurs d’égalité, de justice et de souveraineté prônées par les sociétés africaines contemporaines.
Dès lors, une question s’impose : peut-on promouvoir l’émancipation et la dignité à travers des institutions scolaires qui portent encore les marques symboliques d’un passé de domination ?

Un appel citoyen à renommer les écoles
Selon le Nouveau Républicain, trois établissements privés de Niamey portant de tels noms ont été identifiés comme prioritaires à rebaptiser. Mais au-delà de l’école, c’est l’ensemble de la toponymie post-coloniale qui mérite un réexamen critique, à l’heure où le Niger affirme hautement sa souveraineté.
Les partisans de ce mouvement ne prônent pas l’effacement de l’histoire, mais une réappropriation : substituer à ces noms ceux de figures panafricaines, résistantes, intellectuelles, savantes, femmes et hommes d’ici ou d’ailleurs qui ont lutté pour la liberté, la dignité et la connaissance.


Quelques propositions de renommage inspirantes :
Noms coloniaux Alternatives panafricaines proposées
Jules Ferry - Cheikh Anta Diop (intellectuel sénégalais)
Montesquieu - Thomas Sankara (leader burkinabè)
Voltaire - Boubou Hama (poète, philosophe, historien, homme de lettres et homme politique nigérien)


Redonner du sens aux noms qui nous entourent
Changer le nom d’une école, c’est poser une question aux générations futures : à qui voulons-nous ressembler ? Qui voulons-nous honorer dans nos parcours scolaires et nos récits nationaux ? C’est un geste pédagogique, identitaire et politique.
Cela ne signifie pas rayer les penseurs européens de l’histoire, mais reconnaître que Leur contribution historique ne justifie pas qu’ils soient érigés en figures exemplaires dans nos espaces éducatifs, surtout quand d’autres héros africains restent dans l’ombre.


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Une mémoire réconciliée pour une souveraineté assumée
La révision des noms d’établissements scolaires est un chantier essentiel pour affirmer la souveraineté culturelle. Elle exige peu de moyens, mais peut produire un impact considérable en termes de dignité, de conscience collective et de transmission des valeurs. Il revient aux pouvoirs publics, aux directions scolaires, aux enseignants, ainsi qu’aux familles et aux élèves, de s’engager dans ce processus de réappropriation de l’espace symbolique.
À l’heure où le Niger affirme avec force son autonomie stratégique, maintenir des appellations héritées d’un passé d’assujettissement serait une contradiction historique.

Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)