Audit du secteur pétrolier au Niger : entre espoirs de refondation et zones d’ombre
Depuis l’avènement du Conseil national pour la sauvegarde de la Patrie (CNSP), l’audit du secteur pétrolier est présenté comme un chantier majeur de la refondation. Ressource stratégique par excellence, le pétrole nigérien est censé constituer un levier de souveraineté économique. Mais les révélations récentes et les attentes des citoyens laissent entrevoir un dossier sensible, où promesses de transparence et résistances politiques s’entrecroisent.
Dès 2024, le gouvernement a annoncé le recrutement d’un cabinet international pour auditer la SORAZ (raffinerie de Zinder) et la SONIDEP. L’objectif affiché : mettre fin à l’opacité, harmoniser les contrats, contrôler les coûts et renforcer la sous-traitance locale. Un discours salué comme une rupture avec des décennies de gestion contestée.
Des révélations explosives
Selon des sources crédibles le rapport d’audit en cours de traitement serait « plus explosif encore » que celui du ministère de la Défense en 2020. Il mettrait en lumière :
- Des barils de pétrole non déclarés, estimés à près de 15 000 barils par jour détournés sur plus d’une décennie, soit un manque à gagner colossal évalué à plus de 2 800 milliards de francs CFA.
- Des dettes croisées : la SONIDEP devrait à la SORAZ plus de 240 milliards de francs CFA, conséquence d’une gestion opaque et de circuits parallèles.
- Des contrats opaques conclus avec des multinationales, permettant à des cercles restreints de capter l’essentiel des bénéfices, au détriment du budget national.
Ces éléments viendraient confirmer ce que dénoncent depuis longtemps plusieurs observateurs : la mise en place d’une véritable dynastie politico-économique autour de l’or noir, difficile à déloger même après la transition.
Le silence officiel et ses ambiguïtés
Pour l’heure, le CNSP n’a pas communiqué officiellement sur l’intégralité du rapport. La Coldeff (Commission de lutte contre les infractions économiques, financières et fiscales), pourtant compétente pour instruire ces dossiers, a été affaiblie par des limites juridiques et même par une récente dissolution de son bureau. Beaucoup y voient une manœuvre politique liée au caractère compromettant du rapport pétrolier.
Certains médias évoquent également la disparition de documents sensibles, voire des incendies suspects dans des locaux administratifs. Autant d’éléments qui nourrissent le doute sur la volonté réelle d’aller au bout de l’audit.
Enjeux politiques et souveraineté nationale
Au-delà des chiffres et des scandales, l’audit du secteur pétrolier pose trois questions cruciales :
- Crédibilité de la refondation : sans transparence sur le pétrole, les discours de rupture risquent d’apparaître comme une simple répétition du passé.
- Recouvrement des fonds publics : si les montants évoqués (plusieurs milliers de milliards de francs CFA) étaient confirmés, leur récupération pourrait transformer les capacités budgétaires du pays.
- Confiance populaire : les Nigériens attendent que la manne pétrolière serve enfin le bien-être collectif, et non des intérêts particuliers.
Vers une refondation réelle ou une répétition ?
L’audit du secteur pétrolier est une opportunité historique pour restaurer la confiance, asseoir la souveraineté et redonner un sens au mot « refondation ».
La richesse pétrolière appartient au peuple nigérien. Reste à savoir si, cette fois, la lumière sera réellement faite.
Ali Altiné (Nigerdiaspora)