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BARREAU /SAMAN Une conspiration en marche contre la COLDEFF ?

Le Barreau du Niger 1Les Nigériens n’étaient que très perplexes d’entendre, en fin de semaine dernière, le barreau nigérien sortir pour un point de presse qui fait douter de lui. C’est la deuxième fois, depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023, qu’il sort pour exprimer sa surprenante indignation pour ce qu’il appelle le « non-respect des droits humains ». Les Nigériens en étaient d’autant étonnés qu’ils se demandent si ce barreau sort d’une autre planète que celle qu’habitent les Nigériens pour oser de telles déclarations qui ne peuvent faire voir aucune cohérence dans ce qu’il fait et dit, et conséquemment, des déclarations presque partisanes qui ne peuvent permettre de le rendre crédible. Le barreau, aura-t-il choisi son camp ? Plus que des droits d’individus qui ont spolié l’Etat, et donc le peuple nigérien, il semble faire plus le choix d’individus qui se sont enrichis par les méthodes condamnables que tout le monde sait. On comprend que les déboires des princes multimillionnaires et milliardaires déchus donnent à l’avocat une traite dont il peut profiter, mais pour autant, cela doit-il lui faire oublier, pour préserver son image, qu’il a à être cohérent avec lui-même et avec ses principes pour ne pas oublier l’idéal de sa noble robe ?

Les Nigériens, au plus fort du Guri-système où les hommes politiques, des activistes, des journalistes et des militants politiques lambda étaient persécutés, violentés, emprisonnés, on aurait cru que seul Me. Boudal Effred Mouloul et Me Ahmed étaient les seuls avocats nigériens à mettre leur toge au service de certaines causes, se battant pour défendre des causes nobles, des hommes écrasés par des pouvoirs forts, mettant leurs robes pour défendre les faibles, toujours aux côtés d’acteurs de la société civile écrasés par un pouvoir qui les considérait comme ennemis. Les Nigériens ont apprécié ces jeunes avocats, en les voyant être de beaucoup de combats, aux côtés surtout de la société civile dont les acteurs avaient été dans le collimateur de l’ancien régime. Pourquoi donc, à l’époque, le barreau a-t-il exprimé tant d’indifférence à l’égard de ces abus et de ces injustices, ne pouvant oser aucune déclaration qui montre qu’il est là, pas que pour l’argent, mais aussi pour défendre des causes, un certain idéal de vie ? Où était-il quand, comme sur des sautes d’humeur des dirigeants, des hommes politiques avaient été arrêtés arbitrairement, extrajudiciairement, que des journalistes, des acteurs de la société civile allaient en prison, sans procès ? La volonté du prince valait le droit à l’époque. Un avocat, peut-il accepter ça ?

Dans la vie, pour être crédible, il faut rester cohérent dans ce que l’on fait. Faut-il croire que, parce que les hommes qui sont traqués aujourd’hui ont de l’argent pour nourrir un avocat, il faut que le barreau aille jusqu’à oublier l’éthique qui voudrait qu’il se batte aussi bien pour le droit du pauvre que pour celui du riche ?

Comment comprendre, pendant que les droits de l’homme avaient été systématiquement violés sous Issoufou et que le barreau nigérien, tout en existant, n’ait jamais dénoncé ces cas d’abus, que le barreau n’ait osé aucune action ? Peut-il ne jamais avoir entendu ces lois liberticides qui renient aux Nigériens leurs droits à manifester tous les jours de la semaine, les limitant aux seuls jours non ouvrables (weekend) alors même que dans le pays, d’autres, et notamment des scolaires et des étudiants, peuvent ne pas se sentir concernés par une telle mesure, manifestant, eux, quand ils veulent ? De telles inégalités, dans un pays où l’avocat a le devoir de protéger les libertés et le droit, ne peuvent- elles pas déranger le barreau ? Comment ne pas être surpris d’entendre le barreau, et aujourd’hui seulement, exprimer ses inquiétudes par rapport à ce qu’il appelle la situation des libertés dans le pays ? Ce dont il est question, peuvent-ils plus les mériter que les autres Nigériens qu’on écrasait et dont il pouvait s’accommoder des misères, se complaisant dans des mutismes ahurissants, dénonçant aujourd’hui seulement le piétinement de droits fondamentaux ?

Dans ce point de presse du 17 février 2024, le Barreau du Niger a dénoncé de « graves manquements au respect de la légalité et des libertés publiques » ; une prise de position, légitime sans doute mais qui a étonné l’ensemble des Nigériens. Il est en effet bon, ainsi que le dit le bâtonnier, de préserver l’état de droit, particulièrement la protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens », mais le faisant, l’on ne peut le faire en une saison et s’en dispenser en d’autres surtout quand il s’agit d’un barreau qui est le meilleur gardien attitré des libertés et du droit, d’une justice équitable dans une République.

Pourquoi donc le barreau s’inquiète que des citoyens soient convoqués « dans les locaux de la Commission de Lutte contre la Délinquance Économique, Financière et Fiscale (COLDEEF) où ils subissent des interrogatoires [sans] la présence de leurs avocats qu’ils ont pourtant régulièrement constitués ». A ce que l’on sache, la Coldeff n’est pas une institution judiciaire mais une structure qui est appelée à recouvrer les sommes compromises dans les gestions précédentes. Quand, les dossiers iront devant le juge, pour le pénal, peut-être, devront-ils avoir toute la latitude de représentation que les avocats souhaitent avoir auprès de leurs clients et personne, en ce moment, ne peut le leur empêcher. Il y a des inspections d’Etat qui ont épinglé leur gestion et ils doivent rendre, jusqu’au centime, ce qu’ils ont pris à l’Etat, mais sans que cela ne supprime pour autant le crime pour lequel ils pourront se rhabiller de leur toge pour défendre, même l’indéfendable s’il le faut, puisque cela aussi fait partie du travail de l’avocat.

On aura cru que, face au grand pillage que l’ancien système avait organisé pour s’accaparer des biens de l’Etat et des deniers publics, que l’on peut même avoir des avocats qui se mettraient du côté du peuple spolié pour demander qu’on lui fasse justice. Ces avocats – ou si l’on veut pour faire la nuance ce barreau – seraient-ils un autre bras armé de la France pour trouver le moyen de compliquer la situation du pays, d’un point de vue du droit, quand, du côté de la CEDEAO dégonflée, toutes les options ont fini par foirer ? Le Niger peut-il avoir également des ennemis ? Les Nigériens ne comprennent pas ce comportement du barreau.

Il n’est que normal, ainsi que le dit Maître Oumarou Sanda KADRI, que« […] chaque citoyen, présumé en conflit avec la loi, […] bénéficie[…] de l’assistance d’un défenseur ». Mais pourquoi ne peut-il pas l’exiger pour ceux qui, sous Issoufou surtout, sans la manière, sont trainés à la PJ, dans les locaux de la GSE, sans que personne, souvent, n’ait accès à eux ? Peuvent-ils ne pas être des citoyens reconnus, ou, pour parler terre à terre, des hommes tout court pour qu’en cette époque le débat sur les droits de l’homme ait aussi un sens ? Dénie-ton à ceux d’hier leur humanité ?

Ce qui est valable aujourd’hui, du point de vue droit, l’était aussi hier, même quand le barreau et d’autres choisissaient de se taire. Combien d’hommes, après des détentions illégales, avaient bénéficié de non-lieu et ce sans qu’à l’époque le barreau ne s’en émeuve, se taisant gravement sur de tels abus ? Peut-il aujourd’hui reconnaitre qu’en dix ans de règne d’Issoufou, à certains justement, par une politique à deux vitesses, l’on avait « contest[é] leur humanité », n’ayant eu droit qu’au bannissement ?

Le but ici, convenons-en, n’est pas de dénier au barreau son rôle, mais de lui faire comprendre qu’elle a raté bien d’occasions qui puissent permettre de voir de la cohérence dans ses combats. Ce qu’elle veut aujourd’hui pour des « femmes et des hommes friqués », elle devrait le vouloir pour les démunis d’hier, car, mieux qu’un autre, c’est l’avocat aussi, pour rappeler Rousseau, qui sait que « tous les hommes naissent égaux en droit ». Pourquoi donc défendre certains et ne pas le faire pour d’autres ? Les Nigériens ont des problèmes à comprendre le barreau.

Le syndicat des magistrats, SAMAN, entre également dans la danse pour sortir un communiqué fustigeant les propos tenus par le président de la COLDEFF, tout en demandant à ses militants siégeant dans cette institution « prédatrice des droits fondamentaux », ditil, de se retirer sans délai pour regagner la base. Cette croisade des magistrats et des avocats contre la COLDEFF s’apparente à une conspiration qui risque de saper la lutte contre l’impunité. Ce qui est contraire à l’aspiration du peuple souverain du Niger. Une Situation profitable au régime déchu, ses thuriféraires et leurs suppôts se trouvant à l’extérieur qui souhaitent, depuis le 26 juillet 2023, que le ciel tombe sur le Niger.

Le CNSP doit savoir que la gestion de l’Etat commande de la rigueur et du sérieux.

La recréation a été trop longue, jusqu’à ce que des gens, qui auraient pu, par la gestion qui a été la leur, trouver leur place ailleurs dans une prison, aient eu le temps de jouer à la subversion pour liquider la transition, complotant avec l’extérieur pour venir nous détruire.

Eux, les Massaoudou, Ouhoumoudou et autres, sans doute, ne se seraient pas limités aux intentions et auraient tout fait pour mettre sous leurs bottes ceux qui, même de l’extérieur, travaillent à saboter la gouvernance. Combien sont-ils ces activistes qui, tapis dans les bosquets des réseaux sociaux, quelque part à l’extérieur, tous les jours, diffusent de fausses informations dans le seul but de discréditer la transition aux yeux des Nigériens et de les séparer des nouvelles autorités ?

La transition, n’aurait-elle pas les moyens de les mettre hors d’état de nuire ? On a trop bavardé. Il faut agir. Dans la légalité, pour que ceux qui essaient de déstabiliser le pays et sa transition répondent de leurs actes. On ne joue pas avec un pays.

Par Mairiga (Le Courrier)