Crise dans la justice nigérienne : comment le CCR a désamorcé la tension
Cet article est initialement paru dans le journal privé Le Courrier. Il revient sur la crise récente qui a secoué le secteur judiciaire au Niger et sur la médiation menée par le Conseil consultatif pour la refondation (CCR). À travers cette analyse, Le Courrier met en lumière l’urgence d’un retour à l’accalmie et la portée de la démarche de rapprochement engagée pour préserver la paix sociale et la stabilité de la transition.
Justice : Urgence de ramener l’accalmie dans le secteur
La semaine dernière a été riche en rebondissements dans le secteur de la justice où, après un point de presse-choc animé par le ministre de tutelle, l’on a vu suivre une valse de déclarations de la part d’acteurs du secteur. Celles-ci amenaient à s’inquiéter des tournures que pourrait avoir ce conflit. Très vite, face aux extrémismes auxquels les uns et les autres se laissaient aller, l’on avait, à juste titre, commencé à s’inquiéter pour le pays et pour tout l’enthousiasme que l’on avait vu s’exprimer autour de la refondation ; un enthousiasme qui s’érodait hélas de jour en jour, faisant craindre pour la marche de la transition. Le Niger ne pouvait pas avoir besoin de ces déchirements dans le contexte qu’il traverse, ayant plus intérêt à maintenir la ferveur populaire, à consolider l’unité retrouvée autour de la transition du CNSP qui fondait bien d’espoirs dans le pays.
Les Nigériens avaient donc légitimement à s’inquiéter de ces nouvelles tournures pour appeler à l’accalmie, à l’apaisement car cette refondation ne pouvait pas avoir besoin de nouvelles querelles byzantines, de nouvelles passes d’armes, alors que le pays se bat contre des ennemis qui l’assaillent de toute part. C’est donc de l’inopportunité même de ces confrontations que les Nigériens devraient se convaincre pour comprendre l’urgence à mettre fin à l’escalade verbale qui ne fait que verser de l’huile sur le feu dans un pays fragile. Pour la paix, il y a des courages à avoir, des humilités à porter, des compromis à accepter, des vanités à éviter. C’est donc à juste titre, quand on ne peut rien comprendre à ce qui peut justifier qu’on en arrive là alors que l’on ne voyait rien venir dans le secteur pouvant présager de ces confrontations. Il est vrai que, depuis deux ans, faut-il le rappeler, les Nigériens demandaient à faire justice, à donner une suite judiciaire à bien de dossiers connus des Nigériens, mais les Nigériens attendent encore, sans voir aucune volonté sur un tel aspect de la gouvernance. Les juges, officiellement, ne s’en sont pas mêlés, mais on peut se souvenir que, depuis l’époque de Bazoum, ils avaient sans succès demandé qu’on leur remette les dossiers qui ont soulevé des vagues dans le pays, aidés à l’époque par la société civile qui s’était constituée partie civile pour porter plainte devant le parquet mais sans que cette initiative citoyenne ne prospère, ce jusqu’à aujourd’hui.
Quelques interrogations…
A qui veut-on chercher des problèmes ? Au Général Tiani qui n’en manque pas assez pour lui en commander davantage ? Et à quelle fin ? Croit-on franchement l’aider en provoquant de nouveaux remous dans le pays, un pays qui grouille déjà trop de malaises ? Pour bien d’observateurs, quand, gouvernant sa sphère, l’on ne sait que provoquer des colères, l’on n’aide pas Tiani et la transition à réaliser les promesses qu’il fit à ses compatriotes. Certains l’ont tout de suite compris pour initier des démarches en vue de rapprocher les protagonistes pour les aider à aller à une entente qui préserve le système judiciaire de soubresauts inutiles et conforte la paix intérieure que l’on veut pour le pays.
Une initiative louable…
Observant la tension qui montait entre les magistrats et leur tutelle, le Président de la Commission Paix, sécurité cohésion sociale et réconciliation nationale du CRR qui sait bien que le pourrissement de cette situation n’arrange pas le pays, s’est cru interpellé au nom de sa structure pour initier des démarches en vue de rapprocher les deux acteurs, tous essentiels pour avoir un système judiciaire viable. La sagesse des leaders, des chefs traditionnels, doit servir pour les voir s’interposer à chaque fois que des conflits surgissent dans le pays, non à faire preuve d’indifférence pour laisser des situations dégénérer, attendant qu’on aille à l’irréparable pour venir en sapeurs-pompiers retardataires. C’est ainsi que l’on apprenait, alors que tout le monde était inquiet pour le pays, que l’Honorable Bachir Harouna Mahamadou Hambali réussissait à rapprocher les opinions pour être près d’un compromis qui arrange les deux parties et le pays.
Ce fut un conflit qui a suscité des débats dialectiques où chacun allait de ses logiques pour jeter la pierre sur un tel ou un tel, trouvant que les deux camps, pour une raison ou une autre, sont fautifs dans ce qui a pu conduire à discréditer la justice nigérienne qui ne manque pourtant pas d’hommes intègres, de juges bien. On comprend d’ailleurs les jugements sévères de certains contre le SAMAN pour faire croire qu’il pourrait avoir mérité ce qui lui arrive aujourd’hui, car c’est parmi ses membres que certains, jouant sur des agendas politiques au lieu de suivre la rigueur de la science juridique, auraient souvent rendu des sentences controversées, obéissant à des lignes politiques auxquelles la déontologie et la morale de leur métier les obligent à ne pas se plier. Aussi, pour les Nigériens, sur bien de questions sur lesquelles on aurait aimé entendre les Juges, ces derniers avaient brillé par leur mutisme presque coupable comme si leurs silences devraient être le signe d’une prise de position dans les problèmes nigériens. Une telle attitude, on le comprend, ne peut pas aider les magistrats dans leurs luttes car à vouloir avoir le beurre et l’argent du beurre, l’on ne peut que perdre sur tous les plateaux. Le syndicaliste ou l’acteur de la société, en raison de son engagement doit éviter certaines attitudes compromettantes et autres postures louches sujettes à interprétations. Mais, pour l’instant, l’essentiel aujourd’hui est d’apprendre que la crise est en passe d’être surmontée. Les Nigériens n’en demandent pas mieux.
Un compromis pour la paix des braves ?
Le bras de fer allait crescendo, chacun agissant dans l’énervement, laissant peu de place au compromis salvateur, mais voilà que des hommes mettent leur sagesse au service de la quiétude sociale. C’est ainsi que l’on apprend que les deux parties seraient proches d’un compromis, d’une solution qui mette en confiance chacun des protagonistes et préserve la transition de conflits inutiles. Il faut donc croire que c’est un indicent qui est désormais derrière et que, par cette médiation, l’Honorable Bachir Harouna Mahamadou Hambali et son équipe auront réussi, faisant honneur au CCR dont on peut désormais se rendre compte de l’utilité, un coup de maître pour assoir les bases d’une paix des braves dans le pays, et, ce à un moment où on en a véritablement besoin.
Il faut donc préserver cet acquis car le pays a besoin que ses fils soient ensemble pour réussir la refondation que les Nigériens continuent à regarder avec grand intérêt.
Alpha (Le Courrier)