Dr Seidik Abba : « La Guinée a parfaitement réussi sa sortie de la transition militaire »
Universitaire et journaliste, Dr Seidik Abba est un spécialiste reconnu des enjeux sécuritaires et politiques au Sahel et en Afrique de l’Ouest, région à laquelle il a consacré de nombreux ouvrages : Mali/Sahel : notre Afghanistan à nous ? (paru en 2022 chez Impacts Éditions), Pour comprendre Boko Haram (paru en 2021 chez L’Harmattan) et Voyage au cœur de Boko Haram. Enquête sur le djihad en Afrique subsaharienne (paru en 2019 chez L’Harmattan). Depuis janvier 2023, il préside le Centre international de réflexions et d’études sur le Sahel (CIRES), un think tank basé à Paris.
Dans cet entretien, Dr Seidik Abba revient sur les enseignements de l’élection présidentielle du 28 décembre 2025 en Guinée et décrypte la manière dont le pays se prépare face à la menace terroriste déjà présente dans la sous-région.
Question : Quels enseignements peut-on tirer de la présidentielle du 28 décembre en Guinée ?
Réponse : Le scrutin présidentiel de dimanche dernier marque la fin de la transition que la Guinée a entamée en septembre 2021 après le coup d’État. Les opérations de vote ont été observées par des centaines d’observateurs nationaux et internationaux, une grande première dans le pays. Il ressort des premiers retours des missions d’observation que le scrutin s’est déroulé sans incidents, tout comme, ajoutent-elles, la campagne qui a été librement menée par les neuf candidats en lice, dont le général Mamadi Doumbouya, président de la transition.
Outre la protection rapprochée des candidats par les forces de défense et de sécurité, le Trésor public guinéen a mis la main à la poche pour les aider à battre campagne, ce qui n’est pas une pratique répandue sur le continent où, généralement, chacun fait campagne selon ses moyens, au détriment des candidats les plus modestes.
Le taux de participation de près de 85 %, donné par la Direction générale des élections, traduit un engouement massif des Guinéens et leur volonté de retour à l’ordre constitutionnel normal. Je rappelle au passage que la nouvelle Constitution a été adoptée avec près de 89 % des voix. Il reste désormais à attendre la proclamation des résultats provisoires et leur confirmation par les institutions habilitées.
Question : La transition qui s’achève aura finalement duré quatre années. Certains regrettent qu’elle ait duré aussi longtemps. Quel est votre avis dans ce débat ?
Réponse : Ce n’est pas tant la durée de la transition qui importe que son efficacité. Il ne sert à rien de faire une transition éclair qui ne pose pas les fondations d’institutions solides. Le choix de la Guinée a été de prendre le temps de repartir sur de nouvelles bases afin d’éviter, à long terme, un retour en arrière.
Sous le leadership du général Mamadi Doumbouya, le pays a mis à profit cette période pour lancer des projets structurants tels que Simandou 2040, comprenant notamment une mine de fer, une aciérie, un chemin de fer de près de 670 kilomètres et un nouveau port à Forécariah, près de Conakry. S’y ajoutent la construction d’infrastructures routières et de bonnes performances économiques ayant permis à la Guinée de devenir la deuxième économie d’Afrique francophone et d’accéder au statut de pays à revenu intermédiaire. Le pays a également renoué avec la communauté financière internationale, qui salue son dynamisme.
Question : Dans le contexte actuel de la menace sécuritaire grandissante en Afrique de l’Ouest, doit-on craindre pour la Guinée ?
Réponse : Il existe effectivement, chez les groupes armés terroristes, une volonté d’élargir leur menace du Sahel vers les pays du golfe de Guinée. Dans le cas de la Guinée, les autorités de transition ont anticipé ces risques en prenant plusieurs initiatives.
Les forces de défense et de sécurité ont été dotées de moyens sans précédent en matière d’équipement, de mobilité, de conditions de travail et de rémunération. La réorganisation des services de renseignement, à travers la création de la Communauté guinéenne du renseignement (CGR), ainsi que la mise en place d’unités antiterroristes spécialisées au sein de la gendarmerie et de la police, illustrent cette volonté de prévention.
Par ailleurs, l’arsenal législatif et réglementaire a évolué pour s’adapter à la menace, avec l’adoption de nouvelles lois visant à prévenir et réprimer les actes terroristes, le financement du terrorisme et le blanchiment des capitaux.
Dr Seidik Abba, journaliste, écrivain et universitaire