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Gouvernance et lutte contre la corruption : Faut-il demander des comptes à la Halcia ?

Halcia NigerDans son premier point de presse depuis son installation, la Coldeff, en fin de semaine dernière, entre autres points de son action, informait les Nigériens que la Halcia qui avait fait à peu près le même travail qu’elle fait aujourd’hui, se soustrayant à la logique de continuité de l’Etat, n’a trouvé mieux qu’à faire disparaitre, de manière délibérée, par préméditation diront les juges, les données de plusieurs années de travail qui doivent rendre compte de la grande casse du système déchu. Faut-il croire qu’il y ait aujourd’hui des hommes qui pensent qu’ils peuvent défier le CNSP et son gouvernement pour faire ce qu’ils veulent, ne se sentant nullement redevables vis-à-vis des nouveaux organes de gestion de l’Etat ? Dès lors, l’on se pose mille et une questions pour se demander de qui ils tiennent cette injonction qui leur faisait détruire bien de pièces à conviction de la mauvaise gestion des gouvernements précédents. Pour quel intérêt le feraient-ils ? Peuvent-ils croire qu’ils n’ont que faire des nouvelles autorités pour se permettre une aussi grave action d’insubordination et de mépris ? Peuvent-ils se sentir solidaires de la pègre de l’ancien système pour l’aider à se protéger en faisant disparaitre les données que l’on sait importantes aussi bien pour la justice que pour permettre à l’Etat de rentrer dans ses droits ? On sait, par exemple, qu’elle a enquêté sur plusieurs dossiers qui concernent les ministères et notamment la gestion des fonds CONVID, toutes choses pour lesquelles aujourd’hui, selon ce que la Coldeff vient de dire, il n’y aurait aucune trace pour interpeller X ou Y.

En vérité, c’est de la moquerie et plus pour le CNSP que quiconque car, par une telle action, ne peut-on pas voir une volonté de défier les nouvelles autorités pour croire qu’il y a, par une telle action désespérée et pénalement condamnable, un moyen d’absoudre la pègre de ses fautes de gestion pour l’en couvrir d’impunité ainsi que l’ancien régime l’a voulu, ne mettant en place une Halcia que pour les mal pensants et les hommes qui ne sont pas du parti présidentiel. A présent, les Nigériens peuvent comprendre, ainsi qu’ils l’ont toujours dit, que le PNDS n’avait aucune volonté de faire la lumière sur les scandales qui ont jalonné sa gestion, étant entendu que jamais, pendant que le parti était au pouvoir, la Halcia n’a communiqué une seule fois pour donner les détails de ses investigations ; la volonté s’étant limitée à juste récupérer quelques dérisoires fonds pour faire croire qu’elle travaillait. Et ainsi, on trahissait les attentes du peuple pour enrichir des individus.

Il n’y a aucune raison de protéger un voleur, d’avoir de l’indulgence pour des hommes et des femmes qui ont trahi la nation en détruisant des données qui, comme tous les biens de l’Etat, sont, par la loi fondamentale, sacrés. Quand on sait, en plus, comment les biens de l’Etat ont été spoliés, avec souvent des mises en vente aux enchères controversées qui ont concerné des véhicules qui, dans bien de cas, ne sont reformés que sur les papiers, les « marchandises » ciblées étant en vérité en bon état, mais présentées comme telles pour le besoin de l’action, notamment comme étant des épaves alors acquises à vils prix.

Une faute lourde…

Ce que la Coldeff vient d’annoncer à propos de la Halcia est d’une gravité extrême et inexcusable. Comment, peut-elle faire ça pour un Etat qui l’a payée à faire ce travail ? Peutelle croire que ce travail se faisait pour les responsables du régime, auquel cas ses résultats mitigés peuvent se comprendre ? Faut-il dès lors croire que la Halcia pourrait minorer les crimes en ne considérant contre ceux qui ont prévariqué et détourné que d’infimes montants faciles à recouvrer et qui ne peuvent pas rendre compte de la gravité des saccages du régime défunt ? La Halcia doit donc rendre compte aux Nigériens. Un tel acte, suffisamment grave, ne peut pas rester impuni.

Il ne faut pas laisser passer…

C’est le moment ou jamais pour le CNSP et le gouvernement de convaincre de sa volonté inébranlable à s’attaquer à tous les cas de corruption et de concussion, à lutter sans concession contre la mauvaise gouvernance et notamment celle qui a marqué l’ancien régime. C’est pour cela que, face à la gravité de l’acte ainsi dénoncé par la COLDEFF, le gouvernement et le CNSP doivent interpeller les responsables de la Halcia qui doivent impérativement répondre d’un tel acte. La Justice a la chance de savoir qui et qui avaient travaillé dans ce cadre et surtout pour savoir qui peut avoir ordonné – et pour protéger qui ? – de faire disparaitre les données enregistrées pendant des années de travail et d’enquêtes. Sur une telle question qui engage sa crédibilité, la transition ne doit pas transiger et, pour ce, elle doit avoir la main ferme pour que ceux qui ont commis un tel acte en répondent de manière exemplaire. Peut-on ne pas d’ailleurs considérer cet acte comme un acte grave qui frise la haute trahison quand, d’une part, elle participe d’une volonté tacite de ne pas reconnaitre les nouvelles autorités en se refusant à leur rendre compte de sa gestion après la chute du système qui l’avait installée sans doute juste pour meubler une certaine architecture et, d’autre, elle trompe sur sa volonté peu sincère à lutter contre l’impunité.

Inquiétude…

Faut-il donc croire que, parce que la Halcia, pour un agenda qui lui est propre et pour lequel elle se rend coupable d’acte d’insubordination et même de trahison, ne peut pas travailler sur certains cas de détournement et de corruption ? Est-ce donc à dire que, dès lors que la Halcia a détruit les données, il n’est plus possible de fouiller des gestions ? Non, en principe, les documents – et notamment les pièces comptables qui ont permis à la Halcia d’enquêter – sont encore disponibles dans les différentes administrations et elles devront servir à de nouvelles enquêtes pour faire la lumière sur la gestion passée.

Réaction de la Halcia : un pavé dans la marre ?

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir la Halcia, accusée de destruction de données en sa possession, réagir pour donner sa version des faits, se défendant d’avoir détruit les données qu’elle dit exister encore et qu’elle pourrait bien mettre à la disposition de la Coldeff. Qui croire donc ? Quel intérêt peut avoir la Coldeff qui vient de commencer à travailler à porter de telles accusations graves sur la Halcia qui peuvent, si elles s’avèrent fausses, la discréditer ? La Coldeff, peut-elle avoir l’imprudence de porter une telle grave accusation contre une structure qui peut pourtant l’aider à réussir sa mission, en mettant à sa disposition, dans un cadre collaboratif, biens de dossiers traités qui peuvent lui faciliter la tâche ? Comment ne pas se poser ces questions, quand on entend l’ancienne équipe de la Halcia dire qu’ils « […] réfutent ces allégations et informent l’opinion nationale que toutes les données sont disponibles et sécurisées. Elles n’ont jamais été écrasées encore moins demandées par la COLDEFF qui ne s’est intéressée qu’aux rapports physiques produits par la HALCIA et les a obtenus intégralement ». De tels propos ne peuvent que faire douter de la Coldeff qui, dans la véracité d’une telle réponse sans ambages, pourrait bien manquer de professionnalisme dans le travail que la nation et le CNSP lui ont confié. Ils disent d’ailleurs « […] outrés de la déclaration grave du Président de la COLDEFF qui les jette à la vindicte populaire alors que la vérité est toute autre ». Au moins, peut-on lire chez l’ancienne équipe de la Halcia qu’elle a conscience du prix que les Nigériens attachent à son travail et à la qualité de ce qu’elle doit leur apporter comme résultats de ses investigations.

D’ailleurs, si ce n’est que de cela que la Coldeff peut se servir pour justifier sa contreperformance – à moins qu’elle n’ait elle aussi quelques connivences ailleurs – la Halcia rassure de « [sa] disponibilité à collaborer avec la COLDEFF, si nécessaire dans l’intérêt supérieur de la patrie ». Et les Nigériens ne demandent pas mieux. La Halcia, comme pour attester cette bonne volonté à travailler pour l’intérêt commun, dit qu’elle « […] a recouvré et versé au trésor public environ 1.700.000.000 juste après les évènements du 26 juillet 2023 ». Le CNSP et le gouvernement doivent rapidement situer où se trouve la vérité pour apporter les corrections nécessaires afin qu’on ne trahisse pas les engagements de la transition.

Par Alpha (Le Courrier)