Loi pour protéger les lanceurs d’alerte au Sénégal : Et si le Niger suivait la voie du Sénégal ?
Le Parlement sénégalais
La corruption est peut-être à son crépuscule au Sénégal. Depuis mardi 26 août 2025, les autorités de ce pays sont passées à la vitesse supérieure dans la lutte contre ce fléau. L’Assemblée nationale a adopté une loi pour protéger les lanceurs d’alerte. Une disposition qui octroie 10% des fonds illicites recouvrés en cas de dénonciation d’une malversation quelconque. Outre cette récompense pécuniaire, la personne signalant aux autorités un crime financier jouira de l’anonymat et ne pourra être poursuivie en justice, ni licenciée par son employeur ou le service qu’elle a dénoncé. Mieux, elle ne fera l’objet d’aucune poursuite judiciaire même dans le cas où elle dénonce des faits criminels auxquels elle a pris part, à condition, toutefois, qu’elle le fasse avant l’ouverture d’une enquête et reverse l’argent détourné. Une loi inédite dont la portée, aux plans économique et social, est grande. Elle est de nature à promouvoir une gouvernance plus vertueuse des ressources publiques en assurant une plus grande transparence dans les procédures d’attribution et d’acquisition des marchés publics. Une loi bien accueillie au sein de l’opinion nationale et qui fait rêver un peu partout en Afrique et particulièrement au Niger.
Confronté à une tension de trésorerie accrue et une persistance des pratiques corruptives, le Niger pourrait être tenté de suivre l’exemple du Sénégal. Selon des sources non officielles, la Coldeff (Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale) rémunèrerait une telle action. Cependant, l’information n’est ni explicitement écrite ni portée à la connaissance du grand public. Peu de Nigériens en sont informés et la Coldeff n’a jamais communiqué sur le sujet afin de stimuler et d’encourager les dénonciations des infractions à l’orthodoxie financière. En panne constatée dans le recouvrement des fonds publics détournés, l’institution gagnerait certainement à booster son action en aiguillonnant davantage les citoyens. Une ordonnance du Président Tiani similaire à la loi adoptée au Sénégal pourrait probablement relancer le challenge de la lutte contre la corruption et l’impunité au Niger.
Si, dans la lutte pour la souveraineté, le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont les précurseurs, il faut toutefois admettre que le Sénégal a frappé fort en touchant du doigt le mal profond dont souffrent de nombreux Etats africains. Ce n’est pas un hasard si les Nigériens s’arc-boutent à la lutte contre la corruption et l’impunité et qu’ils aient réclamé les procès des scandales qui ont mis le Niger à genoux. C’est un problème crucial et rien de solide et de durable ne saurait se faire sans une lutte préalable contre la corruption. La mise en oeuvre de la résolution formulée dans ce sens par les participants aux Assises nationales se fait encore attendre. Si certains ont depuis longtemps désespéré de voir le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) faire suite à cette attente populaire forte, d’autres estiment que mieux vaut tard que jamais. Selon l’avis de ces derniers, non seulement l’instance militaire ne va pas continuellement rester dans cette posture qui l’assimile à un flanc protecteur des auteurs, co-auteurs et complices des scandales financiers de la 7e République, mais la situation financière de l’État est sujette à caution pour qu’il ferme les yeux sur la seule possibilité de redresser la barre. L’intérêt général est au coeur de ce changement de paradigme nécessaire auquel les Nigériens appellent le Cnsp et il est impératif, au regard des enjeux, que le chef de l’État prenne le taureau par les cornes.
B.M (Le Courrier)