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Niger : Assainissement et justice sociale, la refondation à l’épreuve des attentes

communique du conseil des ministres du vendredi 16 mai 2025Deux ans après sa prise de pouvoir, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) est confronté à l’un de ses plus grands défis : concrétiser ses promesses d’assainissement de la vie publique et de rétablissement de la justice sociale. Si les intentions affichées ont nourri l’espoir d’une rupture nette avec les dérives du passé, la mise en œuvre, elle, progresse à un rythme qui suscite à la fois adhésion et impatience.

Lutte contre la corruption : des débuts encourageants mais des limites persistantes
Dès 2023, la création d’une commission spéciale de lutte contre la corruption et la récupération de plusieurs dizaines de milliards de francs CFA détournés ont été saluées comme un signal fort. Des audits de contrats miniers et des enquêtes sur des malversations ont permis de mettre à nu certains réseaux de détournements. Toutefois, de nombreux citoyens pointent la lenteur des poursuites contre de hauts responsables et redoutent que l’élan ne s’essouffle avant de s’attaquer aux « gros poissons ».

Les remplacements au sommet de la commission, après des blocages internes et des rapports controversés, illustrent les difficultés structurelles à rendre cette lutte pleinement efficace et impartiale. La société civile, elle, réclame plus de transparence et une application sans compromis de la loi, quel que soit le rang des personnes visées.

Justice sociale : entre gestes symboliques et attentes fortes
Sur le plan social, le CNSP a tenté de maintenir un climat apaisé malgré une conjoncture économique tendue. Des mesures ponctuelles - contrôle des prix des denrées de base, soutien à la production de riz local, recapitalisation de la banque SONIBANK - visent à alléger la pression sur les ménages. Des gestes de décrispation, comme la libération de certains détenus politiques, ont été perçus comme des signes d’ouverture.

Pourtant, le cœur du problème reste la répartition inéquitable des richesses et l’accès limité aux opportunités, notamment pour une jeunesse qui forme 70 % de la population. Beaucoup de jeunes peinent à trouver un emploi ou à voir un réel changement dans leur quotidien, malgré les annonces de recrutements massifs dans l’armée et les promesses de développement local.

Gouvernance foncière : une lutte symbolique mais inachevée
La question du foncier est un autre front sensible. La révocation de décrets de morcellement illégal et des interventions pour stopper des lotissements clandestins illustrent une volonté de reprendre le contrôle des biens publics. Néanmoins, ces actions ponctuelles ne suffisent pas à rassurer totalement la population, encore marquée par des années de spoliations et de favoritisme. Pour de nombreux citoyens, l’enjeu est de garantir la transparence et l’égalité d’accès à la terre, ressource vitale dans un pays à forte pression démographique.

Un cap à consolider pour la cohésion nationale
La refondation, promise comme une rupture et un nouveau départ, reste donc à ancrer dans des résultats visibles et durables. L’équilibre est délicat : répondre aux urgences économiques, tenir le cap de la justice pour tous, tout en préservant la stabilité dans un contexte sécuritaire encore fragile.

La cohésion sociale et la confiance populaire restent les atouts majeurs du CNSP ; leur préservation dépendra de la capacité à transformer les engagements en réformes concrètes, à réprimer fermement la corruption sous toutes ses formes et à offrir à chaque Nigérien une chance réelle de contribuer au développement national.
Aïssa Altiné (Nigerdiaspora)