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Niger - Bakary Yaou Sangaré au Forum Crans Montana : "Le problème de l’Afrique, ce sont d’abord les Africains"

niger bakary yaou sangare au forum crans montana le probleme de lafrique ce sont dabord les africainsÀ l’occasion du Forum Crans Montana tenu en avril dernier à Casablanca, le chef de la diplomatie nigérienne, Bakary Yaou Sangaré, a livré une intervention marquante, empreinte de franchise et d’émotion. Devant un auditoire international, il a dénoncé les obstacles qui entravent le développement du Niger, tout en pointant à la fois les responsabilités historiques de l’Occident et l’inaction des élites africaines.
L'accès à la mer reste un enjeu vital pour les États membres de l'Alliance des États du Sahel (AES), dont le Niger, pays enclavé sans débouché maritime. Cette situation limite considérablement ses capacités d’importation et d’exportation. M. Bakary Yaou Sangaré a évoqué un souvenir marquant de 1996, lorsqu’un responsable portuaire de Dubaï avait déclaré à une délégation nigérienne qu’« un pays sans voie ferrée ni accès à la mer ne peut pas se développer ». Une vérité amère, mais connue de tous depuis longtemps, selon lui.
Mais au-delà des infrastructures, c’est le sentiment d’un système verrouillé depuis l’indépendance qui domine. « Nous avons toutes les sources d’énergie : le soleil, l’eau, l’uranium, le pétrole… et pourtant nous n’avons pas d’énergie », a-t-il lancé avec amertume, mettant en lumière le paradoxe d’un pays riche en ressources mais pauvre en moyens.

Une critique directe de la France et de l'Union européenne
Le ministre nigérien n’a pas mâché ses mots sur le rôle de la France dans le blocage du développement de son pays, affirmant que Paris n’a rien entrepris en 60 ans pour construire des infrastructures permettant l’accès du Niger à la mer. Mais il a également insisté sur le fait que la responsabilité n’incombe pas uniquement à la France : « Ce n’est pas leur faute, c’est ce que nous avons accepté. »
Plus grave encore, il a dénoncé les sanctions imposées au Niger et aux pays de l’AES après leur choix de souveraineté. « Quand nous décidons de changer, de dire non, c’est l’Afrique elle-même qui se soulève contre nous, avec des embargos, des menaces d’attaque. » Il a regretté la solidarité automatique entre puissances occidentales, même face à une politique contestée, là où les Africains, selon lui, peinent à faire front commun : « La France a un problème avec le Sahel, et elle y entraîne l’Union européenne. »

Un appel à la solidarité africaine
Face à ces constats, Bakary Yaou Sangaré a lancé un appel fort à l’unité et à la confiance entre Africains. « Les Africains doivent se faire confiance. Nous ne demandons pas qu’on nous aide, mais qu’au moins on ne se mette pas contre nous », a-t-il déclaré. Il a aussi fustigé l’hypocrisie des sanctions sur les armes alors que le Niger fait face à des groupes terroristes lourdement armés : « Avec notre argent, on ne veut pas nous vendre des armes, mais quand nous allons vers la Russie ou la Chine, c’est le scandale. »
Son discours s’inscrit dans une dynamique nouvelle portée par les États de l’AES, qui revendiquent désormais un modèle fondé sur la souveraineté politique, la coopération Sud-Sud et le rejet des dépendances héritées de la colonisation.
Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)