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Niger - Recommandations des assises nationales : Vers une table-rase de la gestion antérieure ?

Tiani Issoufou BazoumParmi les chantiers prioritaires que les citoyens nigériens souhaiteraient voir engagés par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie(Cnsp) se trouve naturellement celui de l’assainissement des finances publiques. En effet, de 2011 à 2023, les Nigériens avaient été écoeurés par les scandales à répétition qui avaient émaillé la gestion du régime de la 7ème République. La presse indépendante nigérienne en faisait, à l’époque, ses choix gras. Mais, en dépit de l’existence de la HALCIA, de la Ligne Verte, des structures spécialisées de contrôle de gestion publique mises en place par le pouvoir de cette époque pas si lointaine, tous ces scandales politico-financiers étaient restés impunis, car impliquant des dignitaires du régime de la renaissance. La seule réponse apportée à tous ceux qui tentaient d’en savoir plus sur ces affaires scabreuses, c’était la répression sauvage et l’emprisonnement d’honnêtes citoyens dont le seul crime aurait été de demander des comptes aux princes régnants de ces temps-là.

La reddition des comptes publics : une exigence citoyenne non-négociableAu lendemain des événements du 26 juillet 2023, les Nigériens, dans leur écrasante majorité, auront placé d’immenses espoirs dans l’assainissement et la moralisation de la vie publique nationale. C’est pourquoi ils avaient soutenu le Cnsp dans toutes les épreuves imposées au Niger par les criminels de la Cedeao et les impérialistes occidentaux, suite aux événements historiques du 26 juillet 2023. Le Président du Cnsp, le Général d’Armée Abdourahamane Tiani, avait semblé comprendre cette grande exigence citoyenne et s’était engagé à mettre en oeuvre ce chantier important. Dans la foulée, il mit en place la Coldeff qui, après un départ tambours battants, s’était vite grippée, sans doute du fait de l’absence d’une volonté politique au plus haut sommet qui semblait vouloir protéger quelques barons du régime déchu. Du coup, la Coldeff s’était trouvée plombée, faute d’engagement fort pour demander des comptes aux animateurs du régime déchu. La seule réponse apportée à cette perte de vitesse de la Coldeff aura consisté à renvoyer son Bureau pour en nommer un autre, exactement comme dans un ballet russe où les acteurs ne changent pas, mais ne font que changer simplement de place. Pour divertir l’opinion publique nationale par rapport à cette exigence de reddition de comptes publics, ce fut dans le domaine foncier de la capitale que l’on aura constaté le plus de détermination pour traquer et démanteler le cartel foncier qui s’était installé dans la gestion foncière de la ville de Niamey, pendant que les gros dossiers de scandales politicofinanciers étaient abandonnés.

Un processus de Refondation mal embarqué ?
Depuis le 26 mars 2025, le Niger est entré dans une nouvelle phase de son évolution sociopolitique avec l’élaboration d’une Charte de la Refondation qui donnait un mandat de cinq (5) ans ‘’modulable’’ au Président du Cnsp. Peu après, il y a eu la mise en place du Conseil Consultatif pour la Refondation (CCR), dont les membres et le Bureau ont été nommés depuis peu.

Cependant, s’agissant de la question de l’assainissement tant réclamé par les citoyens nigériens, les attentes populaires n’en sont toujours pas satisfaites. Du coup, l’on est en droit de se demander si la véritable refondation pourrait se réaliser si les bases nationales n’étaient pas assainies, si les écuries d’Augias n’étaient pas nettoyées afin de remettre les pendules. En effet, un adage populaire nigérien enseigne qu’il ne sied pas d’hérisser des tresses sur un crâne truffé de poux’’. C’est exactement la situation paradoxale qui semble caractériser l’actuel processus de la Refondation dont l’on a de plus en plus l’indicible impression qu’il voudrait faire table-rase de la gestion politique antérieure. Bien que la Commission chargée de la conduite des travaux des Assises nationales ait recommandé la réouverture judiciaire de certains dossiers de scandales politico-financiers ayant défrayé la chronique en leurs temps, force est de constater que, plus les jours passent, plus cette ré-exhumation de ces ‘’anciens cadavres’’ enfouis dans les placards du régime de la renaissance peine à voir le jour.

Aujourd’hui, les Nigériens restent perplexes, dubitatifs face aux nouvelles tournures de la situation sociopolitique nationale actuelle caractérisée par une sorte de chape de plomb posée sur la conduite des affaires publiques par le Cnsp et le gouvernement. Cette même chape de plomb qui, par le passé, avait barricadé la voie de la justice pour faire la lumière sur toutes ces fumeuses affaires de corruption, de détournements de deniers publics et autres travers de gestion publique. C’est devenu presque évident, l’épicentre de toutes ces fumeuses affaires ayant jalonné la gestion publique passée, à savoir Issoufou Mahamadou, paraît de plus en plus hors de portée de la justice nigérienne, alors que Bazoum est gardé prisonnier du régime non pas dans le cadre de l’assainissement des finances publiques, bien qu’il ait aussi donné des gros marchés publics à ses parents et aux membres de son clan. Or, sans un assainissement véritable de la gestion politique antérieure, l’on ne voit pas comment l’exigence, voire l’aspiration populaire au rétablissement de la justice, seraient satisfaites par le Cnsp afin de réconforter le peuple nigérien dans sa volonté de redresser le Niger.

En un mot, le seul moyen pour le Cnsp, totalement embrouillé ces derniers, de retrouver de l’allant, de la consistance et surtout de la crédibilité de son oeuvre refondatrice, ce serait de sortir de son confort actuel pour se consacrer à ce grand chantier de l’assainissement national. Autrement, comme une vrille, il continuerait à tournoyer dans tous les sens sans jamais savoir retrouver la flamme éclairante qui lui permettrait de marcher en pleine nuit !

Vivement que le Général d’Armée Tiani et ses camarades du Cnsp veuillent se sortir de ce piège mortel et sans fin de l’indécision judiciaire !

A bon entendeur, salut, dit-on souvent !

Halidou Maiga (Le Monde d’Aujourd’hui)