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Rencontre entre le Président Tiani et les anciens dirigeants politiques : S’achemine t-on vers un gouvernement d’union nationale ?

A Tiani Issou M Mahamane O Seini OLa rencontre entre le Président du Cnsp, le Général d’Armée Abdourahamane Tiani, et les anciens dirigeants politiques nigériens ! Partout, sur les réseaux sociaux, dans les médias, comme une traînée de poudre, la nouvelle a défrayé la chronique et alimente les débats. En l’absence de communiqué officiel, chacun y va de son petit grain de sable ou de sel, quand ce n’est pas de piment pour bien assaisonner ce plat estival que le Cnsp voudrait bien servir au peuple nigérien après deux ans d’exercice du pouvoir. Cet événement, s’il était avéré, ne serait guère anodin, car il interviendrait à quelques semaines du deuxième anniversaire de l’arrivée du Cnsp au pouvoir. Il interviendrait également dans un contexte où le Cnsp n’affiche pas la meilleure forme de sa vie face aux menaces sécuritaires de plus en plus croissantes (L’une des raisons de l’intervention du Cnsp le 26 juillet 2023) et aussi en proie à une conjecture économique et financière aigue. En un mot, la barque du Cnsp tangue sur les eaux d’une mer agitée et elle a besoin de secours pour l’empêcher de chavirer.

De l’émotion populaire à la réalité de l’exercice du pouvoir suprême ?
Il est évident que le Général d’Armée Tiani n’a pas convié ses prédécesseurs pour son propre plaisir, mais bien par nécessité, pour raison d’Etat. Pourquoi ne l’avait-il pas fait avant, serait-on tenté de se demander ? Parce que ce n’était pas nécessaire sans doute. Si, aujourd’hui, le Président du Cnsp a pris une telle initiative, c’est parce que la situation générale du pays le recommande, voire l’exige. En effet, après deux ans d’exercice du pouvoir suprême, les choses ont bien changé pour le Cnsp et son emblématique Président qui n’ont plus d’excuses pour justifier leurs éventuels échecs. Après la ferveur populaire des premiers mois des événements du 26 juillet 2023 et la période homérique marquée par le bras-de-fer avec la Cedeao et la dénonciation des accords de défense et de coopération, le Cnsp devait descendre dans la fosse aux lions comme on dit souvent. Malheureusement pour le Cnsp, une fois les pieds dans le plat, les choses ne se sont pas bien présentées pour lui, car les défis à relever allant de plus en plus croissants. Les Nigériens attendaient du Cnsp des réponses concrètes à leurs réoccupations quotidiennes, à savoir la lutte contre la vie chère, la pénurie d’électricité et autres. C’était dans ce contexte que les Assises nationales de la Refondation avaient été convoquées. Il faut rappeler que les partis politiques légalement reconnus au Niger avaient été exclus de ces Assises nationales. Au sortir de celles-ci, un Rapport final des recommandations de ce Forum national avait officiellement remis au Président du Cnsp, dont entre autres la dissolution de tous les partis politiques existants au Niger, et celui-ci qui avait promis d’en prendre acte. Mais, une fois la Charte de la Refondation élaborée et promulguée par décret du Président du Cnsp, les Nigériens ne s’en revenaient pas de découvrir des dispositions polémiques dans ce texte fondamental, dont entre autres le fameux article 12 relatif à la place des langues nationales dans le dispositif linguistique national. Mieux, pour bien entamer le processus de la Refondation nationale, les gens s’attendaient à la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale plus costaud comprenant des ressources humaines techniques compétentes prêtes à relever les défis du redressement national. Mais, à l’arrivée, les 98% de l’ancienne équipe gouvernementale avaient été maintenus, soit à leur poste, soit mutés dans un autre département ministériel. Ce fut-là sans doute la bérézina totale pour tous ceux qui attendaient du nouveau sang et un nouveau souffle pour booster la Refondation.

Le retour de la Lune à la Terre pour le Cnsp : le réalisme qui rabat les cartes
Ici même dans ces colonnes, nous avions, en son temps, sévèrement critiqué la décision de la dissolution des partis politiques, décision qui mettait toutes les formations politiques du pays dans le même panier. Nous étions allés jusqu’à nous demander si, par la faute d’un seul élève, fallait-il punir toute la classe. Évidemment que non, mais les délégués aux Assises nationales avaient certainement leur propre agenda politique dans cette mise à mort des partis politiques dont certains prendront la place plus tard en se faisant coopter dans le Conseil Consultatif pour la Refondation. Mais, à cette époque, le Cnsp était encore sous la ‘’drogue puissante’’ des membres de ces Assises nationales qui voulaient à tout prix la mort des partis politiques, et ne pouvait y résister efficacement.

Cependant, l’exercice réel du pouvoir suprême est un jeu spécial, qui nécessite la prise en compte de beaucoup de paramètres et d’enjeux souvent différents ou divergents qu’il faut pourtant savoir agréger pour en faire un tout complet. Or, cette grande expérience dans l’exercice du pouvoir d’Etat, seuls les partis politiques, à travers leurs membres, l’ont véritablement, car ils capitalisent en la matière une trentaine d’années d’expériences dans cet exercice. Et vouloir, du jour au lendemain, au nom d’un soi-disant ‘’Tous pourris’’ qui était loin d’être justifié à l’égard de certaines formations politiques nigériennes que l’on sait, relevait d’une fuite en avant aux conséquences graves sur l’avenir du pays ! En effet, au risque de nous répéter, nous l’avions déjà souligné dans nos éditions précédentes, sans les partis politiques traditionnels, il serait difficile pour le Cnsp de gérer le pays avec des groupuscules de Société civile aussi disparates que peu avertis des mécanismes de gestion du pouvoir d’Etat. On l’a vu, cela fait près de deux mois que l’on a nommé les membres du Conseil Consultatif pour la Refondation, mais, jusquelà, ils n’ont pas été installés officiellement, probablement pour des raisons financières, mais cela n’empêche pas à son président de circuler en voiture officielle avec sirène et gyrophare, ainsi qu’aux autres présidents de commissions d’affréter des véhicules officiels. Mais, sur quel budget tout cela est-il fait ? Aujourd’hui, faites un tour, la nuit, sur la Place de la Concertation, pendant que le reste de la ville de Niamey est plongé dans le noir total du fait des délestages intempestifs de la NIGELEC, le siège de l’ancienne Assemblée nationale abritant le CCR est illuminé de ‘’mille fagots’’ à partir de puissants groupes électrogènes carburant au gasoil, montrant ainsi un mépris à l’endroit du bas peuple qui n’a pas les moyens de s’offrir une source d’énergie alternative ! C’est pourtant avec ce CCR, fait de bric et de broc, que le Cnsp entendait conduire les chantiers de la Refondation. C’est le lieu de rendre un vibrant hommage à l’ancien Premier ministre du Mali, Choguel Kokalla Maïga, qui déclarait, en novembre 2024, qu’à la longue, ce sont les questions d’ordre économique qui s’imposeraient aux États du Sahel, car les slogans ou autres hymnes patriotiques ne fleuriront au-delà d’une année, une année et demie, pas plus, disait-il. L’Histoire est peutêtre en train de lui donner raison que l’on voit l’évolution de la situation générale dans les États du Sahel.

Vers un gouvernement inclusif comprenant des personnalités issues du vieux monde politique ?
La rencontre entre le Président Tiani et ses prédécesseurs pourrait préfigurer la formation d’un gouvernement de large ouverture comprenant des personnalités issues de l’ancienne classe politique nationale. Dans ces conditions, certains militaires membres du gouvernement pourraient faire les frais de cette large ouverture sur le vieux monde politique. Probablement que seuls le PM Zeine, les deux ministres d’Etat de la Défense et de l’Intérieur, Salifou Modi et Mohamed Toumba les deux généraux du gouvernement, et l’actuel ministre des Transports et de l’Aviation civile et ancien porte-parole du Cnsp, devraient rester dans la prochaine architecture gouvernementale qui sortirait de cet élargissement au vieux monde politique. Mais, certaines sources indiquent que si le vieux monde politique devait accepter de faire partie du processus de la Refondation, ce serait à la condition de prévoir un agenda précis du retour du pays à l’ordre constitutionnel, à travers l’organisation d’élections générales libres, équitables et transparentes dans un horizon temporel raisonnable. Si un tel scénario venait à se réaliser, il est évident que l’on ne serait plus dans le cadre de la Refondation, devenue désormais caduque, mais dans un contexte de transition classique comme on l’a connu par le passé.

En tout état de cause, le Cnsp se trouverait à la croisée des chemins : se réinventer pour reconquérir la confiance populaire ou jeter l’éponge, car il n’y a pas, manifestement, une troisième voie !

Halidou Maiga (Le Monde d’Aujourd’hui)