Transition - Adalci : le maître-mot d’une gouvernance vertueuse au Niger
Au pays de Seyni Kountché dont le souvenir, dans les moments compliqués que vit le pays, ne cesse de hanter l’esprit des Nigériens, l’époque rappelle à chacun la gestion du pays qui fut la sienne, avec cette main ferme qui ne tremble jamais, chaque fois qu’il faut faire justice et qu’il faut rendre justice aux Nigériens. Il n’aimait ni les apatrides ni les voleurs ni ceux qui, paresseux, cherchent la facilité. Il aimait ceux qui savent se battre pour leur pays ; ceux qui, promus à un poste, savent que ce n’est pas une faveur qu’on leur fait mais une mise à l’épreuve qui les oblige au désintéressement pour donner le meilleur d’eux-mêmes. On peut d’ailleurs comprendre qu’à l’époque, les Nigériens redoutent les responsabilités, craignant l’échec qui est source d’humiliation. On s’en effrayait d’autant plus que, lorsqu’on venait à être chargé de quelques responsabilités, l’on se demande toujours si l’on peut être à la hauteur, inquiet de décevoir. Tout le contraire de ce que l’on voit aujourd’hui, à la faveur de la démocratie et des partages qu’elle induit, où l’on se bat, avec lampe torche, à trouver quelque position de confort dans un système, quitte à l’avoir au moyen de courbettes et de corruption, copinage et de favoritisme.Comme au Burkina où, en voyant venir un Ibrahim Traoré, l’on avait cru voir la réincarnation de Sankara, au Niger, l’on a cru voir, derrière la silhouette débonnaire et humble du Général Abdourahamane Tiani, la réincarnation d’un Kountché que la providence ramenait au peuple pour le soigner de déceptions politiques que lui donnait une classe politique médiocre, incapable de s’amender. Qu’est-ce qui pourrait manquer à faire d’un Tiani un Kountché ? La Justice et leur rapport à la justice, diront bien d’analystes. Sur bien de plans, l’homme donne entière satisfaction mais, à ce niveau, il y a, selon bien d’observateurs, quelques problèmes qui ne sont pourtant pas insurmontables surtout pour un soldat. Aussi, posons cette question : peut-on gouverner sans Adalci ?Tout le monde connait la réponse à une telle question, ce d’autant que, même à l’échelle miniaturisée des instances sociales de la famille, l’on sait que le défaut de justice peut conduire au déchirement de la cellule familiale, à ce qui pourrait justifier que la Baraka – bénédiction – ne vienne jamais là, Dieu proscrivant l’injustice.L’on sait que dans ses discours, le Général Abdourahamane Tiani fait un usage lucide du mot Adalci qui donne à croire au langage qu’il tient sur l’honneur de l’officier, à la magnanimité que dictent les convenances et la civilité, pour comprendre qu’il sait la place que prend la justice dans un pouvoir, dans une gouvernance. Les propos dans lesquels il tient ses discours, parle à ses compatriotes, donnent souvent des frissons à croire qu’un tel homme pourrait peu penser à lui-même lorsqu’il prend certains engagements difficiles, dit des choses par lesquelles il met à l’épreuve sa conscience et son image. On se rappelle que l’ex-premier ministre du Capitaine Ibrahim Traoré qui le rencontrait à Niamey, disait avoir eu presque peur à entendre ce qu’il lui disait par rapport à ses engagements pour son peuple. Il lui disait en effet, rapportait l’hôte burkinabé, qu’avec l’âge qui est le sien, il n’a plus rien à espérer de la vie, que de servir loyalement son pays, que de s’engager à la fin d’une carrière amplement menée pour son pays, affirmant ne pas être porté sur les luxes de la vie.Mais pourquoi, s’interroge-t-on, avec une telle conviction et une telle humilité, l’homme hésite-t-il à aller aux courages qui sous-tendent tant de professions de foi, tant de promesses d’impartialité et d’infaillibilité ? Le côté trop humain de l’homme peut-il entrer en contradiction avec ce que les règles du pouvoir pourraient commander de sa part par devoir politique ?
Justice, socle de tout pouvoir qui aspire à la pérennité.
Pour gouverner plus longtemps, et pouvoir laisser de bons souvenirs à un peuple, il n’y a plus qu’une voie : gouverner dans la justice. Ne résistent au temps et aux intempéries politiques que les pouvoirs bâtis sur le socle de la justice. C’est pourquoi, depuis des mois, les Nigériens ne cessent d’interpeller la transition à faire justice et à avoir l’audace d’ouvrir tous les dossiers, ne pouvant pas avoir à se reprocher de manquer de gratitude pour un tel ou pour un autre, la justice commandant d’aborder toutes les questions de justice, ou pour dire juste, d’injustice. On gouverne pour un peuple, jamais pour un clan ou pour un individu. Donner droit à la justice, ce n’est ni vouloir du mal pour un autre, ni même manquer d’humanisme mais une volonté d’aller dans ce que Dieu Souverain commande pour tous. Refuser d’aller dans cette option, c’est vouloir contrarier la volonté populaire qui, du reste, a été exprimée à travers les conclusions des assises nationales. Mais, après plusieurs semaines, qu’en fait-on ? Les a-t-on abandonnées dans les tiroirs pour seulement manipuler cet appel qui demandait de libérer des prisonniers politiques. Ce qui fut fait d’ailleurs mais de manière sélective.Vouloir aller à l’encontre de cette volonté clairement exprimée qu’on a cru pouvoir étouffer au moyen du pardon que l’on invitait dans le débat, ne saurait pour autant éteindre le sujet quand on sait que, par le temps qui reste maître de l’Histoire, un jour ou l’autre, lorsqu’un soutien, pour une raison ou pur une autre pourrait ne plus être possible, l’on ne peut que répondre de ses actes. Ces atermoiements ne sont donc qu’une manière de différer un supplice qui, forcément, finira par s’imposer et le peuple aura le dernier mot.Et des signes sont là pour montrer qu’on ne saurait embarquer un peuple dans ce qu’il pourrait ne pas aimer, certains choix controversés de la transition, si elle devrait s’y entêter, ne pouvant conduire qu’à des ruptures dont le pays aurait pu, dans le contexte qu’il traverse, faire l’économie.Or, c’est ce contrat social que les Nigériens voudraient que la transition préserve car ce pays a aujourd’hui une chance historique de se reconstruire, de redevenir un pays normal, de faire la paix avec lui-même. C’est donc lorsque, comme pour montrer que, désormais, dans le nouveau Niger refondé, tous les Nigériens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, que l’on pourra réconcilier les Nigériens et donner sens à un pardon qu’on pourrait demander au peuple. Et parce que rien de durable ne pourrait être réussi sans
justice, et notamment au-delà des réparations à apporter, il y a à faire en sorte que l’appareil judiciaire soit le plus efficace possible et le plus indépendant qu’on puisse aimer avoir dans un Etat de droit, toute chose qui impose, à la fois à oser des réformes profondes du système judiciaire et à opter pour un choix judicieux des hommes, or que n’avait-on pas dit à propos de certains acteurs cooptés, les redéployant à des positions stratégiques de l’appareil judiciaire, ce, sans que la transition n’en tienne compte ? Et tout le monde regarde.
Mairiga (Le Courrier)