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UA/Participation d’Issoufou à la réunion d’Addis-Abeba : Le CNSP a-t-il trop peur de dire la vérité aux Nigériens ?

rapport detape sur la zlecaf par issoufou mahamadou a addis abeba ethiopieToute la fin de la semaine dernière, les Nigériens avaient été bouleversés par l’annonce maintes fois confirmée et maintes fois démentie du voyage de l’ancien président Issoufou Mahamadou en Ethiopie où il devrait aller participer à une réunion de la Zlecaf dont il a été désigné champion. Mais, alors que voici plus de six mois qu’il ne se déplaçait plus même dans le pays, personne ne pouvait croire à cette information, surtout quand, quelques semaines plutôt, selon certaines indiscrétions, on lui aurait refusé une sortie du pays pour aller se faire soigner. Qu’y a-t-il d’aussi important à aller à une réunion de l’UA, fut-elle consacrée à la Zlecaf, pour le laisser sortir du pays, s’indignent les Nigériens qui ne peuvent comprendre comment l’ancien président aujourd’hui controversé puisse être plus important à l’UA qu’il ne puisse l’être pour le Niger au point d’obliger les autorités nigériennes, contre l’avis du peuple, à le laisser s’en aller du pays, sans qu’on ait entendu les garanties de ce commerce politique douteux ? A-t-il pu fait croire aux autorités nigériennes, comme il l’a déjà tenté, qu’il a une solution à l’isolement et aux sanctions du pays ? Les nouvelles autorités peuvent-elles être si naïves ?

Mais, pourquoi le CNSP et son gouvernement, malgré la vive polémique suscitée, n’ont pas voulu communiquer sur le sujet ? Se sentent-ils fautifs vis-àvis d’un peuple pour lequel ils prenaient des engagements ? La peur de ce peuple, devenu trop exigeant, peut-elle avoir commandé ce silence ? Quelles peuvent avoir été les clauses de cette entente faite sur le dos du peuple du Niger ? Issoufou Mahamadou, peut-il être si indispensable à ce pays au point de servir de monnaie d’échange avec une institution continentale qui l’adouberait ? Dans un article publié par Le Mondafrique intitulé « L’ex Président Issoufou, le mistigri du Niger », la rédaction du journal français vient donner plus d’informations et, malheureusement sans doute pour beaucoup de Nigériens, comme des signes qui friseraient une trahison du peuple, notamment en donnant l’assurance qu’il était bien en Ethiopie aux côtés de personnalités du continent. Comment, alors que dans la dernière intervention de celui qui est l’ancien ambassadeur de la France au Niger – n’en déplaise à Emmanuel Macron, Sylvain Itté – l’on apprenait qu’Issoufou Mahamadou serait bien l’instigateur du coup d’Etat du 26 juillet, l’UA, puisse, elle, continuer à pactiser avec un tel homme, aujourd’hui, regardé dans le monde du coin de l’oeil ? Pour quel intérêt, Moussa Faki peut-il inviter ce personnage décidemment sulfureux à la prestigieuse tribune de l’institution continentale ? Que peut manigancer Moussa Faki avec les autorités nigériennes ?

L’indiscutable présence d’Issoufou à Addis

On apprend de cet article qu’il y était, indiscutablement. Et le portrait qu’on donne de lui ne trompe pas sur cette personnalité avide de messes qui lui ont tant manqué ces temps-ci, lui qui aime trop voyager. N’est-ce pas, « Mahamadou Issoufou, boubou blanc et bonnet rouge, le visage tout juste un peu fatigué [sans doute par les soucis des nouveaux vents qui ont soufflé sur son empire] qui prononce un discours à la tribune d’une grande assemblée internationale ? C’était dimanche au sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine à Addis- Abeba, où le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki, avait invité l’ancien Président du Niger ». Et comme le souligne le journal français, « Les Nigériens, eux, n’en croyaient pas leurs yeux », souvent même quand leur compatriote, Seidik Abba annonce l’information, et revient sur des plateaux de télévision pour le corroborer : pour eux cela ne pouvait pas se faire dans ce contexte. Et pourtant. Et les plus radicaux se demandent, perdus, que valent alors tous ces engagements, toutes ces professions de foi, tous ces serments moraux pris avec le peuple du Niger ? Pour en arriver là ? On se froisse les yeux et on crie : non, ce n’est pas possible ! Alors, « Fallait-il y voir une fake new des amis de Mohamed Bazoum, qui vouent désormais une haine tenace à leur ancien parrain ? Pourquoi pas une intox française, pour déstabiliser le régime de transition ? », s’indignent les Nigériens, par l’imagination fertile de Le Mondafrique. Il n’en est rien de out ça. La cruelle vérité est bien là, apprend-on toujours de Le Mondadfrique. Mais pourquoi, ainsi que le journal français s’en interroge, « […] aucune autorité nigérienne ne daigna informer les citoyens, les laissant se débattre avec leurs fantômes » ? Le renfermement sur soi du Premier ministre nigérien, depuis quelques jours qu’il semble perdre ses enthousiasmes, peut-il trouver des explications dans ces ambiguïtés qui ne font pas cohérence avec les choix pour lesquels les Nigériens soutenaient le coup d’Etat et la transition ?

Comment ne pas s’en indigner, quand, après des jours de supputations, Le Mondafrique note, comme pour lever toute équivoque, que « C’est Mahamadou Issoufou lui-même qui mit finalement un terme au supplice, par un message sur son compte facebook personnel muet depuis des mois ». Et comment peut-on continuer à en douter quand, plus loin, le journal précise qu’ « On ne saurait faire plus institutionnel. L’image qui accompagne ce post montre un Issoufou studieux, penché humblement sur son discours, les yeux baissés », peut-être troublé par ces déboires au pays et le nouveau regard qu’il a vu d’autres poser sur lui depuis qu’il arrivait là, devenant presque un invité encombrant, ‘’clivant’’, diraient d’autres, perdant beaucoup d’estime dans beaucoup de cercles.

C’est à juste titre que Le Mondafrique parle d’ « Un déplacement embarrassant pour l’Union africaine », se demandant « […] pourquoi inviter en grande pompe celui qu’on soupçonne d’être le cerveau du coup d’Etat qui a valu sa suspension de l’organisation au Niger ? Moussa Faki n’était pas obligé d’ouvrir cette brèche à Issoufou ni de lui envoyer un avion privé à Niamey. Cela affaiblit la cohérence des positions de l’Organisation et semble consolider le camp Issoufou dans la bataille politique interne ». Le post, qu’il signait sur sa page Facebook, n’était-il pas déjà une première façon de narguer les Nigériens qui bavardaient à longueur de week-end alors que lui retrouvait les parfums des avions qu’il perdait depuis quelques mois d’isolement, partant, laissant au pays ces polémique qui s’amplifient ?

Et les Nigériens dans tout ça, dans cette comédie de mauvais goût ? Se sentent-ils grugés et trahis ? Faut-il s’attendre que, en l’absence de communication qui rassure les Nigériens sur ce choix que rien, a priori n’impose au CNSP, quelques Nigériens et notamment des groupes organisés prennent la parole pour exprimer leur déconvenue et leur désapprobation ? Il y a sans doute de quoi, si on devrait ne rien dire aux Nigériens. Faut-il y voir finalement aussi quelque clanisme au sein du CNSP ? Ce n’est pas dans l’intérêt du pays et de la transition. Et notamment des militaires nigériens.

Le peuple désormais dubitatif…

S’il est vrai que le Général Tiani, depuis des jours, tente de rassurer, donnant des gages quant à sa volonté à ne travailler que pour les intérêts du pays, ne venant pour personne et notamment pour protéger une personne ou une autre. Le Mondafrique en sait quelque chose :« Mais le voyage d’Issoufou a surtout troublé les Nigériens. L’ancien Président, qui est l’artisan de tout ce que la junte dit combattre – népotisme, mauvaise gouvernance, inféodation à l’Occident – se déplace donc en toute liberté. Est-il vraiment en résidence surveillée, comme on le dit ? Après tout, il continue sa vie dans les villas payées par l’Etat, sous la protection de la garde présidentielle, comme si de rien n’était. Seuls changements : l’absence de sa femme Malika et de ses plus jeunes enfants et l’incarcération de son fils, Abba, le ministre du Pétrole du régime renversé, emprisonné à Filingué ». Comment donc, s’indignent encore les Nigériens, un tel personnage peu recommandable, peut-il mériter tant de faveurs au point d’agacer son peuple vis-à-vis duquel il reste comptable de tant de crimes ? C’est à juste titre que le journal relève que « Le déplacement d’Issoufou met le doigt sur l’ambigüité congénitale du régime : le rôle décisif de l’ancien Président dans le coup d’Etat perpétré en douceur par son homme de confiance, le général Abdourahamane Tiani, patron de la Garde présidentielle ». Doit-on y croire alors que jusqu’ici les Nigériens s’y sont refusés, croyant à la parole de l’officier qui prenait des engagements devant son peuple qui le soutenait ?

Il y a pourtant des signes qui font encore douter, estiment bien d’alarmistes et autres pessimistes quand aussi, après plus de six mois à la suite du coup d’Etat et plus de deux ans et demi après le départ d’Issoufou du pouvoir, « Les militaires qui ont été arrêtés pour des complots réels ou supposés contre Mahamadou Issoufou pendant toutes ces années gardent d’ailleurs toujours prison », comme si leur isolement ferait l’affaire d’un autre. Pourtant, tous les observateurs s’accordent à dire que l’heure est venue pour l’armée de solder ses malentendus et ses malaises pour rester plus forte dans ses différentes composantes.

Le CNSP, peut-il comprendre qu’Issoufou, pour les Nigériens, soit inexcusable ?

Si souvent, ceux qui ont renversé le pouvoir ont voulu présenter Bazoum comme le grand mal, pour l’ensemble des Nigériens, le grand mal de ce pays c’est Issoufou et c’est lui qui l’a fait et dans le seul but d’impod’imposer une monarchie au pays, d’enrichir son clan, marchant avec un Fils, à qui il préparait un fauteuil qui n’est pourtant pas aristocratique. Mais bien plus, puisque, ainsi que le souligne Le Mondafrique, il est « Celui qui a invité les forces étrangères au Niger, la France puis les Etats-Unis, l’Allemagne et l’Italie [parce que] se méfia[nt] de son armée et y voyait une garantie de sécurité. Celui qui a banni les importuns, récompensé les fidèles par des montagnes d’or, [note toujours le journal] c’est toujours Mahamadou Issoufou ». Le CNSP, garde-t-il quelques liens incestueux avec Issoufou plus qu’il ne peut en avoir avec Bazoum ? Le changement, auquel aspirent les Nigériens, peut-il donc être possible dans ces conditions ? Il y a pourtant à se méfier du personnage. Le CNSP en a été averti plusieurs fois. Ousmane le sait. Hama Amadou aussi. Tandja également. Bazoum surtout. Et même Seini Oumarou et Albadé Abouba. En effet, conclut Le Mondafrique, « Surnommé le lion en haussa, Mahamadou Issoufou est plutôt un vieux chat. Il a plusieurs vies, retombe toujours sur ses pattes, même dans les circonstances les plus scabreuses. Il sait ronronner par devant et mordre par derrière ». Attention.

Il ne faut pas que, par cet homme et les gentillesses qui lui sont faites, la transition nigérienne se discrédite…

Comment, dans ces conditions, se demandent plusieurs analystes, et notamment avec ces ambigüités et duplicités peu élucidées, le CNSP puisse convaincre ses partenaires et alliés maliens et burkinabé qu’il serait sincère dans la marche qu’ils engageaient collégialement pour libérer leurs pays ? N’est-ce pas Issoufou qui a fait venir et donné toute la place que l’on sait aux armées occidentales que les militaires nigériens chassaient du Niger après le coup d’Etat ? Avec le peuple, on joue pile ou face. Jamais les deux.

Un homme averti, peut-on dire. Mais, en réalité, il n’y a que trop de passion dans cette affaire de la sortie d’Issoufou Mahamadou du Niger pour participer, alors qu’on le refusait à tout un pays et à ses autorités, à un sommet de l’UA. Lorsqu’officieusement, par un message qui a circulé sur les réseaux sociaux, l’on apprend l’annonce du retour d’Issoufou au Niger, c’est que l’homme ne partait plus avec les mêmes honneurs, les autorités du pays, gardant un oeil sur lui, même lorsqu’elles peuvent lui faire ce privilège de voyager. Accompagné dans ce déplacement d’une bonne brochette d’officiers, l’homme partait sans avoir de liberté de mobilité dans ce voyage-cadeau et surtout quand, revenant, on a ce message très militaire qui rassure une hiérarchie que la mission a été bien conduite et que l’ancien président est de retour. D’ailleurs, a-t-on vu l’homme, pour ses vanités, se balader comme il le veut dans cette grande et belle ville d’Addis- Abeba, faire des rencontres, donner des interviews et des audiences ? Non, ce n’est plus le même Issoufou Mahamadou qui voyageait. Dans le destin de l’homme, quelque chose à changé et c’est cela que les Nigériens veulent savoir. Le CNSP reste donc au contrôle : il ne trahit pas et trahira pas.

Faire une communication sur ce déplacement arrangé, c’est peut-être rajouter aux malheurs de l’homme qui partait. Humainement, le CNSP a peut-être choisi d’éviter le crucifix à un homme qui doit certainement souffrir ces derniers temps.

Par Mairiga (Le Courrier)