Skip to main content

Accueil

Cousinage à plaisanterie au Niger : Des valeurs sociales à sauvegarder

Des rencontres ponctuées d’anecdotes, d’histoires, le tout à travers des activités culturelles notamment les chants, les théâtres, les sketchs, les contes!. Des évènements au cours desquels chacun racontait les tares de l’autre. Chacun voulant rappeler être le maître de l’autre. Tout cela dans une ambiance bon enfant. Ces activités sont organisées par le Gouvernement via le Ministère de tutelle chaque année dans une région du Niger où tous les acteurs culturels se retrouvent.

Des petites taquineries dans une ambiance conviviale

La parenté à plaisanterie est une pratique sociale qui s’exerce entre individus, groupes et communautés ethnolinguistiques pour promouvoir la fraternité, la solidarité et la convivialité. Elle prend la forme d’un jeu entre deux personnes de deux communautés qui représentent symboliquement les branches mari et femme d’un cousinage croisé de la même famille. Cette parenté résulte souvent d’un pacte ancestral interdisant les conflits ou les guerres entre les communautés en question, et implique que ses membres doivent s’aimer et se porter mutuellement assistance si nécessaire. Les membres ont le devoir de se dire la vérité, de plaisanter ensemble et de mutualiser leurs biens respectifs, en sachant que tout différend doit se régler de manière pacifique. La parenté à plaisanterie se pratique dans les lieux publics, dans les champs, dans les bureaux, aux marchés, aux points d’eau, en famille, etc., au quotidien comme lors d’occasions spéciales : mariages, baptêmes, diverses cérémonies, funérailles, transactions commerciales, manifestations culturelles et de divertissement.

Lors de la prestation d’une troupe culturelle, les attaques verbales venaient de partout. Les béribéris sont les premiers à tirer sur les peulhs. Pour eux, les peulhs ne seraient pas intelligents. « S’il y a un qui est un peu intelligent, soit sa maman est une béribéri, ou bien c’est sa grand-mère qui l’est » clame Fannata. Ou encore, peut-être que sa femme vient de Bilma ou de Guidiguir. La réplique des peulhs ne s’est pas fait attendre. Ils taxent leurs prétendus esclaves de peureux. Quant aux djermas le nommé Hama, lui, traite leurs cousins Touaregs de voleurs, de pingres, de broussards. Pour lui, la parenté à plaisanterie permet de s’amuser, de partager, de fraterniser, de résoudre les conflits. C’est pourquoi elle appelle les autres ethnies à la promouvoir. Une chose est au moins sûre: « la parenté à plaisanterie a de longs jours devant elle car elle est transmise de génération à génération. Cela constitue une force majeure que nous devons renforcer et pérenniser. Bref, c’est un moment fait de rire, d’amusement et de taquinerie»


Lire aussi

Cousinage à plaisanterie, les principales figures

L'air du temps/cousinage : faut pas fâcher...

Cousinage à plaisanterie : par Saidou Daoura



Pérenniser la pratique

Le maouri Massalatchi fonctionnaire de l’Etat estime que « c’est une chance inouïe que le Niger ait valorisé cette parenté à plaisanterie, partout où je vois un peulh je le provoque et lui également. Cela solidifie les liens de fraternité et nous épargne de certains conflits. En cas de malentendu, il y’a toujours quelqu’un qui est là prêt à vous départager par des paroles douces, à intercéder par des mots et des phrases ‘’bats la terre, vous êtes des cousins à plaisanterie’’.

Maman Sani le Bagobiri voit en la parenté à plaisanterie une dimension sociale très immense. « Elle nous conforte dans nos positions. Face à un Zarma je me sens supérieur car je suis le maitre, et lui essaie de nier cet état de fait, on se tape les mains, on se taquine, on se fait des cadeaux. On est toujours en bons termes avec eux’’ Je me rappelle comme si c’était hier j’ai emprunté un bus ‘’Faba Faba ‘’ au moment où je devais sortir je voulais prendre mon sac que j’avais déposé juste à côté de moi et mon voisin du bus crie ‘’ramène le sac ce voleur là ; et tout le monde me regardait sans savoir qu’il me provoquait je lui dis sur un ton véhément : moi voleur tu sais à qui tu t’adresses sors de cette voiture, je vais te régler ton compte et il m’a répondu ‘’magobiri hammo’’ j’ai compris que c’est un cousin plaisantin ; et j’ai souri et continuer mon chemin ». Pour lui, si souvent les gens se permettent à rire à gorge déployée, c’est sûrement grâce à la parenté à plaisanterie qu’on essaie de nous montrer avec les pièces de théâtre, les sketchs, les chants et autres. Il exhorte les autorités à poursuivre ces genres d’actions. Elles sont utiles partout et à tous..

Un cousin des Touareg, Dr Ali Ahmadou Enseignant Chercheur va plus loin, vu les vertus sociales de cette culture, il a salué un de leurs vœux qui leur est cher depuis tout petit. Celui de l’institution d’une journée de la concorde dans le pays par le gouvernement où la parenté à plaisanterie trouve tout son sens. Et, je viens d’apprendre que cela a été fait. Selon lui ce ‘’ Bassatarey ou Tabastaka ‘’ remonte à la nuit des temps. Et lorsqu’on est cousin poursuit-il, joyeusement la vérité passe plus facilement. Pour ce qui est de la journée nationale de la concorde, le gouvernement y travaille ardemment pour la magnifier par des actions salvatrices, l’acte posé est louable, noble et digne.

Tout en implorant les mânes des ancêtres de bénir notre pays, il appelle les uns et les autres à plus de fraternité et de solidarité. On est parent, partout où tu vas, tu dois d’abord te dire nigérien avant de dire que tu es de telle ethnie ou telle ethnie.

Aïssa Abdoulaye Alfary

28 avril 2018
Source : http://lesahel.org/